• Retraites : les trois réformes qui ont changé nos vies

    Retraites : les trois réformes   qui ont changé nos vies

     

    Alors que la remise en question de l’âge légal de la retraite et un nouvel allongement de la durée de cotisation constituent aujourd’hui les deux pistes mises en avant par le gouvernement pour sauver le système de retraite français, retour sur les trois grandes réformes instituées en 1993, 2003 et 2008.

    Réforme Balladur en 1993, réforme Fillon en 2003, réforme des régimes spéciaux en 2008 : les trois grands tournants qui ont marqué le système de retraite français n’ont pas suffi pour assurer sa survie. A la veille d’une réforme de grande ampleur promise par Nicolas Sarkozy, les déficits atteignent des niveaux jamais vus. Pourtant, ces trois réformes ont profondément modifié la situation de la population française. Démonstration.UN CADRE DU PRIVÉxAvant la réforme BalladurLes cadres du secteur privé qui prennent leur retraite avant la réforme Balladur vivent encore l’âge d’or du système par répartition français. Jusqu’en 1993, ils peuvent partir à 60 ans dès lors qu’ils ont cotisé 37 ans et demi. Leur pension est calculée sur la base de leurs dix meilleures années de salaire. Les régimes de retraite complémentaire Arrco (pour tous les salariés) et Agirc (pour les cadres) remplissent pleinement leur rôle d’amélioration des pensions : 100 francs de cotisations à l’Arrco payées dans les années 1960 donnent droit à presque 14 francs de retraite, deux fois plus qu’aujourd’hui. A l’Agirc, le taux de cotisations a même été réduit pendant une vingtaine d’années, car l’argent rentre trop massivement dans les caisses !Les pensions versées par la Caisse nationale d’assurance-vieillesse sont alors revalorisées tous les ans en tenant compte de la progression des salaires. De plus, les Français de ces générations ont peu de chances d’avoir été touchés par le chômage. Et lorsqu’ils le sont, cela n’a pas d’incidence sur leur retraite, car les cotisations sont prises en charge.xAprès la réforme BalladurLorsqu’il arrive à Matignon en 1993, Edouard Balladur constate un déficit sans précédent : 40 milliards de francs pour la CNAV. La récession économique frappe de plein fouet les recettes de la Sécurité sociale. Devant cette situation, la réforme est menée au pas de charge, en quelques semaines.Les pensions sont désormais revalorisées au rythme de l’inflation, et non plus à celui des salaires, ce qui ralentit sensiblement leur progression. La durée de cotisation augmente d’un trimestre par an : on passe de 37,5 ans pour la génération de 1933 à 40 ans pour celle de 1943 et pour les suivantes. Le montant de la pension, lui, n’est plus calculé sur 10 ans de rémunération mais sur les 25 meilleures années. Résultat, selon la CNAV,pour six retraités sur dix,la réforme Balladur a« conduit au versement d’une pension moins importante que celle à laquelle ils auraient pu prétendre sans réforme ».La différence moyenne est de 6 % pour l’ensemble de la population. Les hommes nés en 1938, par exemple, reçoivent une pension moyenne annuelle de 7.110 euros (hors retraites complémentaires), 660 euros de moins que si la réforme n’avait pas eu lieu. L’Agirc et l’Arrco prennent elles aussi des décisions douloureuses pour les assurés dans les années 1990. Pour 100 francs versés, on obtient maintenant moins de 7 francs de retraite.Au total, un cadre du privé né en 1938 qui prend sa retraite à 65 ans en 2003 après une carrière continue de 40 ans reçoit une première pension qui représente 64 % de son dernier salaire, net de prélèvements sociaux.xAprès la réforme FillonLa réforme Balladur ne suffit pas. Après quelques années dans le vert, due à l’arrivée à l’âge de la retraite des classes creuses nées pendant la Seconde Guerre mondiale, la CNAV renoue avec les déficits, sous l’effet du « papy-boom ». Portée par François Fillon, alors ministre des Affaires sociales, la loi d’août 2003 ne touche toujours pas à l’âge légal du départ, 60 ans, mais la durée de cotisation poursuit sa hausse inexorable.Concrètement, un salarié du privé qui part à la retraite en 2012 devra avoir cotisé 41 ans. Pour l’inciter à retarder encore son départ, une surcote et une décote sont instaurées. Tout trimestre travaillé au-delà de la durée cotisée nécessaire entraîne une amélioration de la pension. A l’inverse, les salariés qui partent plus tôt voient leur pension réduite. Parallèlement, un dispositif de départs anticipés est prévu pour les salariés qui ont commencé très jeunes (lire encadré).Quant au taux de remplacement, il reste stable, si l’on en croit une étude de la Drees qui a fait des évaluations avant et après la réforme de 2003 pour un même profil d’assuré né en 1948. Dans les deux cas, on toucheentre 70,7 % et 71,5 %de son dernier salaire selon que l’on a été cadre toute sa carrière, au bout de dix ans ou au bout de vingt ans. La réforme n’a pas eu d’impact sur ce plan.xEt demain ?Pour l’instant, le montant moyen des retraites versées n’a jamais cessé de progresser pour les salariés du privé, même avec l’impact de la réforme Balladur.« Tout simplement parce que le montant moyen des nouvelles pensions liquidées est plus élevé que celui de l’ensemble des pensions en cours de service »,note l’Observatoire des retraites. Résultat, les retraités jouissent aujourd’hui d’un niveau de vie très proche de celui des actifs. Plus pour longtemps. Car si l’on ne changeait rien, un cadre du privé partant à la retraite à 65 ans en 2020 après une carrière continue de 40 ans toucherait moins de 57 % de son dernier salaire, contre plus de 64 % pour un départ en 2003. En 2050, le taux de remplacement tomberait à 53 %.Quant à l’âge de la retraite, il devrait reculer mécaniquement à l’avenir, même en l’absence de réforme. Les nouvelles générations ont commencé à cotiser plus tard que leurs aînés, à cause de l’allongement de la durée des études, des périodes de stage ou de chômage non indemnisé au début de la vie active. L’âge moyen d’entrée dans la vie professionnelle frôle les 22 ans et demi pour la génération née en 1970, trois ans plus tard que leurs parents. Même avec la législation actuelle, les quadragénaires d’aujourd’hui« pourront au mieux partir en moyenne à 63 ans et demi »,souligne la Drees.UN FONCTIONNAIRE DE L’ÉTATxAvant la réforme FillonLes fonctionnaires n’ont pas été touchés par la réforme de 1993. A la veille de la loi de 2003, ils jouissent encore d’une durée de cotisation de 37 ans et demi, plus courte que dans le privé. Et leur pension est calculée sur la base de leurs six derniers mois de salaire. Seul inconvénient, ils ne cotisent pour leur retraite que sur leur salaire de base, et non sur leurs primes. Or celles-ci peuvent représenter une part très importante de leur rémunération dans certains métiers, parfois plus de 50 % de leur traitement de base pour les agents des ministères des Finances ou des Transports.Malgré ces inconvénients, un fonctionnaire qui prend sa retraite à la veille de la loi Fillon bénéficie d’un taux de remplacement relativement élevé : il atteint 68,7 % de son dernier salaire pour un agent né en 1938, parti en 2003 après quarante ans de cotisations et rémunéré sur la base d’un taux de prime de 20 %.xAprès la réforme FillonLa réforme de 2003 aligne la fonction publique sur le régime du privé : même durée de cotisation, même méthode de calcul pour la revalorisation annuelle des pensions, instauration progressive d’une surcote et d’une décote. Mais le gouvernement laisse intacte une particularité du régime des fonctionnaires, celle du calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire.xEt demain ?Si rien n’était fait, le taux de remplacement serait pratiquement stable pour un agent né en 1955 partant en 2020 comme pour un agent né en 1985 partant en 2050. Mais le gouvernement est déterminé à rapprocher encore le régime de la fonction publique de celui du privé. La règle des six derniers mois de salaire, notamment, pourrait être remise en question.UN CHEMINOT SNCFxAvant la réforme des régimesspéciauxAprès l’échec cuisant d’Alain Juppé en décembre 1995, le gouvernement Raffarin ne se risque pas à s’attaquer aux régimes spéciaux comme la SNCF. Pour les salariés de l’entreprise publique, il suffit de cotiser 37,5 ans pour bénéficier d’une pension à taux plein. L’âge d’ouverture des droits est de 55 ans. Dans les faits, certaines catégories de salariés partent plus tôt grâce à des bonifications d’annuités. L’âge moyen de départ en 2004 était de 50,3 ans pour les agents de conduite, après 33,5 annuités de cotisations validées. Le taux de liquidation est basé sur le dernier salaire d’activité, dont il représente 67 % de la valeur en moyenne. Les primes, elles, ne sont que partiellement intégrées dans le calcul.xAprès la réformePromesse de campagne de Nicolas Sarkozy, la réforme des régimes spéciaux est entrée en vigueur le 1er juillet 2008. La durée de cotisation pour une retraite à taux plein passera à 40 annuités d’ici à 2012, avec instauration d’une décote et d’une surcote. Les pensions sont indexées sur les prix depuis 2009, et non plus sur les salaires. Comme dans la fonction publique, la pension est calculée sur la base des six derniers mois de salaire.Pour éviter un remake des grèves de 1995, la réforme des régimes spéciaux de 2008 s’est accompagnée de substantielles contreparties négociées dans l’entreprise. Possibilité de racheter des périodes d’études supérieures, création d’un échelon d’ancienneté supplémentaire, assiette du salaire de référence élargie, retraite anticipée pour trois enfants étendue aux hommes… Au final, ces« mesures d’accompagnement »coûtent plus de 100 millions d’euros par an à l’entreprise publique ! Mais l’âge du départ commence déjà à reculer.xEt demain ?L’exécutif n’a rien dit sur les régimes spéciaux pour la réforme de 2010. La règle de calcul sur les six derniers mois de salaire devrait cependant être mise en question, comme pour la fonction publique. C’est en tout cas ce que redoutent les syndicats de la SNCF.

    VINCENT COLLEN

    La retraite


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