• Après le spectre de 1929, celui de 1937 Pierre-Antoine Delhommais

    Après le spectre de 1929, celui de 1937

     

                La mode est à l'équitable. Le café, le cacao, le tourisme, le sucre, la chemise de lin, le budget, le sac en chanvre, les plans de relance. La chronique économique ne peut faire exception. Après avoir évoqué, dans ces colonnes, le meilleur, c'est-à-dire un scénario conjoncturel rose où la reprise se révélerait bien plus forte que prévu, il faut aujourd'hui, pour être juste et impartial, envisager le pire. A savoir une rechute.

    Cette fameuse théorie du " W ", Dominique Strauss-Kahn a dit cette semaine qu'il n'y croyait pas, et seuls 7 % des économistes américains interrogés par le Wall Street Journal l'envisagent. Cela fait au moins deux bonnes raisons pour s'y intéresser de plus près. Dans les six mois qui suivirent la faillite de Lehman Brothers, on avait beaucoup craint que se reproduise l'enchaînement fatal de 1929, marqué par quatre années ininterrompues de descente aux enfers des indices économiques. Avec la sortie officielle de récession des nations industrialisées et le rebond de la croissance dans les grands pays émergents, ce risque s'est éloigné, le pire a été évité.

    Ce n'est pas pour autant que les économistes ont rangé les ouvrages consacrés à <st1:personname productid="la Grande Dépression." w:st="on">la Grande Dépression.</st1:personname> Après y avoir trouvé des enseignements utiles pour éteindre l'incendie des subprimes, ils y cherchent désormais des pistes pour piloter au mieux la sortie de crise. Et notamment pour faire en sorte que la levée des dispositifs budgétaire et monétaire d'exception mis en place à l'automne 2008 ne casse pas la reprise en cours, comme ce fut le cas aux Etats-Unis au milieu des années 1930.

    Après le spectre de 1929, c'est maintenant celui de 1937 et de la récession Roosevelt qui hante les économistes, de Nouriel Roubini à Christina Romer, la conseillère économique du président Obama, en passant par le gouverneur de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> d'Angleterre, Mervyn King.

    Si cet épisode noir du milieu des années 1930, cette récession à l'intérieur de la crise, est relativement peu connu, c'est d'abord parce qu'il écorne quelque peu le mythe du New Deal et de son légendaire succès. Il met à mal l'idée selon laquelle la politique de relance décidée par Roosevelt en 1933 aurait suffi, comme par enchantement, à sortir l'économie américaine de la dépression. La réalité est plus complexe, moins magique, et montre que la sortie de crise fut beaucoup plus laborieuse qu'on ne l'apprend généralement dans les livres d'école.

    La rechute conjoncturelle et boursière de 1937-1938 est d'une extrême violence. Elle voit l'indice Dow Jones de <st1:personname productid="la Bourse" w:st="on">la Bourse</st1:personname> de New York perdre 49 % entre mars 1937 et mars 1938, un plongeon qui efface la quasi-totalité des gains enregistrés durant les trois années précédentes. Débâcle de Wall Street, mais surtout déroute économique. En six mois, d'août 1937 à janvier 1938, la production industrielle américaine connaît un recul aussi fort (40 %) que dans les trente mois qui avaient suivi le krach boursier d'octobre 1929. Le taux de chômage bondit de 14 % à 19%, et les revenus des ménages baissent de 15 %. Au total, le PNB reculera de 4,5 % en 1938.

    A l'origine de cette rechute - keynésiens et libéraux sont pour une fois à peu près d'accord -, le double tour de vis monétaire et budgétaire opéré par l'administration américaine. Car au début de l'année 1937, après trois années de très forte croissance (plus de 9 % en moyenne), <st1:personname productid="la Maison Blanche" w:st="on">la Maison Blanche</st1:personname> est persuadée que la crise est vaincue. Et qu'il est donc grand temps de mettre un terme à la politique macroéconomique résolument expansionniste instaurée pour combattre la dépression.

    Réduction des dépenses fédérales et hausses d'impôts ramènent le déficit de 5,5 milliards de dollars en 1936 à 2,5 milliards en 1937 et 100 millions en 1938. Côté monétaire, <st1:personname productid="la Réserve" w:st="on">la Réserve</st1:personname> fédérale, redoutant l'inflation et la formation de nouvelles bulles spéculatives, double le taux des réserves obligatoires des banques.

    Face à la catastrophe provoquée par cette politique de rigueur, l'administration Roosevelt décide, au printemps 1938, de faire machine arrière. Le niveau des réserves bancaires est abaissé, tandis qu'un programme de 5 milliards de dollars de dépenses nouvelles est engagé pour relancer le pouvoir d'achat des ménages et leur consommation. Dès l'automne, l'économie américaine redémarre. En 1939, le PNB s'envolera de 7,9 % sans qu'on sache trop précisément - c'est bien le problème - quelle est la contribution du boom des dépenses militaires à ce rebond.

    De cette récession Roosevelt de 1937, plusieurs leçons peuvent être tirées. La première, celle mise en avant aujourd'hui par les dirigeants occidentaux, c'est qu'il est essentiel de ne pas arrêter trop tôt le traitement du malade sous peine de provoquer une terrible rechute. Autrement dit, pas question de relever les taux ni de resserrer les budgets avant d'être sûr à 200 % de la solidité de la reprise. Ce qui pourrait prendre un certain temps.

    La seconde, bien plus noire, explique que le New Deal n'a provoqué au fond qu'un redémarrage très artificiel et superficiel. Seule la seconde guerre mondiale a vraiment permis à l'économie américaine de surmonter sa Grande Dépression. Il est donc vain d'imaginer qu'on guérira définitivement de la crise des subprimes sans connaître de bouleversements " géo-économico-politiques " majeurs, peut-être terribles.

    C'est bien joli la chronique équitable, mais pas très gai !

    Pierre-Antoine Delhommais

     Lien vers l'autre article : On peut toujours rêver 

    Oui, pas très gai.
    Mais c’est malheureusement la vérité historique aujourd’hui reconnue par le plus grand nombre des économistes.

    Et en sous-main encore cette loi de Malthus qui a joué depuis l’aube des temps et dont le Capitalisme devait (voulait !!) nous libérer. Il l’a fait dans l’occident du XVIII à nos jours, au prix de guerre à répétition et sans merci. Et aujourd’hui se profile « le choc des civilisations », pour faire simple.


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