• Le point de vue d’augustin landier et David thesmar

    Les leçons des affaires Goldman  

    Décidément, la finance n’a plus la cote. Encore admiré il y a quelques années, Goldman Sachs est aujourd’hui pris dans une tourmente médiatique, un peu comme ces « pipoles » qui assistent, impuissants, à l’étalage de leur vie privée dans les tabloïds.On a notamment appris la semaine dernière le rôle joué par Goldman dans l’affaire du fonds Abacus. Pour simplifier, Abacus fonctionnait un peu comme le PMU, sauf qu’on pariait sur les crédits « subprimes » et non sur les chevaux. D’un côté, le « hedge fund » Paulson & Co. pariait sur leur chute, de l’autre, les magiciens de la haute finance européenne, dont les éternels banquiers mutualistes allemands, pariaient sur leur bonne santé. Comme au pari mutuel, ce que les uns gagnaient, les autres le perdaient, et Goldman, en tant qu’intermédiaire, encaissait des commissions. La banque se voit accusée par la SEC (le régulateur boursier américain) de ne pas avoir prévenu les investisseurs européens qu’ils jouaient contre Paulson. Car s’ils avaient su comment étaient choisis les chevaux sur lesquels Goldman les faisait parier, les investisseurs se seraient peut-être méfiés. Pour aggraver les choses une commission d’enquête parlementaire cherche à comprendre comment Goldman a pu simultanément parier sur l’éclatement de la bulle et vendre à ses clients les moins sophistiqués les fameux « subprimes ».Cette nouvelle affaire Goldman illustre le rôle clef de l’information dans la finance moderne. Dans l’immédiat après-guerre, le secteur financier a eu pour fonction principale de canaliser l’épargne des ménages vers l’investissement des entreprises. De ce point de vue, la finance était une infrastructure, un peu comme les routes ou la distribution d’eau. Sa vocation semblait être de rester une sorte de service public ronronnant. Voulu par les Etats eux-mêmes, désireux de financer leur dette publique à moindre frais, le développement de la finance de marché dans les années 1980 a radicalement bouleversé cette vision. L’enjeu de la finance d’aujourd’hui, c’est l’information bien plus que l’accès aux capitaux. Qu’il s’agisse d’une start-up en Californie, de la dette publique grecque ou de « private » equity en Inde, ce qui compte est de pouvoir se positionner avant les autres.Goldman a fait du traitement de l’information son cœur de métier, c’est la raison de ses succès passés mais aussi de ses ennuis légaux et politiques. La banque est au centre de tous les réseaux : Wall Street est, après tout, un petit monde où tout finit par se savoir et où la ligne jaune du délit d’initié n’est jamais loin. Les « synergies » entre le métier de banque d’affaires et le trading pour compte propre donnent lieu à des conflits d’intérêts majeurs. Il y a quelques semaines, on a appris que Goldman avait aidé le gouvernement grec à dissimuler une partie de sa dette aux marchés, tout en pariant à la baisse sur cette même dette. Abuser, manipuler ou dissimuler l’information sont des tentations d’autant plus fortes que le délit est difficile à détecter, voire à définir légalement.Rien de tout cela n’est vraiment nouveau : la crise des valeurs Internet avait déjà mis en lumière les conflits d’intérêts des banques. Celles-ci avaient alors prétendu s’en prémunir par des « murailles de chine » internes. Leur étanchéité n’est guère crédible lorsque les enjeux deviennent gros. L’affaire Goldman est là pour rappeler qu’en matière de fraude informationnelle l’autodiscipline ne vaut pas grand-chose. Le coût en termes de réputation est trop faible, les mémoires trop courtes, la punition trop rare.Que faut-il faire ? Tout d’abord donner davantage de moyens aux régulateurs des marchés financiers, pour surveiller statistiquement toutes les transactions, même sur les marchés de gré à gré. Intégrer dans le management du risque des investisseurs, le risque de « hasard moral » : pour évaluer le risque d’un produit il faut se demander qui l’a conçu et qui perdra (ou gagnera) s’il sous-performe. Enfin, il faut cesser de prendre pour argent comptant les ratings des agences de notation (leur conflit d’intérêts est désormais bien connu), et inventer de nouvelles formes de certification des produits financiers complexes.

    Augustin Landier est professeur de finances à la Toulouse School of Economics et David Landier à HEC.

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  • Comment une banque d'affaires réputée prudente est devenue un casino spéculatif


    Londres Correspondant
     

     

    Sur son site Internet, Goldman Sachs (GS) proclame haut et fort le premier précepte de sa charte interne : " Les intérêts de nos clients priment. " Or, aujourd'hui, ceux-ci se rebiffent devant le double jeu d'une institution à la fois juge et partie, qui joue sur les deux tableaux. Les britanniques Lloyds Banking Group et Royal Bank of Scotland, l'allemande IKB, le gouvernement grec, les groupes énergétiques chinois font partie des multiples victimes de la stratégie de l'enseigne visant à privilégier ses opérations en compte propre.

    " Goldman Sachs est uniquement motivé par ses intérêts, ce qui est étrange pour une banque conseil " : tel est le bilan que tire un entrepreneur britannique qui a eu recours à l'institution new-yorkaise pour s'introduire en Bourse aux Etats-Unis.

    Comment Goldman Sachs est-elle passée, en deux décennies, d'une banque d'affaires traditionnelle réputée pour sa prudence à un vaste casino spéculatif ? Après la retraite de son PDG historique, le prudent John Weinberg, en 1990, le métier du négoce a pris le pouvoir chez GS.

    Ses successeurs, Robert Rubin et Jon Corzine, traders de formation, ont privilégié les activités de marché, plus rentables que les mandats de conseil aux entreprises. Arrivé aux commandes en 2000, Hank Paulson, un banquier conseil traditionnel, s'est efforcé - en vain - de rétablir l'équilibre entre les deux activités. Devenu secrétaire au Trésor en 2006, il a catapulté son second, Lloyd Blankfein, au sommet.

    Cet ancien trader en métaux s'est entouré d'un état-major de traders moulés comme lui à la dure école du courtier en matières premières J. Aron. Peu après sa nomination, il lance une stratégie consistant à créer un vaste supermarché de la finance mêlant trois activités : conseil aux entreprises, gestion de patrimoine et négoce pour compte propre.

    En parfaite légalité, les informations obtenues auprès des clients doivent désormais nourrir les trois activités. Les comptes deviennent, selon l'analyste réputé Brad Hintz, " une vaste bouillabaisse " où il est impossible de s'y retrouver. L'évolution des revenus illustre ce transfert de pouvoir.

    En 1999, le négoce représentait 43 % du revenu net de Goldman de 13,3 milliards de dollars (10 milliards d'euros), la banque d'investissement 33 %, et la gestion de patrimoine 24 %.

    En 2006, les parts sont respectivement de 68 %, 15 % et 17 % sur un revenu de 37,7 milliards (28,3 milliards d'euros). Et en 2009, de 77 %, 10 % et 13 % d'un revenu de 45,1 milliard de dollars (33,8 milliards d'euros).

    Comment expliquer cette domination du trading ? D'abord, la vive concurrence qui oppose les banques dans le conseil ou la gestion de fortune réduit les marges, alors que le trading, en particulier obligataire, est guidé par les volumes. Ensuite, la culture maison très particulière - esprit d'équipe, pression constante, culte du succès à tout prix, arrogance - ne peut que favoriser les activités de marché.

    Jusqu'à la crise financière de l'automne 2008, le mastodonte a pu tirer profit de la volatilité des cours de matières premières, en particulier du pétrole, sa spécialité, de la déréglementation financière et de l'essor des hedge funds. Et avec la crise, GS a été le premier bénéficiaire de la disparition de gros concurrents dans le négoce (Lehman Brothers et Bear Stearns) et de l'affaiblissement de banques d'affaires concurrentes, telles Merril Lynch et Morgan Stanley.

    Bien que cotée en Bourse depuis 1999, Goldman Sachs est restée fondamentalement le partenariat de ses débuts : un " club " peu transparent qui se referme comme une huître devant analystes et médias.

    Et à l'inverse de ses dangereux concurrents - JP Morgan Chase et Barclays - GS n'a pas de face publique, en l'occurrence une banque commerciale avec guichets et publicité auxquels le public peut s'identifier. C'est pourquoi, face aux scandales qui s'accumulent, son gantelet se referme aujourd'hui sur le vide.

    Marc Roche


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  • Tom, Trouw (Amsterdam)

    Puzzle belge

      Tom Janssen   | 


    Le premier ministre belge Yves Leterme a quitté son poste, après l’échec des négociations entre les partis sur la scission de l’arrondissement électoral bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), pierre d’achoppement des tensions entre francophones et Flamands.

    Faudrait pas oublier non plus.


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