• Il faut empêcher les banques de recommencer Stiglitz

                         du 15/06/2009

     

    LE COMMENTAIRE DE JOSEPH E. STIGLITZ

    Il faut empêcher les banques de recommencer

    Face aux premiers signes de reprise économique, les banques américaines commencent à résister aux efforts de réformer des réglementations bancaires. L’ancien système fonctionnait bien pour les banquiers (si ce n’est pour leurs actionnaires), pourquoi en changer ? En fait, les mesures prises pour leur venir en aide ont accordé tellement peu de place à une réflexion sur le système financier d’après-crise, que les Etats-Unis risquent de se retrouver avec un système bancaire moins compétitif et avec des banques, trop importantes pour faire faillite, encore plus grosses qu’avant.

    Depuis longtemps, on sait pourtant que ces banques étaient aussi trop importantes pour être gérées convenablement. L’Etat assurant les dépôts bancaires, il joue, à la différence d’autres secteurs, un rôle important dans leur restructuration.

    Les autorités savent que si elles attendent trop longtemps pour agir, les banques « zombies »− avec des actifs nets quasiment inexistants, mais toujours considérées comme des institutions viables − parieront vraisemblablement« sur une résurrection ».

    Si elles parient gros et gagnent, elles empochent les gains, et si elles perdent, le gouvernement règle l’addition.

    Lorsqu’un guichet automatique d’une banque affiche« fonds insuffisants », le gouvernement ne souhaite pas que ce soit la banque, plutôt que votre compte personnel, qui se retrouve insuffisamment approvisionnée et il intervient avant que les caisses soient vides. Dans le cas d’une restructuration financière, les actionnaires passent en général à la trappe et ce sont les détenteurs d’obligations qui deviennent les nouveaux actionnaires.

    L’administration Obama a cependant inventé un nouveau concept : celui de la banque trop grande pour être restructurée.

    En d’autres termes, il pense que cela déclencherait la pire débâcle si les règles habituelles leur étaient appliquées. Les marchés paniqueraient.

    Nous nous retrouvons donc dans une situation où non seulement les obligataires sont intouchables, mais également les actionnaires − même si pour l’essentiel, la valeur des actions ne reflète qu’un pari sur l’aide financière du gouvernement.

    Je pense que cette idée est une erreur.

    L’administration Obama a cédé devant les pressions politiques et les chiffons rouges agités par les grandes banques. Elle confond renflouage des banquiers et de leurs actionnaires avec renflouage des banques.

    Une restructuration offre l’occasion d’un nouveau départ pour les banques : les nouveaux investisseurs auront davantage confiance, les autres banques hésiteront moins à leur faire crédit et elle seront-elles mêmes plus enclines à prêter. Les détenteurs d’obligations ont tout à gagner d’une restructuration bien pensée et si la valeur des actifs est nettement plus élevée que les marchés (et les analystes) ne le pensent, ils engrangeront tôt ou tard les dividendes.

    Ce qui est toutefois clair, c’est que les coûts actuels et futurs de la stratégie de l’administration Obama sont très élevés − pour une stratégie qui n’a pas atteint l’objectif pourtant limité qui était la relance du crédit. Les contribuables ont dû avancer des milliards de dollars, et d’autres milliards sous forme de garanties − des factures qui devront être réglées un jour ou l’autre.

    Réécrire les règles de l’économie de marché − sous une forme qui a essentiellement profité à ceux qui ont provoqué cette crise économique mondiale − n’est pas simplement coûteux. Cette crise est profondément injuste pour la majorité des Américains, surtout après avoir constaté que les banques ont utilisé les milliards destinés à relancer le crédit pour s’octroyer des primes et des dividendes exorbitants. Déchirer le contrat social n’est pas quelque chose qui peut être fait à la légère.

    Cet ersatz de capitalisme, où les pertes sont collectivisées et les gains privatisés, est voué à l’échec. Les incitations sont perverties. Il n’y a plus de discipline de marchés. Les banques trop importantes pour faire faillite savent qu’elles peuvent parier en toute impunité et avec <st1:personname productid="la Réserve" w:st="on">la Réserve</st1:personname> fédérale américaine qui a ouvert les vannes du crédit à des taux d’intérêt proches de zéro, l’argent ne manque pas pour jouer.

    Certains ont qualifié ce nouveau régime économique de « socialisme avec des caractéristiques américaines ».Mais le socialisme se préoccupe des individus, alors que les Etats-Unis n’ont guère apporté d’aide aux millions d’Américains qui ont perdu leur maison. Les salariés qui perdent leur emploi ont droit à 39 semaines d’une allocation chômage limitée.

    L’Amérique a étendu sa protection aux entreprises à un niveau sans précédent −des banques commerciales aux banques d’investissement, puis aux assurances et aujourd’hui à l’industrie automobile − et ce n’est pas fini. En vérité, il ne s’agit pas de socialisme, mais de l’extension d’un Etat providence pour les entreprises qui existe depuis longtemps. Les riches et les puissants se tournent vers le gouvernement en cas de difficulté, tandis que les individus dans le besoin ne reçoivent pour ainsi dire aucune aide de l’Etat. Nous devons démanteler les banques trop importantes pour faire faillite .Il n’y a aucune raison de penser que ces mastodontes offrent des bénéfices pour la société proportionnels aux dommages qu’ils provoquent.

    Et si nous ne les démantelons pas, nous devons sérieusement limiter leurs activités. Il n’est plus possible que ces banques aient le droit de faire ce qu’elles faisaient auparavant : parier avec l’argent des autres.

    Ce qui soulève une autre question : ces banques trop importantes pour faire faillite et être restructurées sont trop puissantes au plan politique. Les pressions qu’elles ont exercées auprès de l’administration ont donné le résultat escompté, d’abord en faveur de la déréglementation, ensuite pour faire en sorte que ce soient les contribuables qui règlent l’addition. Leur espoir aujourd’hui est que cette stratégie leur permette à nouveau d’avoir les mains libres pour faire ce qui leur chante, quel que soit le coût pour les contribuables et l’économie. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser faire.

     

    Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, est professeur à l’université de Columbia.

    Cet article est publié en collaboration avec Project Syndicate.

     

    PS : du Blogmaster :

    M. Stiglitz n’est pas seulement un Universitaire (dans ces différents ouvrage et notamment en 2002 « la grande désillusion », il explique déjà ce que nous vivons actuellement), mais il a aussi était aux affaires (responsable des conseillers économiques de Clinton, vice président de <st1:personname productid="la Banque Mondiale" w:st="on"><st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> Mondiale</st1:personname>, etc….

    Sa vision a mon sens n’en à que plus de valeur.

    Le Titre de cet artcicle sur project syndicate est : ETATS-UNIS : LE SOCIALISME POUR LES RICHES
    Peut être encore plus explicite

     

    Stiglitz Joseph eugéne 

    A lire aussi :
    Banques : le moment est venu de réformer Hans-Werner Sinn
      


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