• En Chine, enrichissement ne rime pas avec philanthropie

     

    Si Bill Gates et Warren Buffett ont l'aura de véritables stars, ils n'en ont pas moins du mal à convaincre les milliardaires chinois que la richesse commande de se faire aussi philanthrope. Ceux qui ont fait fortune en Chine ne sont pas encore assurés du lendemain, et de toute façon, il existe peu d'oeuvres caritatives dignes de confiance dans le pays. Cela étant, comme les inégalités ne cessent de s'accentuer, il serait de bon ton pour les ultra-riches de manifester plus de prodigalité.

    Selon le magazine Forbes, aucun pays au monde ne compte plus de milliardaires en dollars que l'empire du Milieu, Etats-Unis exceptés, et pourtant, les dons aux bonnes causes n'y ont représenté que 0,1 % du PIB en 2009. Le pourcentage est de 2 % aux Etats-Unis. Si la tournée caritative mondiale conduite par MM. Buffett et Gates a bien programmé un banquet en Chine, le manque d'enthousiasme est patent chez de nombreuses personnalités chinoises.

    Les milliardaires chinois ont assez peu en commun avec leurs homologues américains. Pour la première génération qui accède à l'extrême richesse, distribuer des dons passe pour un luxe, car elle est souvent encore occupée à consolider sa fortune dans une Chine jeune et en forte croissance. Nombreux sont ceux qui se soucient avant tout de pouvoir léguer leur empire à leurs enfants. Rien à voir avec un Warren Buffett qui s'est inquiété publiquement de ce que ses enfants hériteraient de beaucoup trop d'argent.

    Il faut dire que le patronage de bonnes oeuvres n'est pas chose facile en Chine. Les organisations caritatives chinoises sont pour la plupart gérées par l'Etat et peu transparentes. Certaines d'entre elles ont été éclaboussées par des scandales liés à la corruption. Améliorer l'image

    MM. Buffett et Gates ont cependant quelque chose d'intéressant à enseigner aux milliardaires chinois, à savoir qu'investir dans de bonnes causes est un bon moyen pour les riches d'améliorer leur image. Les fruits de la croissance chinoise n'ont pas été distribués à tout le monde dans les mêmes proportions. D'après la Banque mondiale, la concentration des richesses est plus forte en Chine qu'aux Etats-Unis. S'il sent gronder la colère populaire, le Parti communiste envisagera peut-être d'alourdir la fiscalité ou de s'intéresser aux dessous pas très nets de transactions passées.

    Heureusement pour elles, les grandes fortunes chinoises disposent d'une option à laquelle leurs homologues des pays développés n'ont souvent pas accès : elles peuvent continuer à investir dans leur pays tout en réalisant de confortables rendements. L'avantage, c'est qu'elles contribuent ainsi directement à la création d'emplois et à la progression des revenus en Chine, un service rendu qu'on ne considère habituellement pas comme un acte de philanthropie.

    Sur Breakingviews.com

    Wei Gu

    (Traduction de Christine Lahuec)


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  • Les ménages seront les principales victimes de la hausse de la fiscalité

    Les entreprises concernées par les relèvements devraient les répercuter en hausse de prix

    D es avantages fiscaux (les " niches ") réduits, des prélèvements et des taxes augmentés... Même si, dans sa communication, il assure qu'il s'agit de réduire les dépenses fiscales, le gouvernement a bel et bien fait de la hausse de la fiscalité un de ses principaux outils pour réduire, dès 2011, le déficit public (Etat, Sécurité sociale, collectivités).

    Ce volet " nouvelles recettes " qui doit procurer 10 milliards d'euros dès 2011, va contribuer à un quart de l'" effort " total pour baisser à 6 % du produit intérieur brut (PIB) le déficit contre 7,8 % ou 7,7 % attendus cette année. Une très large partie de cette somme (7 milliards) comblera les déficits et financera la dette des régimes sociaux (retraite, assurance-maladie).

    Selon les estimations du ministère de l'économie, ces 10 milliards d'euros de ponction fiscale supplémentaire, répartis entre projet de loi de finances (budget) et projet de loi de financement de la Sécurité sociale, affecteront équitablement ménages et entreprises. Les entreprises devraient toutefois être un peu plus touchées en 2011 (environ 60 % du montant), car certaines mesures visant directement les ménages ne produiront leur plein effet qu'en 2012.

    En réalité, l'impact final réel devrait être beaucoup plus défavorable pour les ménages, dans la mesure où les entreprises concernées par ce relèvement de la fiscalité devraient les répercuter, en tout ou partie, en hausses de prix.

    L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) s'est livré à une simulation. Il estime l'impact direct des mesures fiscales à 4,1 milliards d'euros pour les ménages et 5,9 milliards pour les entreprises, soit une répartition voisine de celle du gouvernement. Mais " sur ces 5,9 milliards touchant les entreprises, ce sont 3,4 milliards qui potentiellement pourraient être répercutés sur les ménages ", indique Mathieu Plane. Ils proviendraient des compagnies d'assurances (1,95 milliard), des sociétés proposant les offres téléphone, Internet, télévision (1,1 milliard), ou encore des offices HLM (360 millions).

    Dans le cas extrême, c'est-à-dire si les différentes entreprises concernées répercutent intégralement sur les consommateurs les hausses de fiscalité, l'équilibre de l'impact des mesures entre ménages et entreprises serait de 75-25 et non plus de 50-50. Si la moitié de la " note " était répercutée sur les ménages, il serait de 60-40.

    Ce qui attend les ménages

    Mariage Fin des déclarations de revenus multiples pour les impôts l'année du mariage, du pacs et du divorce. Ce sera une ou deux. 500 millions d'euros attendus en 2012.

    Immobilier Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt disparaît, remplacé par un prêt à taux zéro élargi et réservé aux primo-accédants. La réduction d'impôt au titre de l'investissement locatif dans le neuf (dispositif " Scellier ") est réduite.

    Emploi à domicile Suppression de l'abattement de 15 % sur les cotisations patronales des ménages déclarant leur employé au salaire réel.

    Logement La rétroactivité de trois mois précédant la demande pour une aide au logement est supprimée.

    Revenus Dans le cadre de la réforme des retraites, le taux marginal de la tranche supérieure d'impôt sur le revenu est relevé à 41 %. La déduction de CSG de 3 % ne sera plus applicable que pour les salaires ne dépassant pas 4 fois le plafond de la sécurité sociale, soit 11 540 euros.

    Assurances Les assurances-vie multisupports vont être soumises au paiement de la CSG et de la CRDS chaque année et non plus en fin de contrat.

    Stock-options et retraites chapeaux Les prélèvements sont augmentés.

    Dividendes et plus-values Le crédit d'impôt de 50 % sur les dividendes perçus par les actionnaires est supprimé. Le prélèvement forfaitaire libératoire passe de 18 % à 19 %. Les plus-values sur les cessions d'actions et obligations seront taxées au premier euro, et le taux d'imposition porté de 18 % à 19 %

    Investissements " verts " Le crédit d'impôt sur les équipements " verts " e sera réduit de 10 %. Le crédit d'impôt sur les installations photovoltaïques sera réduit de moitié (de 50 % à 25 %).

    Investissements outre-mer Réduits de 10 %, sauf pour l'investissement dans le logement social.

    Ce qui attend les entreprises

    Charges Dans le cadre de la réforme des retraites, le mode de calcul des allégements généraux de charges patronales est annualisé. Hausse de 0,1 point de la cotisation accident du travail.

    Epargne salariale Le forfait social sur l'intéressement, la participation et l'épargne salariale est porté de 4 % à 6 %.

    Assurances Les complémentaires santé " responsables " vont devoir payer la taxe sur les assurances. Et toutes seront taxées sur leurs réserves de capitalisation.

    Sociétés de télécommunications Les offres " triple play ", alliant télévision, téléphone et Internet, sont soumises à une TVA de 19,6 % sur l'ensemble de la facture contre 5,5 % jusque-là sur la moitié de la note.

    Banques Une taxe visera leurs activités les plus risquées. Elle rapportera 504 millions d'euros en 2011, 555 millions en 2012.

    Restauration L'exonération des avantages en nature proposés aux restaurateurs qui nourrissent leurs employés est supprimée.

    HLM Suppression de l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs pendant trois ans, instauration d'une nouvelle taxe représentant 2 % des loyers.

    Ph. L.C.


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  • Europe : conflit d'intérêts dans la sécurité alimentaire

    La présidente du conseil d'administration de l'agence européenne a caché son rôle dans le lobby agroalimentaire

     

    La présidente du conseil d'administration de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est également membre du conseil d'administration (board of directors) d'une association regroupant les plus grandes entreprises de l'industrie agroalimentaire : c'est la révélation faite par José Bové, député européen (Europe Ecologie), à l'occasion d'une conférence de presse à Bruxelles, mercredi 29 septembre.

    Les documents présentés font apparaître que Diana Banati, la présidente du conseil d'administration de l'EFSA, a caché qu'elle appartenait aux instances dirigeantes de la branche européenne de l'International Life Science Institute (ILSI), où elle côtoie des représentants de dix grandes entreprises comme Kraft Foods, Nestlé ou Danone.

    Diana Banati, scientifique hongroise spécialiste des questions d'alimentation, est membre du conseil d'administration de l'EFSA depuis 2006, et sa présidente depuis 2008. Elle a été reconduite à ce poste en juin. L'Autorité assure une mission d'expertise scientifique auprès de la Commission européenne en matière de produits alimentaires, et notamment d'organismes génétiquement modifiés (OGM).

    L'ILSI est une organisation internationale regroupant plus de 400 entreprises. Créée en 1978 aux Etats-Unis, elle vise, selon son site Internet, à " améliorer la santé et le bien-être du public en rassemblant des scientifiques de l'université, du gouvernement et de l'industrie dans un forum neutre ". Elle " est financée par l'industrie, les gouvernements et des fondations ". La liste de ses membres comprend les plus grandes entreprises de l'agroalimentaire, notamment, pour ce qui concerne les OGM, Monsanto, BASF, Bayer ou Syngenta.

    L'ILSI joue un rôle de lobby cherchant à influencer les décisions politiques. Dans les années 1980 et 1990, elle a ainsi relayé les efforts des fabricants de tabac pour affaiblir les initiatives de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). A la suite à plusieurs enquêtes, l'OMS a d'ailleurs exclu l'ILSI, en 2006, de la liste des organisations pouvant participer à ses activités.

    Le lobbying de l'ILSI a été plusieurs fois analysé par des chercheurs. En mars 2007, Jennifer Saas, du Natural Resources Defense Council (NRDC), une organisation environnementale américaine, a témoigné devant le comité scientifique de la Chambre des représentants de l'influence de l'industrie sur l'EPA, l'Agence américaine de l'environnement. Selon Jennifer Saas, l'ILSI a eu une relation continue avec l'EPA, organisant notamment des ateliers de travail à huis clos pour " éclairer " les décisions de celle-ci.

    L'ILSI travaille aussi sur les plantes transgéniques et intervient dans les processus d'évaluation de l'EFSA : dans son avis du 8 septembre sur un maïs transgénique de Monsanto, l'Autorité s'appuie ainsi sur un document de l'ILSI.

    Ces différents éléments ont conduit José Bové à réclamer la démission de Mme Banati. " L'EFSA n'a pas d'autonomie, elle est inféodée aux lobbies, estime le député européen, qui est aussi vice-président de la commission agriculture du Parlement européen. Son mode de fonctionnement doit être revu de fond en comble. "

    M. Bové indique avoir transmis, en juillet, le dossier au commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs, John Dalli.

    Le porte-parole de ce dernier, Frédéric Vincent, explique que, " d'après les informations qu'avait fournies Mme Banati, il n'y avait pas conflit d'intérêts ". Il souligne que les procédures d'examen de sa candidature ont été strictement suivies, et que la nomination des membres du conseil d'administration de l'EFSA ne dépend pas de la Commission. Pour sa part, la directrice de la communication de l'EFSA, Anne-Laure Gassin, assure que " le rôle du conseil d'administration est de veiller au bon fonctionnement de l'Autorité ", ajoutant que " ses membres n'interviennent pas dans le travail scientifique ".

    La déclaration d'intérêt de Diana Banati a cependant été modifiée, mardi 28 septembre, sur le site Internet de l'EFSA : son appartenance au bureau des directeurs de l'ILSI, information qui n'apparaissait pas jusqu'alors, est désormais mentionnée.

    Cette affaire ne peut que renforcer la suspicion exprimée de longue date par certaines organisations non gouvernementales à l'égard de l'EFSA. Les liens de celle-ci avec l'industrie agroalimentaire ont déjà été soulignés, notamment en janvier, lorsqu'a été rendue publique une information selon laquelle l'ancienne directrice du groupe OGM de l'Autorité, Suzy Reckens, avait rejoint la firme Syngenta en 2008.

    Lors d'un conseil des ministres européens de l'environnement, en décembre 2008, les Etats membres avaient demandé " un renforcement de l'évaluation environnementale " des OGM. Ce travail avance lentement : selon le porte-parole de John Dalli, " une évaluation extérieure va être faite en 2011, et la Commission pourrait proposer une nouvelle organisation à l'horizon 2012 ".

    La mise en cause de l'indépendance de l'EFSA ne peut qu'affaiblir la position de la Commission européenne. Lundi 27 septembre, les ministres européens de l'agriculture ont rejeté la proposition de la Commission sur les OGM, qui consiste à laisser aux Etats le soin d'en autoriser ou non la culture.

    Hervé Kempf

    • Une autorité contestée

      Expert L'Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a été créée en 2002, à la suite de crises sanitaires, dont celle de la vache folle, en 1996. Basée à Parme (Italie), elle fournit à la Commission européenne des avis scientifiques sur les risques attachés aux produits de la chaîne alimentaire.

      OGM L'EFSA est surtout connue pour son travail sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Elle donne un avis sur les propositions de culture ou d'importation des OGM. Elle n'a jamais rendu d'avis négatif.

      Mise en cause L'indépendance de l'EFSA a été mise en cause, en 2004, par une étude des Amis de la Terre, qui relevait que plusieurs de ses experts sur les questions relatives aux OGM avaient des liens avec l'industrie.


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