• Le FMI va surveiller les systèmes financiers de vingt-cinq grands pays  

    L’examen de la solidité des systèmes financiers par l’institution multilatérale est désormais obligatoire pour 25 pays. Ceux-ci représentent 90 % de la finance mondiale et 80 % de l’activité économique internationale.

    Ce sera désormais obligatoire. Le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a annoncé, lundi soir, l’obligation pour vingt-cinq de ses pays membres de se soumettre à l’examen de la solidité de leur système financier. Cette évaluation, créée dans le sillage de la crise asiatique de 1997-1998, était jusqu’à maintenant effectuée à la demande des pays sur une base volontaire et non contraignante. Plus communément appelé « programme d’évaluation du secteur financier », cette revue, qui sera réalisée au moins tous les cinq ans, fera désormais partie du rapport effectué régulièrement par le Fonds sur la politique économique de ses membres, le fameux article IV.Les vingt-cinq pays concernés par cette nouvelle approche représentent, selon l’institution, près de 90 % du système financier global et environ 80 % de l’activité économique internationale. Parmi eux, quinze pays sont membres du G20. L’ensemble des membres du G7 auxquels se rajoutent douze pays d’Europe de l’Ouest et l’Australie, les économies asiatiques nouvellement développées comme la Corée du Sud ou Singapour et d’autres économies émergentes à l’instar du Brésil, de la Chine et de l’Inde devront donc passer régulièrement sous les fourches Caudines des experts du FMI.Sur le plan pratique, les experts mandatés par l’institution étudieront, entre autres, le mode de gestion des crises des pays, effectueront leurs propres « stress tests » des établissements financiers, analyseront les facilités pour les banques d’accéder aux liquidités fournies par la banque centrale tout en évaluant les modalités nationales de mise en faillite des établissements financiers. Les liens existants au niveau transfrontalier entre établissements financiers, les flux de capitaux entrant et sortant d’un pays et l’impact d’une éventuelle crise locale sur les autres pays seront également abordés.

    Eviter une nouvelle crise

    C’est donc une véritable mise à nu d’un système financier qui sera mise en œuvre afin d’éviter, autant que faire se peut, la répétition d’une crise comparable à celle qui sévit depuis plus de trois ans. Ce renforcement du rôle de surveillance du FMI s’inscrit en droite ligne des engagements des leaders du G20 de ne plus permettre un tel séisme et de mieux réguler l’activité du monde financier.La nouvelle approche de l’institution internationale est d’autant plus significative qu’avant la crise économique et financière actuelle les Etats-Unis s’étaient toujours opposés à ce que leur système financier soit évalué par le Fonds. Comme l’a révélé le FMI, plus des trois quarts des pays membres avaient pourtant demandé une telle évaluation de leur système financier avant la crise.Sans préjuger des résultats, les experts du FMI auraient peut-être pu détecter la dangerosité du développement du marché des « subprimes » et appeler à une réorganisation du marché aux Etats-Unis. Crise aidant, des programmes d’évaluation sont actuellement menés en Indonésie, en Chine et aux Etats-Unis. Reste à savoir quel sera l’accueil de l’avis donné par le FMI sur le système financier d’un pays.

    Evaluation contestée en 2009

    En 2009, lorsque l’institution avait donné sa propre évaluation des pertes potentielles des banques européennes au regard de leurs portefeuilles de créances, bon nombre de leaders politiques et économiques avaient contesté la méthode utilisée. S’inspirant des standards américains, celle-ci avait été fortement mise en cause puisqu’elle ne tenait pas compte des spécificités européennes. Verra-t-on les mêmes reproches adressés aux évaluations des systèmes financiers ?

    Richard hiault

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  • « Les banques sont criminelles »

     


     

    Oliver Stone, réalisateur de « Wall Street 2 »

    L'année 1987. Des milliers de traders adoptent le cri de guerre de Gordon Gekko (Mickael Douglas), le héros de « Wall Street » d'Oliver Stone : « Greed is good. » Depuis, deux décennies et une crise mondiale sont passées par là. De quoi inspirer au réalisateur une suite à son film.

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    « Wall Street 2 - L'argent ne dort jamais » a-t-il été un film difficile à réaliser ?

    Oui. Lorsque j'ai fait « Wall Street », j'étais persuadé que le monde de la finance s'autorégulerait. Le film s'est finalement révélé prophétique. Pour raconter cette nouvelle crise, j'ai beaucoup lu et rencontré tous ceux qui étaient impliqués. Du plus grand au plus petit. Et puis j'ai essayé de simplifier les choses. Le plus difficile, ensuite, ça a été d'intégrer mes personnages à cette situation.

    Au fond, le monde de la finance ne vous est pas étranger, votre père était lui-même trader...

    À l'époque, les traders et les banques étaient là pour faire gagner de l'argent à leurs clients. Aujourd'hui, ils investissent uniquement pour eux-mêmes. Je crois qu'on peut imputer la crise de 2008 à la vaste concentration du capital dans les banques. Je les considère comme criminelles. Certes, ce qu'elles ont fait est légal. Mais certainement pas éthique. Et si cela a été possible, c'est parce que le gouvernement a joué un rôle majeur dans la dérégulation. Reagan avait commencé à le faire. Clinton a continué. Quant à George W. Bush, il est devenu fou. Mais l'homme est idiot. Ne vous méprenez pas : à mes yeux, faire des profits, c'est très bien. À partir du moment où vous produisez quelque chose.

    Comment expliquez-vous qu'il y ait eu si peu de films sur la finance ?

    Parce que ces films ne contiennent ni armes ni coups de feu contrairement à ceux qui tiennent le box-office. Dans « Wall Street 2 », tout passe par les dialogues. Aux États-Unis, on considère même que c'est un film difficile à comprendre.

    Que nous dit votre film sur l'état de la démocratie dans votre pays ?

    Démocratie ? C'est une blague ? Il y a plus de démocratie au Venezuela qu'aux États-Unis. Mon pays est une oligarchie. L'argent contrôle le système. Barack Obama fait partie de ce système, c'est l'argent qui lui a permis d'être élu. Mais je pense que c'est un homme bien. Reste à savoir s'il va tenter de sortir de ce système.

    Propos recueillis par Yasmine Youssi

     

    « Wall Street », le retour
    Gordon Gekko (Michael Douglas), investisseur déchu de Wall Street, est de retour. Mais depuis sa sortie de prison, il n'a de cesse de dénoncer la folie spéculative qui a saisi Wall Street, allant jusqu'à prédire la crise de 2008. Reste à savoir si Gekko a vraiment changé. « Wall Street : l'argent ne dort jamais » ne brille pas par son originalité et les acteurs ne sont pas très convaincants. En revanche, Oliver Stone explique avec maestria la crise financière de 2008. La scène de la rencontre entre les banquiers de Wall Street et la Fed mérite à elle seule le détour.


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  • L'« insoutenabilité » des dettes publiques n'est plus taboue


     

    L'idée qu'un État européen puisse faire défaut sur sa dette n'est plus un sujet tabou à Bruxelles. L'hypothèse reste rejetée par les gouvernements et le FMI mais elle est jugée crédible par les marchés financiers. D'autant que certains observateurs pointent désormais du doigt la dette sociale qui ne cesse d'enfler et qui est de plus en plus considérée comme une dette publique implicite.

    « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier... d'un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique... d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans », déclarait François Fillon il y a trois ans presque jour pour jour. Avant de conclure?: « Ça ne peut pas durer. » Et pourtant, cela dure. Le Premier ministre s'apprête à présenter au Parlement un budget en déficit historique. La crise a rendu toute leur actualité à ses états d'âme. Dans la zone euro, la courbe de la dette publique pointe vers les 90 % du PIB. Rien de très inattendu. Historiquement, les dettes publiques doublent presque dans les trois ans qui suivent une crise bancaire, selon les économistes Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff (*). Dans l'Union européenne à 27, on s'oriente vers une augmentation de l'ordre de 40 %, le Royaume-Uni avançant gaillardement vers les + 70 %. Du jamais-vu en temps de paix.

    Qui plus est, l'idée selon laquelle la faillite de l'État est l'incident qui n'arrive qu'aux « émergents » (Argentins, Mexicains et autres Russes) a du plomb dans l'aile. Le Trésor grec a été en situation de défaut une année sur deux depuis l'indépendance du pays en 1822. « La période assez récente (2003-2008) pendant laquelle les gouvernements ont généralement honoré leurs créances est loin d'être la norme », rappellent ainsi Reinhart et Rogoff. Et la Grèce est passée cet hiver très près du gouffre. L'Irlande, que le seul passif de ses banques suffirait à couler au fond, contemple également l'abîme. La zone euro a certes mis sur pied, dans la foulée du plan grec, un mécanisme de stabilisation de 750 milliards d'euros taillé sur mesure pour les autres « PIIGS », particulièrement le Portugal, l'Irlande et l'Espagne auxquels les marchés font de moins en moins crédit, au propre comme au figuré. Mais une dette mutualisée ou « européanisée » reste une dette. À raison de 1,5 % de croissance par an, déloger les déficits s'apparente à un calvaire politique. La seule stabilisation de la dette dans les économies les plus avancées supposerait de passer d'un déficit de 5,3 % du PIB à un excédent de 1 %, assurent des économistes du FMI (**).

    « Il y a un mot qui ne doit pas être prononcé dans cette ville [Bruxelles]?: restructuration », raillait le « Wall Street Journal » en mai. Depuis, le tabou a été égratigné. « Si la Grèce restructurait sa dette, pourquoi diable les gens continueraient-ils d'investir dans les autres économies périphériques?? » a répliqué le ministre grec des Finances Georges Papaconstantinou à ceux qui, l'économiste Nouriel Roubini en tête, estiment cette issue inévitable. « Un défaut ne serait pas dans l'intérêt des citoyens... Un ajustement fiscal soutenu par des réformes qui encouragent la croissance est une réponse beaucoup plus efficace », martèle le FMI.

    Les gouvernements n'étaient pas préparés à gérer une telle inflation de leur passif. Jusqu'à présent, leur jeu avait plutôt consisté à ruser avec les critères de Maastricht. Rome a usé et abusé de la titrisation pour encaisser par anticipation des recettes fiscales qui tardaient à rentrer ou les gains futurs de sa loterie nationale. Cet hiver, quelques députés européens colportaient une rumeur selon laquelle Goldman Sachs aurait débauché un responsable d'Eurostat à l'époque où la banque américaine s'était vu confier par Athènes la lourde tâche de « présenter » sa candidature à l'euro. La futilité de ces exercices de maquillage grassement rémunérés éclate aujourd'hui au grand jour. Les prestidigitateurs comptables cèdent la place aux professeurs de vertu.

    Comme si le spectacle de la dette « maastrichtienne » n'était pas assez anxiogène, certains pointent à présent du doigt la dette implicite, autrement dit les passifs sociaux, retraite et dépendance, pour lesquels engagements fermes ont été pris. La Suède, la Pologne et sept autres pays centre-européens ont écrit l'été dernier au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, pour s'inquiéter que ces engagements soient aussi peu surveillés et comptabilisés. Stockholm a déjà « provisionné » 10 % de son PIB dans un fonds de préfinancement des retraites. Mais la méthodologie comptable européenne n'en tient aucun compte dans le calcul de la dette suédoise. Ces neuf pays s'estiment injustement « punis » par Eurostat.

    « La dette implicite n'est pas juste un sujet théorique, dit l'économiste Jean Pisani-Ferry, cela pose la question plus générale du risque lié aux engagements de certains États. » D'une certaine manière, la restructuration de ces engagements « hors bilan » a déjà commencé en France, en Grèce ou encore en Espagne, juge le directeur de Bruegel pour qui « un défaut sur la dette implicite, cela s'appelle une réforme des retraites ». Les pays du G7 devraient en moyenne améliorer leur solde budgétaire de 4,5 % de PIB pour commencer à provisionner la charge future des régimes de protection sociale et des évolutions démographiques, selon la Banque des règlements internationaux. Et pour les experts de l'institution, la question n'est plus de savoir si les marchés vont mettre la pression sur les gouvernements mais bien de savoir quand ils vont le faire.

     

    (*) « Cette fois, c'est différent. Huit siècles de folie financière », Éditions Pearson, 2010.

    (**) IMF Staff Position Note 10/12, septembre 2010.

    Point de vue de Florence Autret correspondante de « La Tribune » à Bruxelles -


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