• La gentillesse, c'est bon pour le moral

    Souvent associée à un aveu de faiblesse, voire à de la bêtise, cette qualité nécessite au contraire un certain courage

    PSYCHOLOGIE

    Voici venu le temps des bonnes résolutions. Et si, en 2010, on tentait de cultiver une qualité un peu désuète, la gentillesse ? Encore faut-il réhabiliter cette notion souvent disqualifiée. On rabâche aux enfants d'être gentils mais une fois devenus adultes, on associe cette vertu à de la faiblesse, voire à de la bêtise. Ce qualificatif échoit le plus souvent à ceux qui n'arrivent pas à s'affirmer, qui ne savent pas dire non. Bref, aux faibles qui se laissent faire ou à ceux qui n'ont pas d'autres qualités à faire valoir.

    Par quelle métamorphose une qualité louée dans l'enfance devient-elle presque un défaut chez les adultes ? " Le temps est venu de changer radicalement la façon de concevoir la gentillesse, considère Stefan Einhorn, un cancérologue suédois, auteur d'un ouvrage sur le sujet. Nous avons tout à gagner à être bons envers ceux qui nous entourent et beaucoup à perdre à ne pas l'être, considère ce médecin devenu spécialiste de l'éthique. Je pense que la gentillesse est le facteur déterminant de notre degré de réussite. "

    Au diable les clichés des gentils loosers et des méchants gagnants. Agnostique, ce médecin oncologue croit aux vertus de la bonté non pas par conviction religieuse mais par expérience personnelle et pour ses bienfaits. Pour convaincre les sceptiques, il met en avant les avantages qu'on en peut retirer. " Les études scientifiques ont montré qu'il existe plusieurs bénéfices à être gentil. Quand vous faites une bonne action, vous activez une zone liée au plaisir dans le système mésolimbique du cerveau, la même que celle qui est activée par les drogues, la bonne nourriture et le sexe, détaille Stefan Einhorn. Par ailleurs, les études montrent que la probabilité que des personnes fassent de bonnes actions envers vous et même envers les autres augmente si vous-mêmes en faites envers eux. "

    Finalement, la générosité, expression concrète de la gentillesse, ça rapporte. Donner crée une dette et engendre un cercle vertueux. Marcel Mauss, anthropologue, a analysé son importance dans la société humaine. Le don crée du lien social et s'accompagne de l'obligation de recevoir et de rendre. En étant généreux, on fait non seulement plaisir aux autres mais à soi-même en renforçant son estime de soi. Ceux qui donnent aux associations ou font des cadeaux à leurs amis seraient même plus heureux, à revenus égaux, que ceux qui dépensent leur argent pour eux-mêmes, si l'on en croit une étude menée par une équipe de l'université de Colombie-Britannique (Vancouver) et de la Harvard Business School, publiée en mars 2008 dans la prestigieuse revue Science.

    Des chercheurs vont jusqu'à affirmer que la gentillesse, probablement parce qu'elle diminue le stress, aurait des effets positifs sur la santé. Des travaux publiés en 2001 dans la revue Psychological Science affirment que pardonner est bon pour le coeur. On a ainsi invité 71 personnes victimes d'un délit à, dans un premier temps, imaginer revivre leur agression et à cultiver rancunes et esprit de vengeance, et, dans un deuxième temps, essayer de comprendre leur agresseur et de lui pardonner son geste. Dans le premier cas de figure, les battements cardiaques des cobayes s'accéléraient et leur tension artérielle augmentait.

    Mais qu'est-ce au juste que la gentillesse ? Pour Stefan Einhorn, cette qualité ne se nourrit pas de bonnes intentions mais d'actions généreuses et de critiques constructives. Trois éléments caractérisent, selon lui, une bonne critique : premièrement, elle a lieu en privé ; deuxièmement, elle est formulée dans l'espoir de faire évoluer le comportement du destinataire ; troisièmement, elle est énoncée avec sympathie.

    Pour illustrer son propos, le médecin prend un exemple a priori farfelu mais qui pourrait en plonger plus d'un dans l'embarras : est-il de notre devoir de dire à quelqu'un qu'il a mauvaise haleine ? Beaucoup répondront non en invoquant le manque d'égard, la volonté de ne pas blesser l'autre ou considéreront que ça n'est pas leur problème. Pourtant, l'intéressé atteint de cette disgrâce peut être mis à l'écart par certains sans le comprendre. " La lâcheté serait-elle une raison suffisante pour ne pas donner à une autre personne la possibilité de s'améliorer ? ", s'interroge le médecin.

    Sortir de son petit confort frileux n'est pas toujours facile et parler vrai suppose parfois une bonne dose de courage." La gentillesse n'est pas de façade, considère Thomas d'Ansembourg, psychothérapeute, formateur en communication non-violente. Nous avons souvent appris à porter un masque de complaisance en taisant nos colères, nos désarrois ou nos désaccords pour ne pas déranger. La bonté, elle, nous invite à oser être vrai. " Il ne s'agit pas de balancer ses quatre vérités à celui avec qui l'on est en désaccord, mais d'exprimer avec sincérité et bienveillance ce que nous ressentons, ce qui suppose estime de soi et confiance en l'autre.

    La vraie gentillesse n'est donc pas un sentiment angélique et n'a que peu de choses à voir avec celle qu'on nous a apprise enfant et qui parfois frisait l'hypocrisie. " L'éducation dont nous sommes pétris laisse peu de place à l'expression des désaccords et aux conflits, considère le psychothérapeute. On ne cherche pas à écouter ce qu'il y a dans le coeur des gens. "

    La bonté procède par empathie, écoute, attention à l'autre. C'est tout un art. " Si je n'aime pas certaines choses en moi, je ne les supporterai pas chez l'autre. C'est l'effet miroir ", poursuit-il. Etre vraiment gentil avec les autres suppose d'avoir fait un travail d'intériorité pour identifier nos besoins. Bref, d'être gentil envers soi-même.

    Martine Laronche

    " L'Art d'être bon ", Stefan Einhorn. Belfond, 2008, 223 p., 17,50 ¤.

    " Cessez d'être gentil, soyez vrai ! ", Thomas d'Ansembourg. Editions de l'homme, 2001, 249 p., 22 ¤.

    " Psychologies magazine ", no 286, juin 2009, 4


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  • Les tribulations de la " contribution climat-énergie "

                MISE EN AVANT par le Pacte écologique proposé par Nicolas Hulot lors de la campagne présidentielle de 2007, puis inscrite dans les engagements du Grenelle de l'environnement, la taxe carbone a connu de multiples tribulations, avant d'être annulée par le Conseil constitutionnel.

    Destinée à limiter les émissions de gaz à effet de serre, pour lutter contre le réchauffement climatique, la " contribution climat-énergie " consistait à taxer, sur le principe pollueur-payeur, la consommation d'énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) émettrices de CO2, dans les secteurs du transport et de l'habitat. Elle devait s'appliquer à la fois aux ménages, en contrepartie d'une compensation financière, et aux entreprises. Mais les grandes installations industrielles, déjà soumises au système européen d'échanges de quotas, n'étaient pas concernées.

    Nommé à la présidence d'une conférence d'experts sur la faisabilité de cette taxe, l'ancien premier ministre socialiste Michel Rocard avait remis au gouvernement, fin juillet 2009, un rapport qui préconisait de fixer la contribution énergie-climat à 32 euros par tonne de CO2 rejetée, pour 2010. Ce montant devait augmenter de 5 % par an, pour atteindre 100 euros la tonne en 2030.

    Pour les experts, le coût initial de 32 euros était celui qui permettait au dispositif d'être à la fois " crédible " et " acceptable ". Crédible, en regard des objectifs que se sont donnés la France et l'Europe en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, à savoir une baisse de 20 % d'ici à 2020 et une division par quatre d'ici à 2050. Acceptable, aux yeux des partenaires économiques et sociaux et de l'opinion.

    Mais, devant le tollé de critiques soulevé par ce projet, perçu comme un impôt supplémentaire, Nicolas Sarkozy avait annoncé, le 10 septembre, que le montant de la taxe carbone serait limité à 17 euros la tonne pour 2010. Sans trancher sur le taux d'augmentation à appliquer au cours des prochaines années. Une commission indépendante formée de cinq collèges (Etat, collectivités locales, entreprises, syndicats, organisations non gouvernementales) étant chargée de déterminer ce paramètre.

    Dès lors - indépendamment des aspects inégalitaires qui ont conduit à son invalidation par le Conseil constitutionnel -, l'efficacité écologique de la contribution climat-énergie était sérieusement écornée. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) avait ainsi calculé qu'à 32 euros la tonne de CO2, la taxe inciterait à la rénovation de 366 000 logements par an. A 17 euros la tonne, l'impact était réduit de moitié.

    Pour le gouvernement, le montant de 17 euros était calqué sur le prix moyen, depuis janvier 2008, du marché européen des quotas des émissions de CO2, régulant les émissions polluantes des grandes installations industrielles et énergétiques. Un argument qui ne tenait pas compte de la mission première de la taxe carbone : celui d'être un réel levier financier de changement des modes de consommation énergétique.

    Pierre Le Hir


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  • II - Contribution carbone.

    L'article 7 de la loi instituait une contribution carbone. Les travaux parlementaires soulignaient que l'objectif de cette mesure est de " mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre " afin de lutter contre le réchauffement de la planète. Pour atteindre cet objectif, il a été retenu l'option " d'instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles " afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions.

    Toutefois, les articles 7 et 10 de la loi instituaient des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques. Ainsi étaient totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l'industrie chimique utilisant de manière intensive de l'énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d'électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs. En outre, étaient taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime.

    Ces exemptions auraient conduit à ce que 93 % des émissions d'origine industrielle, hors carburant, soient exonérées de contribution carbone. Moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone. Celle-ci aurait donc porté essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone. Pour les activités industrielles, ces exemptions n'étaient pas justifiées par le régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, ces quotas étant attribués à titre gratuit jusqu'en 2013.

    Le Conseil a jugé que, par leur importance, les régimes d'exemption institués par la loi déférée étaient contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il a, par voie de conséquence, censuré l'ensemble du régime relatif à la contribution carbone (articles 7, 9 et 10 de la loi de finances).

     

    http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2009/2009-599-dc/communique-de-presse.46805.html


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