• Retraites : faut-il aligner public et privé ?

    Retraites : faut-il aligner public et privé ?

    Où se situe l'équité ? Quels seraient les changements pour l'un et pour l'autre ?

     

    En confiant au même ministre - Eric Woerth - le pilotage de la réforme des retraites dans le privé et dans le public, l'Elysée a manifesté son intention de perpétuer l'effort de convergence engagé par le gouvernement Raffarin.

    La réforme de 2003 avait progressivement aligné les durées de cotisation. Il n'était pas question pour les pouvoirs publics que les salariés du privé, déjà exposés au risque du chômage, fassent seuls les frais de l'adaptation du système au choc démographique, c'est-à-dire à l'arrivée à la retraite des générations de l'après-guerre.

    Le Conseil d'orientation des retraites (COR) vient de l'établir : le retour au plein-emploi ne suffira pas pour faire face au besoin de financement des régimes. Il ne sera pas possible d'imposer au seul secteur privé les ajustements nécessaires. Mais attention : l'équité, par nature difficile à atteindre, ne signifie pas l'identité des règles.

    Des baisses de pension de 10 % à 20 % dans le public Qu'ils aient travaillé dans la fonction publique ou dans le privé, les retraités de 2008 se trouvaient, à structure de qualification comparable, dans des situations assez proches. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le montant moyen de l'avantage principal de droit direct (retraite acquise en contrepartie de ses propres cotisations, par opposition à la pension de réversion) était de 817 euros pour les non-cadres du privé et de 1 538 euros pour les cadres. Il atteignait 1 176 euros dans la fonction publique territoriale ou hospitalière, et 1 850 euros dans la fonction publique d'Etat civile où les enseignants pèsent lourd en termes d'effectifs et de rémunérations. Ces moyennes dissimulent toutefois des disparités importantes, et surtout, elles ne permettent pas de se projeter dans l'avenir.

    En octobre 2009, l'Insee a donc cherché à mesurer les conséquences de l'application des règles de calcul du privé aux fonctionnaires. Cet exercice fictif montre que l'application au public des règles du privé conduirait, selon les hypothèses, à des baisses moyennes de pension de l'ordre de 20 % ou de 10 %. La tendance est nette.

    En janvier, dans son septième rapport, le COR s'est intéressé à l'évolution des taux de remplacement - c'est-à-dire ce que représente la pension en pourcentage du dernier revenu d'activité - au fil des générations. Dans l'hypothèse d'un âge de départ à la retraite de 65 ans et après quarante ans de cotisation, la législation actuelle conduirait à des diminutions significatives : un non-cadre du privé né en 1938 touchait en 2003 une retraite représentant 83,6 % de son dernier revenu d'activité. Pour celui né en 1985, le taux de remplacement serait inférieur de 10 points (73,5 %) en 2050. Pour les cadres du privé, le taux de remplacement passerait au fil des générations de 64,1 % en 2003 à 53,2 % en 2050.

    En revanche, la montée en charge du régime additionnel de la fonction publique (RAFP), assis sur une partie des primes, permettrait aux fonctionnaires de conserver un taux de remplacement proche de 70 %. Même interprétés avec prudence, ces résultats rendent le statu quo impossible.

    Le casse-tête des primes La durée de cotisation n'est pas le seul paramètre sur lequel un régime de retraite peut jouer. Il en existe plus d'une dizaine d'autres, parmi lesquels figurent en bonne place le taux de cotisation (7,85 % dans le public, 10,65 % dans le privé en dessous du plafond de la Sécurité sociale), le mode de calcul de la pension, les âges de la retraite, les avantages familiaux, etc. La réforme de 2010 passera-t-elle par un alignement progressif de tous ces paramètres ? Rien n'est moins sûr.

    Calculer la pension des fonctionnaires sur leurs vingt-cinq meilleures années d'activité, comme dans le privé, au lieu des six derniers mois de traitement indiciaire, supposerait en effet, pour être équitable, de prendre en compte les primes et autres indemnités des agents de la fonction publique.

    Or celles-ci représentaient, en moyenne, 23 % de la rémunération d'un fonctionnaire de l'Etat en 2007 et elles sont encore plus importantes dans la fonction publique hospitalière. Selon le calendrier adopté, la méthode choisie et la base de référence retenue pour la réforme, le coût de l'intégration des primes dans le calcul de la pension peut varier de 0 % à + 20 %, selon le ministère de la fonction publique.

    Prudent, M. Woerth, qui vient du ministère du budget, a indiqué qu'il n'était pas partisan de cette seule solution. De plus, cela ne réglerait pas la question des enseignants qui n'ont quasiment pas de primes mais liquident leur pension au taux confortable de 75 %...

    L'âge du départ et la pénibilité L'âge d'ouverture des droits à la retraite - 60 ans dans le privé depuis 1983 - constitue un autre sujet de frictions possible. Si les 60 ans concernent la majorité des fonctionnaires, une partie d'entre eux (environ un sur dix) a la possibilité légale de liquider sa pension à 50 ans ou 55 ans. Il s'agit des fonctionnaires appartenant à des catégories dites " actives " : policiers, personnels de la pénitentiaire, aiguilleurs du ciel ou encore une partie des instituteurs dans la fonction publique de l'Etat, sapeurs-pompiers dans la territoriale. Cette possibilité de déroger au droit commun est ancrée dans l'histoire sociale et syndicale de la fonction publique. Elle s'explique souvent - mais pas toujours - par la pénibilité des métiers, et c'est dans ce cadre général qu'elle devra être traitée. Le sujet ne va pas de soi : les infirmières de la fonction publique hospitalière, auxquelles le gouvernement a proposé de renoncer à leur droit au départ à 55 ans en échange d'une revalorisation de leur statut, hésitaient en mars à accepter ce troc.

    Des contreparties D'une manière générale, changer les règles du jeu en cours de partie est difficile. En recevant les syndicats de fonctionnaires, Eric Woerth et Georges Tron, secrétaire d'Etat à la fonction publique, devaient leur proposer, jeudi 22 avril, de faire l'inventaire des différences public-privé, de conserver celles que l'on peut objectiver et de rogner, voire de passer par pertes et profits, les avantages qui n'ont plus de raison d'être ou se perdent dans l'histoire. Comme cette majoration de durée d'assurance accordée aux fonctionnaires en poste outre-mer ou à l'étranger, qui fut créée à l'origine comme un outil d'accompagnement de l'empire colonial français. De telles bonifications seront probablement plus faciles à remettre en cause que les avantages catégoriels qui ont la vie dure dans la fonction publique.

    Claire Guélaud



    Contre le statu quo
    Pour le statu quo Pour les fonctionnaires, " l'égalité n'est pas l'uniformité "


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