• L’Illusion de velours

    Jeffrey A Engel

     

    COLLEGE STATION, TEXAS – La chute du mur de Berlin en 1989 et le renversement du communisme de façon assez peu violente à travers l’Europe centrale et orientale ont fait prédire aux optimistes un nouvel âge d’or sur une planète composée de démocraties pacifiques. Il semblait à certains que l’histoire était arrivée à sa fin. Mais il se trouve que les optimistes n’ont pas vu juste, car les puissances mondiales, grandes et petites, ont tirées leurs propres enseignements parfois divergents, du passé.

    Pour les Américains, <st1:metricconverter productid="1989 a" w:st="on">1989 a</st1:metricconverter> validé ce à quoi ils croyaient déjà. Ils avaient gagné la guerre froide, ou pensaient l’avoir gagnée, par la persuasion et la force coercitive. En voyant les foules de manifestants dans les capitales d’Europe de l’Est et les Chinois amassés sur la place Tienanmen, à scander des refrains pour la liberté, ils ont cru qu’ils voulaient devenir américains. Tout comme George H.W. Bush l’a déclaré : « Nous connaissons les ingrédients garants d’une vie plus juste et prospère pour les habitants de <st1:personname productid="la Terre" w:st="on">la Terre</st1:personname> : liberté d’expression, marché libre, élections libres et exercice du libre-arbitre non entravé par l’état. »

    La suite des événements semblait valider cette recette américaine. La guerre du Golfe a confirmé la puissance militaire des Etats-Unis et les périls séculaires de l’apaisement. L’outil principal de la politique étrangère américaine sous Clinton était la promotion d’une démocratie active, ce que l’administration George W. Bush a poussé, de manière inédite, à l’extrême.

    La victoire sur la guerre froide donnait une réponse à chacun. Selon Clinton : « La détermination des Etats-Unis et les idéaux de ses habitants, si clairement articulés par Ronald Reagan, ont aidé à faire tomber le mur ». La leçon était limpide : « Nous pouvons parvenir à nos objectifs en défendant nos valeurs et en guidant les forces de la liberté. » 

    Les mots de Barack Obama font écho à ceux de Clinton. Malgré ses fréquents aveux pour le changement, le moyeu de sa politique semble particulièrement statique. Dans son célèbre discours de campagne prononcé à Berlin, il prêchait : « Les générations du passé ont fait face au fascisme et au communisme, non seulement avec des missiles et des tanks, mais aussi avec de solide alliances et des convictions durables. »

    C’est pourquoi l’Amérique d’Obama dépense plus pour l’armement que l’ensemble du reste du monde, et pourquoi la promotion de la démocratie reste le fondement incontesté de la politique étrangère, le seul débat possible étant sur sa mise en œuvre. L’histoire fournit une recette au succès, du temps que les Américains adhèrent à la leçon de 1989. 

    Mais le reste du monde n’a pas retenu la même chose. Les experts européens n'adhéraient pas du tout à l'interprétation des Etats-Unis comme quoi la guerre froide avait été vaincue par la force. Ils pensaient au contraire que le triomphe venait de la coopération, justement car l'usage de la force était absent. Dans les suppliques pour la liberté provenant de l'autre côté du rideau de fer, ils n'entendaient pas le souhait de devenir Américain, mais celui de prendre part à une construction européenne très fructueuse née après la seconde guerre mondiale, en toute prospérité et sécurité collective. Aux yeux des dirigeants européens actuels, la principale leçon à retenir de 1989 est que l’usage de la force est contreproductif et que c’est le consensus qui importe.

    Pas étonnant que les dirigeants russes aient aussi tirés leurs propres conclusions. Lorsque Mikhaïl Gorbatchev parlait d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural », il ne faisait pas allusion à un continent sous domination soviétique, pour reprendre la menace de Josef Staline. Ayant fait preuve d’une modération remarquable en 1989, les leaders russes s’attendaient à être accueillis par l’Occident. Au lieu de quoi, l’OTAN s’est avancée aux portes de <st1:personname productid="la Russie" w:st="on">la Russie</st1:personname>, l’Union européenne a fermé ses portes à clé et l’adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce paraissait impossible. L’économie post-soviétique s’est écroulée, la criminalité a gagné du terrain et l'espérance de vie a diminué. <st1:personname productid="la Russie" w:st="on">La Russie</st1:personname> a fini par perdre son autorité sur la scène internationale.

    Pour les dirigeants russes, la leçon de 1989 était évidente : faire confiance à l’Occident est au mieux stupide, au pire dangereux. Dans son idéal d’intégration à l’Europe Gorbatchev avait négligé des siècles d’histoire russe : l’Occident ne veut pas de la participation russe. Il valait mieux que les Russes se reposent sur leur propre puissance, leurs propres ressources et placent leur propre police aux frontières. Le Kremlin a fait confiance à l’Occident en 1989. Depuis, les chefs d’état et de gouvernement russes refusent d'être à nouveau dupés.

    Les responsables chinois quant à eux ont retenu de 1989 les séquelles les plus déroutantes. La désintégration du bloc soviétique les a fait reculer. En mars de cette année, les membres officiels du parti en sont venus à la conclusion qu’« [il fallait] tout mettre en œuvre pour éviter que les changements survenus en Europe orientale influencent l’évolution interne de <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> ». Ils ont donc violemment anéantis les manifestants pour la démocratie dans les mois qui ont suivi.

    De 1989, <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> a retenu que la stabilité de l’état était capitale. Les dirigeants ont toutefois aussi reconnu que feindre d’ignorer les exigences du peuple est très dangereux. Le gouvernement a donc formulé un contrat implicite avec ces citoyens : aucun dissident politique ne sera toléré mais l’état garantira en échange une belle croissance économique. Du moment que la prospérité va croissant, personne ne peut douter de la légitimité du gouvernement.

    Après 1989, la politique étrangère chinoise a également mis l’emphase sur la légitimité. Le régime espérait réaffirmer son autorité dans le monde en adhérant davantage aux organisations internationales. Les dirigeants ont adopté la nature coopérative du processus européen de l’après 1945, tout en prenant très à cœur la leçon russe : les bonnes intentions ne suffisent pas à faire céder l’Occident.

    Toutefois, à l’inverse de <st1:personname productid="la Russie" w:st="on">la Russie</st1:personname>, <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> n’a pas mis l’accent sur l’importance que le pouvoir dur représente traditionnellement pour parvenir à ses fins. En fait, les dirigeants chinois ont très peu dépensé dans le domaine militaire, par rapport au PIB en hausse de <st1:personname productid="la Chine. Son" w:st="on">la Chine. Son</st1:personname> pouvoir ne provient désormais pas de sa capacité à surpasser la marine US, mais de ses avoirs en bons du Trésor américain.

    L’année <st1:metricconverter productid="1989 a" w:st="on">1989 a</st1:metricconverter> même eu des répercussions en Iran, où les dirigeants ont, semble-t-il, bien retenu de Tienanmen et de la chute du rideau de fer qu’un gouvernement très fort pouvait en effet démobiliser une réforme exigée par le peuple.

    En 1989, les manifestants du monde entier ont promis que la planète n’oublierait pas de si tôt les horreurs de Tienanmen. C’est pourtant ce qu’il s’est passé – et à vitesse grand V. A posteriori, nous attendions des événements capitaux survenus en 1989, des conséquences bien différentes de ce dont nous avons hérité.

    Copyright: Project Syndicate, 2009.
    www.project-syndicate.org

     

    Jeffrey A. Engel dirige la programmation à l’Institut Scowcroft pour les Affaires internationales de l’université Texas A&M. Il est l’auteur de The Fall of the Berlin Wall: The Revolutionary Legacy of 1989 [La chute du mur de Berlin : l’héritage révolutionnaire de 1989].


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  • Bonjour à toutes et à tous,


    Rappel de l'analyse
    EN BOUGIES MENSUELLES:

    CONCLUSIONS Mensuelles:              Pour le mois de novembre:

    Rebond sur la MME12, vers 3554?

    -↑-Nous pourrions attendre un rebond vers 3554 ou 3426. Dans ce cas les cours repartiraient à l'attaque de la résistance dynamique située à 3970.
    -↓-Si les cours passent sous 3554 et cassent les 3426, ils pourraient atteindre les 3200.
    --------------------------------------------------------------------------------
    Ma préférence : Baissière sous 3700, haussière au-dessus.
    ----------------------------------------------------------------------------------

    1ére semaine : Le rebond a eu lieu aux environs des 3554: va-t-il se poursuivre?
    2éme semaine:
    Le rebond se poursuit, avec un gain de quasiment 100 points.
    3éme semaine:
    Les cours sont bien descendus, mais ils restent au-dessus de l'axe médian du grand corps noir précédent.
    4
    éme semaine: Le cac est à peine 8 points en dessous du niveau qu'il avait vendredi dernier. Il ne reste qu'une séance pour terminer cette bougie, et il semblerait que les cours veuillent rester au-dessus de l'axe médian du corps noir précédent.
    Ce serait une bonne chose pour la hausse.

    _____________________________

    EN BOUGIES HEBDOMADAIRES:


    Sur la vue long terme du cac weekly, nous observons :


    J'écrivais:
    « S+0 - Sur cet horizon de temps nous aurions une ETEI dont la dernière épaule s'achèverait sur la la ligne de cou vers 3400... Donc à suivre!
    S+1- La dernière épaule s'est achevée mais elle est un peu courte. Nous attendrons quand même une validation de cette figure par une cassure de des 3400. L'objectif de cette figure se situe vers 4700.
    S+2- La cassure des 3400 n'est pas encore assez franche pour se prononcer, mais toujours est-il que la figure est achevée. Elle est bien située et ses proportions ne sont pas si mal que ça.
    S+3- La figure est confirmée de bien belle manière. Il est toujours possible d'avoir un pull back sur la ligne de cou; Souvenons-nous que les cours ne montent pas en droite ligne.
    S+4- Sommes nous en route pour le pull back? Les 3400 peuvent être rejoints en une ou deux semaines seulement.
    S+5- Le pull back est fait et nous avons un joli rebond prometteur sur la ligne de cou.
    S+6- Le rebond s'est confirmé... Mais les 4700 sont encore très loin! Et en distance (1000 points) et en temps (dans environ huit mois).
    S+7- Bien que la pause que fait le cac soit légitime, la configuration qui en résulte, n'est pas rassurante pour une poursuite haussière.
    S+8- Le cac monte peu à peu. La progression est lente mais régulière.
    S+9- La montée semble se poursuivre inexorablement; Or il faudra bien que le cac consolide. Mais sur cette UT nous n'avons aucun signal de ralentissement.
    S+10- N'est-ce qu'une petite pause, ou le début d'un retracement?
    S+11- Ca y est nous avons le signal de retracement; Les cours semblent être aspirés vers les MME 20 et 52. Une descente sur ce niveau ne serait pas préjudiciable à la tendance haussière actuelle, à condition qu'un rebond s'y opère.
    S+12- Il semble que le rebond se fasse, avant que le cac n'ait atteint les MME 20 et 52. Nous pouvons encore rester en consolidation avant de repartir.
    S+13- Nous restons en consolidation. Le cac en avait besoin: depuis l'achèvement de l'épaule droite de l'ETEI, il était monté quasiment en ligne droite.
    S+14- La consolidation se poursuit.
    S+15- La consolidation se transforme en retracement: presque 38,20% depuis le plus bas de l'épaule droite.
    S+16- Le rebond s'est fait pile poil sur les 38,20%. Pour sortir de la consolidation par le haut, il faut passer les 3914.
    S+17- Le cac est en bon chemin pour sortir par le haut de cette consolidation.

    S+18- Non seulement les cours n'en sont pas sortis, mais il font un figure baissière. »
    S+19- Les cours ont terminé la rotation baissière dans le biseau ascendant et sont déjà repartis pour une rotation haussière. Ira -t-elle à son terme?


    ************************


    Sur la vue court terme du cac weekly, nous constatons :

    -
    Une bougie noire, dotée d'une grande mèche haute et d'une très grande ombre basse.
    - Dans la continuité de l'englobante baissière de la semaine dernière , les cours sont descendus jusqu'à enfoncer leur MME20.
    - Le rebond débuté sur la MME20 est assez prometteur. Il permet au cac de clôturer au-dessus de la limite 3715.
    - La MME20 gagne 9,9 points; La MME52 gagne 5,9 points.
    - Les volumes sont en baisse; Ils sont faibles et restent sous leur MME20.


    Arguments haussiers :

    Argumentsbaissiers :

     

    1. La tendance haussière MT.

    2. Le joli rebond sur la MME20.

    3. La clôture au-dessus des 3715.

    1. La tendance baissière depuis juillet 2007.

    2. La belle bougie noire.

    3. Un plus haut et un plus bas inférieurs aux précédents.

    J'écrivais: « en CONCLUSIONS pour la semaine 49:
    Validation ou invalidation de la figure baissière? Validation, mais les cours sont déjà bien remontés...
    -- Si le petit rebond amorcé sur les 3715 se poursuit, nous guetterons le passage des 3784. Au-dessus il faudra encore passer et clôturer après les 3868 pour invalider la figure baissière. Le cac est monté jusqu'aux 3828 avant de repartir accomplir le scénario baissier.
    -↓- Si les cours échouent sous les 3784 s'ils y montent, ou s'ils passent rapidement sous 3715, il faudra encore qu'ils passent sous 3674. Dessous ils renoueraient avec la MME20 vers 3616. Plus bas à 3610.

    ---------------------------------------------------------------
    Ma préférence : Baissière sous 3674 et Haussière au-dessus de 3784.
    » Nous avons eu quasiment les deux scénari.
    ------------------------------------------------------

    CONCLUSIONS pour la semaine 49:

    Poursuite du rebond?
    -- Si le rebond amorcé sur la MME20 se poursuit, nous guetterons le passage des 3785/90. Au-dessus il faudra encore passer les 3828, puis les 3868 et clôturer au-dessus.
    -- Si les cours passent rapidement sous 3715, Nous les attendrions à nouverau vers 3630 et au pire sur les 3611.

    ---------------------------------------------------------------
    Ma préférence : Haussière au-dessus de 3715.
    ---------------------------------------------------------------
    L' Analyse Graphique est une discipline qui nous permet d'identifier des supports et des résistances afin de nous donner un avantage.
    Mais cela reste des suppositions et non des certitudes, et en aucun cas une incitation à trader.


    Bonne semaine, bons trades…

    Amicalement,

    Daniel


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  • Ces risques qui planent encore sur la planète financière

    La défaillance de Dubaï a surpris. Les marchés prennent conscience que de nombreux secteurs ont été fragilisés par la crise. Entre excès de dettes et surchauffe spéculative, les bulles de demain peuvent déjà être identifiées.

    Qui l'eût dit ? Assurément pas les conjoncturistes les plus renommés, pas plus que les analystes chevronnés. La défaillance de Dubaï annoncée jeudi en a effectivement désarçonné plus d'un. Et pourtant, les sujets de préoccupation après la bulle des subprimes et les investissements hasardeux des grandes banques mondiales ne manquent pas. Mais manifestement, ils n'avaient pas identifié cette zone géographique comme un gisement dangereux. D'où la réaction épidermique, jeudi, des investisseurs qui détestent, par-dessus tout, être surpris. Hier d'ailleurs, ces mêmes investisseurs, après analyse de la situation, ont quelque peu retrouvé leur sang-froid, permettant aux places européennes de reprendre quelques couleurs. Il n'empêche. La crise est loin d'être finie et il existe encore bel et bien des zones ou des sujets de préoccupation susceptibles de déstabiliser voire d'affoler les marchés. Comme certains risques pays, la possible défaillance de collectivités territoriales, les expositions dangereuses de certains établissements bancaires ou le succès excessif de certains secteurs d'activité.


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  • Outre-mer, les coûteuses opérations de l'Ecureuil


    Par Laurent Mauduit

    Lien vers l'article : Les couteuses operations 

    • ·  Dans notre promenade indiscrète à l'intérieur du groupe des Caisses d'épargne, pour tenter de cerner les raisons multiples de sa crise, il est une étape que nous n'avons pas encore faite, celle d'Océor, qui est l'une des plus importantes filiales de la banque. Elle regroupe une myriade de petits établissements financiers au Maghreb, aux Antilles et en de nombreux autres lieux. Etape instructive parce que cette filiale était l'un des prés carrés de l'ancien patron de l'Ecureuil, Charles Milhaud, et qu'elle a été le théâtre, elle aussi, de dysfonctionnements. La plus éclairante de ces illustrations en est sans doute <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname>, qui a fait en <st1:metricconverter productid="2007 l" w:st="on">2007 l</st1:metricconverter>'objet d'un rapport accablant de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire que Mediapart est en mesure de dévoiler dans sa mouture préliminaire.
     

    Au sein du groupe des Caisses d'épargne, Océor a, de fait, toujours profité d'une attention très particulière du président du directoire, Charles Milhaud. Constituée d'une myriade de petites banques de très faible rentabilité et souvent même en pertes, issues pour la plupart de la quasi-faillite de l'ex-Crédit lyonnais, de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> des Antilles françaises (qui compte vingt et une agences en  Guadeloupe, Martinique, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et en Guyane), jusqu'à <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname>, en passant par <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de Tahiti, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de Nouvelle-Calédonie, <st1:personname productid="la Caisse" w:st="on">la Caisse</st1:personname> d'épargne de Nouvelle-Calédonie, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> des Îles, le Crédit Saint-Pierrais, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> des Mascareignes, la filiale s'est au fil des ans renforcée par une politique active d'acquisitions : <st1:personname productid="la Banque BCP" w:st="on">la Banque BCP</st1:personname>, au Luxembourg, le Crédit Immobilier Hôtelier, <st1:personname productid="la Banque Tuniso-koweitienne" w:st="on">la Banque Tuniso-koweitienne</st1:personname> en Tunisie, Fransabank au Liban, etc. Et, en de nombreux cas, c'est Charles Milhaud en personne qui présidait régulièrement les conseils de surveillance de nombre de ces établissements, ce qui l'amenait fréquemment à faire le tour du monde.

     

    De cet attachement de Charles Milhaud à Océor, il y a d'ailleurs eu une preuve publique – qui a aussi été un indice de la forte indulgence de l'Elysée à l'égard de l'intéressé : quand la banque a perdu à la mi-octobre 2008 ces fameux 751 millions d'euros dans la spéculation que nous avons analysée, le patron des Caisses d'épargne a été évincé de son poste. Mais pas totalement. Comme l'avait à l'époque révélé Mediapart, Charles Milhaud avait discrètement profité d'un très confortable parachute exotique : sur pression de l'Elysée, il avait obtenu de garder la présidence du conseil de surveillance d'Océor, poste qu'il a donc occupé jusqu'en juillet 2009. Et il est toujours actuellement président du conseil d'administration de la Banque Tuniso-koweitienne.

    Une plongée dans Océor est donc instructive à ce titre. Mais elle l'est aussi pour une autre raison : c'est qu'on y découvre, en vérité, des dysfonctionnements assez similaires à ceux que nous avons déjà constatés dans l'affaire des 751 millions d'euros ou dans celle du “conduit Sémillon”. Un exemple en témoigne donc tout particulièrement, celui de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname>, qui a fait l'objet, en 2007, d'une inspection de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire.

     

    Mediapart a obtenu un exemplaire du projet de rapport qui présente les conclusions de cette inspection. Il ne s'agit pas du rapport définitif ; ce document est donc à interpréter avec prudence puisqu'il ne prend pas en compte notamment les réponses de la direction de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion. Signé" w:st="on">la Réunion. Signé</st1:personname> par Jean-Luc Couëtoux, qui est chef de mission au secrétariat général de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, le document est néanmoins éloquent, tant il relève des manquements nombreux aux exigences réglementaires.

     

    Dans une première partie, qui constitue la présentation détaillée des conclusions de l'inspection (que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous), le projet accumule ainsi les griefs. Au chapitre 3, consacré au « suivi du risque de crédit », le rapport relève qu'il « n'existe pas d'outil d'analyse de la rentabilité », ce qui pourrait « contrevenir aux dispositions de l'article 20 du CRBF 97-02 ». Traduction pour les profanes : le CRBF est le Comité de la réglementation bancaire et financière de la Banque de France, laquelle Banque de France présente sur son site Internet l'ensemble des règlements, classés par date, de ce CRBF.

    « La "politique de risques" prévoit la mise à jour des dossiers au moins une fois par an. Or, celle-ci n'intervient que pour les professionnels ou pour les entreprises bénéficiant de concours à court terme, qui représente une faible part des encours », poursuit le rapport qui s'empresse d'ajouter : « Cette pratique pourrait contrevenir aux dispositions de l'article 24 du CRBF 91-07, qui prévoit une revue de la qualité des engagements, selon une périodicité minimale trimestrielle. »

     

    Et page après page, tout est à l'avenant. « Au sein des créances douteuses », poursuit par exemple le projet, « celles de nature compromises ne sont pas identifiées. <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">La Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname> pourrait ainsi contrevenir aux dispositions de l'article 9 du CRC 2002-03. » Traduction pour les profanes : le CRC est le Comité de la réglementation comptable.

     

    Plus loin encore, on lit ceci : « S'agissant des comptes ordinaires débiteurs, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname> pourrait ne pas respecter les dispositions de l'article 3 bis du CRC 2002-03. En effet, alors que de nombreux soldes débiteurs ne sont assortis d'aucune autorisation, ils ne donnent pas lieu à un déclassement en créances douteuses au bout de 90 jours, ni donc à une constitution de provisions en cas de risque de crédit avéré. »

    Mais il y a sans doute encore beaucoup plus grave. Au chapitre 4 de ce rapport, intitulé « Dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme », le document pointe, là aussi, de nombreux dysfonctionnements. Exemples : « Les contrôles effectués par l'Inspection (...) montrent que le taux de conformité des ouvertures de comptes est très faible. En effet, sur près de 150 dossiers examinés, seuls 35% d'entre eux sont complets, un grand nombre d'entre eux ne contenant que le carton de signature. Par ailleurs, les mandataires ou les cautions, autres que ceux titulaires d'un compte, ne sont soumis à aucune remise de justificatif d'identité ou de domicile. <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">La Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname> pourrait donc être en infraction aux dispositions de l'article L. 563-1 et L.563-4 du code monétaire et financier. Par ailleurs, s'agissant des contrôles en matière de listes de personnes impliquées dans le financement du terrorisme, ils ne sont effectués que lors de la création du compte, un rapprochement étant alors effectué entre son titulaire et les noms figurant sur les listes, ce qui pourrait contrevenir aux dispositions de l'article L. 564-1 du code monétaire et financier. »

     

    Et ce n'est toujours pas fini. Encore plus loin, nouvelles trouvailles : « Le dispositif de surveillance des opérations (...) apparaît insuffisamment rigoureux. En effet, l'Inspection a identifié de nombreuses opérations dont le caractère a priori atypique aurait justifié un examen par l'agence domiciliataire du compte (...), ce qui n'a pas été le cas. Dans ces conditions, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname> pourrait ne pas respecter ses obligations de vigilance, fixées par l'article 2 du CRBF 91-07. En ce qui concerne le contrôle des chèques, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname> n'a pas procédé à la mise en place d'un programme de contrôle annuel communiqué au conseil d'administration. En outre, les procédures n'ont pas intégré dans les contrôles effectués les caractéristiques anormales ou inhabituelles de l'opération au regard du client, de son activité, et du profil de fonctionnement du compte. Dans ces conditions, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de <st1:personname productid="la Réunion" w:st="on">la Réunion</st1:personname> pourrait ne pas respecter les dispositions des articles 4, 7 et 11 du CRBF 2002-01. » Et, cerise sur le gâteau, on apprend encore ceci : « Les opérations réalisées par les clients ayant fait l'objet d'une déclaration à Tracfin ne font pas l'objet d'un suivi particulier. »

    Et l'auteur conclut sa mission par une « Vue d'ensemble » (que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous), qui commence par ce charmant euphémisme : « La vérification, de nature générale, laisse une impression mitigée. » C'est gentiment dit.
    Mais Océor réserve bien d'autres surprises. Si l'on veut dresser le bilan de cette importante filiale des Caisses d'épargne, il faut aussi y faire apparaître les acquisitions, parfois coûteuses, qu'elle a réalisées au fil de ces dernières années. Dans notre précédente enquête, voilà un an et demi, nous avions déjà évoqué ce point dans un article intitulé « De coûteuses acquisitions » – article visé par l'une des plaintes contre nous. Nous y expliquions en particulier qu'en janvier 2008, <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> avait acquis 60% du capital de <st1:personname productid="la Banque Tuniso-koweitienne" w:st="on">la Banque Tuniso-koweitienne</st1:personname> (BTK), pour un prix jugé très au-dessus du marché par beaucoup d'experts, à savoir 300 millions de dinars tunisiens (168 millions d'euros).
    Mais en vérité, ce constat-là, il n'y a pas que Mediapart qui l'a dressé. Il figure aussi noir sur blanc dans un document confidentiel... des Caisses d'épargne ! Daté du 17 septembre 2007, et écrit à destination du comité d'investissement de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, ce document (que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous, en deux documents distincts) présente les enjeux de la négociation qui est dans sa phase active entre la banque française, et les vendeurs tunisiens et koweitis, et suggère très clairement que l'Ecureuil va finalement payer sa participation très au-dessus de sa vraie valeur : « Le prix de 120 millions d'euros peut être considéré comme le "prix économique" », lit-on ainsi.
    Au demeurant, Océor n'a pas été la seule société à faire ces dernières années des emplettes à des prix au-dessus du marché ; il y a aussi eu sa maison mère, <st1:personname productid="la CNCE. Dans" w:st="on">la CNCE. Dans</st1:personname> notre même enquête, fin janvier 2008, nous évoquions en particulier l'acquisition par <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> de 50,14% du site Internet Meilleurtaux.com, spécialisé dans l'immobilier. Et nous précisions à l'époque que <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> avait accepté de faire son acquisition à un prix équivalent à 99,6 fois le montant du dernier bénéfice connu de la société, ce qui constituait un « price earning ratio» (la valeur de l'entreprise rapportée à son profit) totalement exorbitant, même dans le domaine des nouvelles technologies où les «PER » peuvent évoluer entre 30 et 50, contre 5 à 10 dans les secteurs économiques en croissance faible.

     

    Or, le constat que faisait à l'époque Mediapart – et qui nous avait valu ces plaintes – a depuis été validé par de nombreux experts. Réalisé au printemps 2009 par le cabinet d'expertise Secafi, pour le compte du Comité de groupe des Banques populaires, un rapport officiel est très éloquent à ce sujet. A la page 29, dont on trouvera ci-dessous une reproduction,  on peut lire, en titre : « Meilleurtaux : une acquisition réalisée à un prix extravagant ». Et, plus loin, l'étude ajoute : « A ce jour, l'acquisition de Meilleurtaux se présente comme un échec industriel et financier. »

    En bref, Mediapart a eu, plus d'une année avant cette étude, un rôle d'alerte. Puisque nous arrivons au terme de cette longue enquête, qu'il nous soit permis de dire que c'était l'ambition de ces plongées dans la galaxie des Caisses d'épargne.

     

                                          FIN DE L'ENQUETE

     

    En sept volets, nos nouvelles révélations sur l'Ecureuil 


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  • L'imprévisibilité des marchés

    Robert J. Shiller

     

    NEW HAVEN – Dans son numéro d'octobre, la revue du FMI, World Economic Outlook,   proclame que "des mesures énergiques ont permis un rebond de la production industrielle, du commerce mondial et des ventes au détail". Le FMI, comme beaucoup de dirigeants nationaux, semble croire que les politiques mises en place vont véritablement mettre fin à la récession mondiale.

    On peut donner crédit aux dirigeants nationaux et aux organisations internationales pour les signes de redémarrage économique qui ont émergé au printemps. La coordination des politiques économiques au niveau mondial qui a été formalisée dans la déclaration du G20 en avril dernier est sans précédent historique.

    Mais on peut aussi estimer que les dirigeants politiques se sont proclamé victorieux un peu hâtivement. N'oublions pas que le plus souvent les récessions se terminent d'elles-mêmes, avant même que l'Etat ne prenne des mesures de stabilisation. Ainsi aux USA, les récessions de 1857-8, 1860-61, 1865-7, 1882-85, 1887-88, 1890-91, 1893-94, 1895-97, 1899-1900, 1902-04, 1907-8 et de 1910-12 se sont toutes terminées sans l'aide de <st1:personname productid="la Réserve" w:st="on">la Réserve</st1:personname> fédérale qui n'existe que depuis 1914.

    Depuis longtemps les économistes construisent des modèles qui décrivent la manière dont les récessions se terminent d'elles-mêmes. En 1959, dans le chapitre intitulé The Lower Turning Point   de son livre The Business Cycle [Le cycle des affaires], un économiste de l'université de Cambridge, R. C. O. Matthews, recensait une série de facteurs qui d'après les théoriciens du cycle des affaires de cette époque permettent un redémarrage automatique.

    Ainsi, la demande d'outils de production peut rebondir, notamment dans des secteurs durement frappés, après qu'une récession ait rendu techniquement obsolète le capital matériel. Un autre facteur intervient en ce sens : les taux d'intérêt ont tendance à baisser lors d'une récession (même en l'absence d'une banque centrale), ce qui stimule encore davantage la demande d'outils de production.

    De la même manière, la production peut rebondir pour reconstituer les stocks épuisés du fait du ralentissement de l'activité économique. Par ailleurs, des événements aléatoires tels qu'une innovation majeure ou une variation du volume des récoltes peuvent avoir des effets asymétriques sur une récession, un événement positif dans un secteur pouvant avoir plus d'impact qu'un événement négatif dans un autre secteur. Sur le front financier, lors d'une récession les banques plus fragiles font faillite, tandis que survivent celles qui ont la confiance de leur clientèle et peuvent reprendre une activité bénéficiaire.

    Certains de ces facteurs - pas exclusivement les mesures prises par les Etats et les organisations multilatérales - ont sans doute joué un rôle dans la reprise actuelle de l'économie. L'imprévisibilité de la psychologie humaine a aussi un rôle. Ces facteurs ont des conséquences importantes pour l'économie, il faut en tenir compte pour évaluer la réussite des plans de relance.

    Commençons par l'étonnant revirement boursier auquel on assiste depuis mars. Selon l'indice composite de S&P, la hausse de 38% sur six mois entre mars et septembre est la deuxième plus importante hausse de cette durée depuis 1871, dépassée seulement par un bond de 71% entre février et août 1933 durant <st1:personname productid="la Grande" w:st="on">la Grande</st1:personname> dépression. Cette hausse est d'autant plus remarquable qu'elle a été précédée par la seconde plus grande chute de 6 mois, <st1:personname productid="la Bourse" w:st="on">la Bourse</st1:personname> ayant dégringolée de 38% entre septembre 2008 et mars 2009 (comme vous vous en doutez, la plus grande baisse de 6 mois a eu lieu lors de <st1:personname productid="la Grande" w:st="on">la Grande</st1:personname> dépression, un plongeon de 47% entre novembre 1931 et mai 1932). Un même revirement s'est produit dans beaucoup de pays et pour de nombreux actifs (le pétrole, l'or et parfois l'immobilier résidentiel).

    Les causes de ce revirement ne peuvent être véritablement appréhendées. On s'interroge encore sur les raisons des grands rebonds des marchés (1933, 1982, etc.). Un boom du marché, une fois qu'il a démarré, peut se prolonger un peu comme une épidémie et engendrer un discours sur une ère nouvelle que répandent les médias et le bouche à oreille. Ce discours lui-même contribue à entretenir le boom qui lui a donné naissance.

    Le discours sur les récentes réunions du G20 - sans doute renforcé par la psychologie du rebond économique et financier - est une bonne illustration, car les accords conclus à cette occasion suggèrent l'ouverture d'une ère nouvelle de coopération internationale et de professionnalisme économique. Le discours sur le G20 dont le rôle a été accru est particulièrement frappant dans les pays en développement, l'importance qu'il attribue à ces derniers ayant un grand impact psychologique.

    Au-delà du G20, le discours sur des banques très rentables distribuant d'énormes primes à leurs cadres donne à penser que la situation n'est pas si mauvaise dans le monde des affaires. La colère déclenchée par ces profits et ces primes favorise encore la propagation de ce discours.

    Or les booms spéculatifs sont intrinsèquement instables, tandis que le discours évolue au rythme d'événements dont l'effet sur les marchés est des plus incertains. Rappelons-nous que c'est une bulle spéculative boursière et immobilière qui est à l'origine de la crise financière.

    Il est incontestable que les institutions multilatérales et les Etats ont fait de sérieux efforts pour rétablir la confiance. Mais ils n'ont pas "fabriqué" la relance, ils ont simplement eu de la chance. Le G20 et les gouvernements qui ont appliqué des plans de relance traversent maintenant une lune de miel due à un apparent succès.

    La direction que prend une économie mondiale encore affaiblie est tout aussi incertaine que les marchés spéculatifs qui ont eu un rôle primordial tant dans le déclenchement de la crise financière que dans la reprise. Nous pouvons seulement rêver que l'élaboration d'une politique économique soit aussi dépourvue d'ambiguïté que le génie mécanique par exemple. Mais ce n'est pas le cas : un ensemble de facteurs cycliques naturels difficiles à appréhender jouent un rôle, de même que les caprices de la psychologie humaine.

    Copyright: Project Syndicate, 2009.
    www.project-syndicate.org
    Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

    Robert J. Shiller enseigne l'économie à l'université de Yale aux USA et il est économiste en chef de MacroMarkets LLC. Il a écrit en collaboration avec George Akerlof un livre intitulé Animal Spirits: How Human Psychology Drives the Economy and Why It Matters for Global Capitalism [Les esprits animaux - Comment les forces psychologiques mènent la finance et l'économie].

     


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