• votre commentaire
  • L'Inde impose aux industriels d'être plus " verts "

    Les autorités bloquent des projets miniers ne tenant pas assez compte de l'environnement et des populations locales
    New Delhi Correspondance
     

     

    Au nom de la protection de l'environnement et des populations locales, la justice et le gouvernement indiens n'hésitent plus à bloquer, voire annuler, un nombre croissant de projets industriels. Le géant minier britannique Vedanta s'est ainsi vu ordonner par la Haute Cour de justice de Madras, mardi 28 septembre, la fermeture d'une fonderie de cuivre, au motif que celle-ci rejetait " dans l'air et dans l'eau des éléments toxiques aux effets dévastateurs ".

    Un mois auparavant, le ministère de l'environnement avait interdit au même groupe d'ouvrir une mine de bauxite sur des terres considérées comme sacrées par les tribus qui y habitent, les Dongria Kondh, dans l'est de l'Inde. Désormais, les seules retombées économiques ne suffisent plus pour que le gouvernement donne son feu vert à un projet minier ou industriel.

    Le cimentier français Lafarge vient d'en faire l'expérience à deux reprises. En février, la Cour suprême fédérale lui a ordonné de fermer provisoirement une mine de calcaire dans l'Etat du Meghalaya, et lui a réclamé des garanties supplémentaires sur la protection de l'environnement du site. Elle doit se prononcer sur sa réouverture dans les semaines à venir.

    Par ailleurs, en 2007, Lafarge avait signé un accord avec l'Etat de l'Himachal Pradesh, dans le nord de l'Inde, en vue d'ouvrir une mine de calcaire et une cimenterie sur les contreforts de l'Himalaya. En 2009, le ministère de l'environnement avait donné son feu vert. Mais le 13 septembre l'autorité d'appel en matière environnementale, la NEAA, s'est prononcée contre ce projet, susceptible selon elle de causer des dégâts " sociaux et environnementaux ".

    " En 2009, l'équipe du ministère de l'environnement ne s'est même pas rendue sur tous les lieux pour prendre sa décision ", s'étonne J. C. Kala, un des membres de la NEAA. La zone que convoite le cimentier français s'étend sur 430 hectares, dont 68 appartiennent à des villageois. Le projet prévoit d'y installer un tapis roulant géant de six kilomètres de long qui relierait la mine à une cimenterie d'une capacité de 3 millions de tonnes par an.

    Malgré les assurances données par Lafarge, J. C. Kala estime que " la poussière, le bruit, le passage de centaines de camions pour acheminer le charbon vers l'usine et d'en sortir le ciment auront des effets négatifs sur la biodiversité, particulièrement riche et fragile dans cette zone himalayenne, ainsi que sur un parc naturel qui se situe à cinq kilomètres de là ".

    De 60 à 82 familles devraient être déplacées par le projet. Les promesses non tenues par d'autres compagnies ne simplifient pas la tâche de Lafarge. " Ceux qui nous ont déplacés il y a cinq ans avaient promis argent et travail. On n'a toujours rien reçu. Comment faire confiance aux entreprises minières ? ", interroge Meera Sharma, une habitante du district de Karsog, concerné par le projet.

    " Nous leur proposerons soit de l'argent, soit une maison et des terres à un autre endroit. Mais rien n'est encore fixé. Les négociations prennent du temps ", admet Anurag Kak, responsable du projet chez Lafarge. L'installation de camps médicaux dans plusieurs villages des environs et la création de deux centres informatiques n'ont pas suffi à emporter l'adhésion de tous les habitants à un projet qui nécessitera 150 millions d'euros d'investissements.

    Nombreux sont ceux qui trouvent dans la forêt leurs moyens de subsistance, y cueillant des grenades qu'ils revendent sur les marchés locaux ou y faisant paître leurs troupeaux. Le cimentier leur a promis des emplois, mais surtout indirects : sur les 8 000 escomptés, 800 seulement seront créés dans la mine et la cimenterie.

    Construire une cimenterie et creuser une mine de calcaire géante sans porter atteinte à l'environnement et aux populations locales ? Lafarge, qui affirme ne pas vouloir abandonner son projet, n'est donc pas parvenu à convaincre le NEAA. Ce refus est révélateur de la prudence dont les autorités font désormais preuve, particulièrement dans le cas de projets minier.

    L'Inde est riche en ressources minières, dont la production nationale a quasiment doublé depuis 1993. Mais d'après les chiffres du Centre pour la science et l'environnement (CSE), basé à Delhi, plus de la moitié des cinquante districts qui enregistrent la plus forte production de minerais comptent aussi parmi les plus pauvres du pays en termes d'indicateurs sociaux.

    Dans un rapport consacré à la politique minière du pays et publié en 2006, le Commissariat au plan constatait que " la relation entre les compagnies minières et les populations locales porte l'héritage de la défiance et de la maltraitance ". Ces vingt dernières années, l'acquisition forcée de terres a suscité la colère, notamment parmi les populations tribales - souvent les plus affectées -, et alimenté la rébellion naxalite qui menace désormais la sécurité du pays. Pour remédier à l'absence de régulation dans le secteur minier, qui a donc eu un coût social élevé, une nouvelle loi d'exploitation minière devrait être présentée au Parlement cet hiver. Certains prônent le reversement de 26 % des revenus miniers aux populations locales affectées.

    Un meilleur partage des revenus entre compagnies minières et populations locales, mais aussi un meilleur équilibre entre protection de l'environnement et exploitation des ressources naturelles : tel semble être le nouveau credo de l'Inde en matière de développement. C'est ainsi au nom de la protection de l'environnement que Jairam Ramesh, le ministre indien de l'environnement, a bloqué la construction d'un nouvel aéroport à Bombay. Sous son mandat, les études d'impact environnemental, obligatoires pour chaque projet d'infrastructures, ne passent plus pour de simples formalités. Et plus de cent projets auraient été annulés ou reportés depuis juin 2009.

    Jairam Ramesh, qui a interdit la culture commerciale de l'aubergine génétiquement modifiée, mis sur pied les tribunaux " verts ", lutté contre les exploitations minières sauvages et illégales et lancé un plan de conservation de la biodiversité, est présenté dans les médias indiens comme un " ministre vert militant ". Il rêve même de mesurer la croissance économique à l'aide d'un autre indicateur que le produit national brut (PNB).

    " Idéalement, si on pouvait disposer d'un produit national brut et d'un produit vert brut, on aurait une meilleure idée des arbitrages en matière de croissance ", a déclaré le ministre de l'environnement, mardi 28 septembre. Depuis vingt-cinq ans qu'existe ce portefeuille ministériel, il n'avait jamais autant mis en avant.

    Julien Bouissou

    • Des tribunaux pour traiter de l'environnement

      L'Inde doit créer cinq tribunaux " verts ", le 18 octobre, afin d'accélérer le règlement de litiges en matière d'environnement. Plus de 5 600 litiges seront transférés vers ces nouvelles juridictions. Pour la première fois en ce qui concerne les litiges d'ordre environnemental, chaque citoyen aura la possibilité de saisir le tribunal. La loi sur la protection de la faune et de la flore, qui régit les parcs naturels, et la loi qui autorise les populations tribales à exploiter les ressources naturelles dans leurs forêts seront toutefois exclues de la juridiction des tribunaux verts.

      Le tribunal vert aura le même statut qu'une haute cour de justice. Il pourra fixer le montant des compensations, en cas de préjudices causés par la pollution d'un site, par exemple. Les plaignants auront la possibilité de faire appel des décisions auprès de la Cour suprême de justice. Les membres des tribunaux seront des juges et experts nommés directement par le ministre de l'environnement.


    votre commentaire
  • Kroll, Le Soir (Bruxelles)
    Plus de 100 000 personnes provenant de plusieurs pays européens ont manifesté le 29 septembre contre les mesures d'austérité à Bruxelles.
     


    votre commentaire