• Un programme sans précédent pour élucider la surmortalité des abeilles

    La Grande-Bretagne consacre 12 millions d'euros à neuf projets de recherche qui vont suivre à la trace les insectes

    Quelle est la cause de la surmortalité des abeilles sauvages et domestiques qui, partout dans le monde, menacent la biodiversité et la sécurité alimentaire de l'humanité ? Pour répondre à cette question, les autorités anglaises et écossaises viennent de lancer un programme d'une envergure sans précédent.

    Rassemblés sous l'intitulé " Initiative pour les insectes pollinisateurs ", neuf projets de recherche, qui bénéficieront d'un financement de 12 millions d'euros sur trois ans, tenteront d'apporter des réponses. " L'enjeu est à la fois de protéger la biodiversité - de nombreuses espèces sauvages dépendant de la pollinisation -, et les cultures alimentaires, en particulier les fruits et légumes, explique Andrew Watkinson, directeur du partenariat Living with Environmental Change, qui chapeaute les recherches menées par les gouvernements du Royaume-Uni. On voit déjà les conséquences du manque de pollinisateurs en Angleterre : les producteurs de pommes doivent ainsi importer des abeilles. "

    Un tiers de l'alimentation mondiale dépend de la pollinisation par les insectes. Le programme a été suscité par les parlementaires britanniques, alertés par des apiculteurs. Il est financé par des fonds publics et le Welcome Trust, une fondation privée.

    Impact des pesticides

    Pour expliquer cette surmortalité, la communauté scientifique parle aujourd'hui de causes " multifactorielles ", et d'interactions possibles entre les divers facteurs : maladies, parasites, exposition aux pesticides, raréfaction de la nourriture des insectes due à l'uniformisation des cultures, appauvrissement génétique des reines... Les programmes lancés en Grande-Bretagne exploreront ces diverses pistes : rôle du parasite Varroa destructor - surnommé le " vampire de l'abeille " - dans la propagation des virus, impact des modifications du paysage et des changements dans l'environnement, fonctionnement des abeilles en ville...

    L'un d'eux, dirigé par le neurologue Christopher Connolly, de l'université de Dundee (Ecosse), sera consacré aux incidences des pesticides. " Ils affectent les connexions neuronales des insectes, explique M. Connolly. A haute dose, ils entraînent la mort, mais l'exposition chronique à de faibles doses peut aussi provoquer des changements plus ténus, comme la perte du sens de l'orientation, la diminution de la capacité d'apprendre et de communiquer. " Jusqu'à présent, de tels impacts ont été mis en évidence en laboratoire, mais jamais en conditions réelles, en plein champ. L'équipe du professeur Connolly travaillera sur les deux plans.

    Elle tentera de mettre en évidence les effets d'un ou de plusieurs pesticides sur l'activité cérébrale des abeilles au niveau cellulaire. " Nous nous focaliserons sur l'impact combiné de plusieurs pesticides, poursuit M. Connolly. Ils peuvent ne pas avoir d'effets isolément, mais être délétères quand ils agissent en synergie. " Les pesticides de traitement des cultures, mais aussi ceux qui sont utilisés par les apiculteurs pour éradiquer les parasites dans les ruches, seront testés. L'évolution des capacités d'apprentissage d'abeilles exposées à des produits chimiques sera également évaluée en laboratoire.

    Enfin, volet le plus spectaculaire de la recherche, les abeilles de trois ruches en plein champ seront équipées de puce de radio-identification (RFID), qui permettront de suivre la trace de chaque insecte. Il s'agit de résoudre l'une des difficultés majeures dans l'identification des causes de surmortalité : dans de nombreux cas, les abeilles ne meurent pas près de la ruche, mais disparaissent. Les insectes seront également régulièrement pesés, afin de déterminer s'ils ramènent la même quantité de nourriture que dans des ruches témoins. Quelque 16 000 abeilles au total seront équipées de puce RFID.

    Ce programme, mené en collaboration avec des apiculteurs écossais, doit durer trois ans.

    Gaëlle Dupont

    • Un cheptel menacé partout dans le monde

      Une perte de 10 % du cheptel par saison est considérée comme normal chez les abeilles domestiques. Aux Etats-Unis et au Canada, cette proportion atteint en moyenne 30 % et peut être beaucoup plus importante localement. En Europe, le pourcentage de perte varie de 10 % à 30 %.

      Au Moyen-Orient, les mortalités représentent environ 20 % du cheptel en Jordanie et au Liban, et vont de 22 % à 80 % selon les régions étudiées en Syrie et en Irak. Des surmortalités se produisent aussi au Japon, en Argentine et au Brésil, mais elles ne sont pas quantifiées.


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  • le point de vue de François Dupuy

    Le travail d’aujourd’hui tue l’emploi de demain  

    L’emploi – le chômage, en fait ! – est un problème récurrent de la société française. Quelle que soit la conjoncture économique, le pays a du mal à passer sous la barre des 10 % et, lorsqu’il y parvient, la tendance à la baisse ne se confirme pas sur une longue période. Les économistes ont depuis longtemps fourni toutes les explications, à défaut d’avoir pu proposer des moyens concrets et surtout applicables de sortir de cette situation qui nous distingue de tous nos voisins européens. Certains d’entre eux, l’Espagne notamment, ont une fourchette plus ouverte que celle de la France, mais réussissent de ce fait, en bonne période, à atteindre des situations de quasi-plein-emploi, quitte à retomber brusquement ensuite sur un taux de chômage double du nôtre. Nous échappons en partie à ces soubresauts, mais nous connaissons un chômage endémique ! Parallèlement, un nouveau problème est apparu depuis peu : le travail est devenu psychologiquement difficile, angoissant, « stressant ». Cela conduit une proportion non négligeable de ceux qui subissent cette pression à la maladie professionnelle, voire, dans le pire des cas, au suicide. Ce qui nous paraît à la fois intéressant et troublant, c’est que, si ces phénomènes sont bien connus et largement commentés, rares sont ceux qui font un lien entre les deux. La segmentation de la pensée qui caractérise les modes de raisonnement dominants – par opposition à une approche systémique de la réalité – classe chaque phénomène dans une « boîte » et n’envisage pas de passerelles entre ces « silos mentaux ». Cette forme de fuite devant la complexité de la réalité constitue une limite certaine à la recherche de solutions collectives. Et pourtant… La question n’est bien sûr pas d’expliquer l’un par l’autre, dans une logique de causalité directe et absolue qui serait un non-sens intellectuel. Elle est de regarder si l’un des phénomènes, la détérioration prononcée du travail, ne rend pas plus compliquée la solution de l’autre, la réduction durable du taux de chômage. Quelle est en effet la conséquence majeure de la détérioration du travail sur les comportements des salariés ? Pour faire court, elle les conduit à des stratégies de retrait, à un désinvestissement du travail, à la fois émotionnel et en temps, au profit d’un investissement dans d’autres sphères, la sphère privée sous toutes ces formes, où ils peuvent vivre la « vraie vie ». Ce « transfert d’investissement » est bien perçu par les DRH, qui parfois ont du mal à y faire face, soit qu’ils tentent de proposer, à la population cadre en particulier, un « deal » plus attractif, soit qu’ils engagent leurs entreprises dans des politiques de contrôle contraignant qui ne disent pas leur nom, telles que la multiplication des indicateurs de gestion, censés « encadrer » les comportements au travail. Par ailleurs, ces comportements de retrait face à la dureté croissante du travail rejoignent un phénomène beaucoup moins connu et surtout enfoui sous un accord implicite de toutes les parties concernées pour n’en pas parler, celui des « poches de sous-travail ». Soient tous les secteurs, publics ou privés, dans lesquels le « taux d’engagement » des personnels (c’est-à-dire la proportion du temps passé réellement à travailler par rapport au temps de travail supposé ou officiel) tombe en dessous d’un seuil que l’on peut estimer à 65 %. Ces phénomènes, que nos travaux nous permettent régulièrement d’identifier, n’apparaissent que très rarement au grand jour. Ils sont vécus par la collectivité comme « honteux » et il faut que la Cour des comptes s’en empare – dans le cas des contrôleurs aériens par exemple – pour qu’ils arrivent de façon éphémère sur l’agenda médiatique, avant d’être à nouveau recouverts d’un silence consensuel. Confrontées à ces problèmes, les entreprises cherchent toutes solutions permettant de réduire leur dépendance vis-à-vis du travail humain. A défaut de pouvoir lutter efficacement – et rapidement – contre ces maux, elles se tournent vers tout ce qui va permettre de maîtriser à nouveau les rythmes de travail, sans avoir à affronter des problèmes sociaux qui viendraient encore compliquer leur situation actuelle. On voit donc réapparaître ici et là du travail à la chaîne, qui oblige le salarié à s’adapter au rythme de celle-ci, perdant ainsi « l’autonomie de son geste » ; notre pays devient progressivement le champion du monde de la mécanisation, comme si la disparition du travail humain au profit du robot était par définition un progrès donc non contestable. La réalité, c’est que la dureté du travail d’aujourd’hui et les stratégies de retrait qui en découlent se cumulent au sous-travail « éparpillé » et contribuent ainsi, dans des proportions qui jusque-là n’ont fait l’objet d’aucune étude, à tuer l’emploi de demain.

    François Dupuy est consultant.

    Excellent analyse mais la réponse est pour le moins incomplète. Pourquoi ? On nous explique que le « système scandinave » est de ce point de vue beaucoup plus efficace. Oui.
    La bas les entreprises sont libres de faire a peu prêt tout ce qu’elles veulent (délocaliser, licencier, etc…). On recherche des entreprises efficaces (mais qui sont « vraiment » en concurrence entre elle, et cela sur un point « d’égalité »).

    Quel est donc ce mystère ?

    Simple les entreprises ont une seule contrainte : des salaires minimum élevées (négociées avec des syndicats puissants). Elles délocalisent pas grave, les ouvriers « polonais » seront payés aux mêmes salaires que les résidants. Les entreprises font quoi d’après vous ?.

    Cette méthode à aussi était utilisé dans certain secteur aux Etats-Unis. Et pour lutter contre les « sans papiers », les immigrés (de toutes sortes), quelle est la solution la plus efficace d’après vous ? Oui les payer comme des salariés français.

    Pourquoi on ne parle jamais de cela ?


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