• Le dollar va-t-il se crasher? Eric Le Boucher

    Les économistes n'y croient pas. Mais il leur est déjà arrivé de se tromper...

    Grosses ventes de dollars la semaine passée sur les marchés de change. Et grosse inquiétude corrélative: la monnaie américaine peut-elle glisser puis, les opérateurs spéculant toujours dès lors qu'ils perçoivent un mouvement, peut-elle décrocher et filer vers l'abîme?

    Répondons d'entrée: il y a très peu de chances mais ce n'est pas impossible quand même. Très peu de chance parce que les grandes autorités monétaires ont dit qu'elles souhaitent une stabilité des monnaies. Jean-Claude Trichet, le président de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> centrale européenne (BCE), pour la première fois, a élevé le ton: les banques centrales ne resteront pas inactives. Très peu de chances, surtout, parce que 65% des réserves mondiales de change sont en dollars (contre 25% en euros et 3% en yens) et qu'une chute du billet vert appauvrirait beaucoup de monde à commencer par <st1:personname productid="la Chine." w:st="on">la Chine.</st1:personname>

    <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">La Banque</st1:personname> de Chine détient 2 000 milliards de dollars, une dévaluation de 10% coûterait à Pékin 200 milliards de dollars: une paille de riz! Encourager le recul de la monnaie américaine n'est donc pas du tout dans l'intention chinoise. La stratégie de Pékin, autant qu'on puisse la deviner, est plutôt de laisser le yuan glisser avec le dollar dans une chute lente (la réévaluation du yuan a été stoppée depuis juillet) mais en parallèle de diversifier progressivement ses réserves. Cela prendra un peu de temps mais on a observé en lisant les statistiques du FMI (Fonds monétaire international) qu'au deuxième trimestre les banques centrales du monde entier ont accumulé 100 milliards de réserves supplémentaires dont 40% seulement en dollars et 50% en euros. En clair, c'est parti! <st1:personname productid="La Chine" w:st="on">La Chine</st1:personname> accumule sûrement beaucoup d'euros et délaisse le billet vert.

    Côté américain, le discours officiel de <st1:personname productid="la Maison-Blanche" w:st="on">la Maison-Blanche</st1:personname> est de moins en moins crédible. Selon tous les communiqués et ce depuis 14 ans: le gouvernement américain est «pour un dollar fort». Larry Summers, conseiller économique et Tim Geithner, le secrétaire au Trésor d'Obama, l'ont encore répété il y a quelques jours. Ce discours a toutes les raisons d'être mis en doute. Les pressions des industriels sont fortes pour que l'administration «laisse filer» si elle veut  parvenir à réaliser le souhait présidentiel de «réindustrialiser» l'Amérique, de favoriser sa compétitivité et rétablir un équilibre commercial.

    Dans les mois qui viennent, la question est simple: ce mouvement qu'on peut appeler «la baisse orchestrée du dollar» est-il contrôlable par les Chinois et les Américains? Bien entendu, le G20 de Pittsburgh s'est bien gardé de discuter de ce sujet brûlant mais il aurait dû plutôt que de le laisser au G2, Washington-Pékin.

    Les raisons qui plaident pour une baisse du dollar sont bien connues depuis dix ans. Elles sont lourdes. Les Etats-Unis continuent d'importer massivement de l'épargne mondiale ce qui affaiblit leur monnaie. Auparavant, c'étaient les ménages qui s'endettaient, aujourd'hui, avec la crise, c'est l'Etat fédéral: le déficit budgétaire va frôler les 1 500 milliards de dollars cette année (soit 9,9% du PIB contre 3,2% en 2008). Quant au déficit commercial, il s'est réduit mais uniquement à cause de la baisse du prix du pétrole. La crise n'a rien résolu sur ces déséquilibres structurels. Depuis début mars, le dollar a perdu 12% face à un panier des principales devises.

    Cette faiblesse met le billet vert en position de décrochage permanent. Il en suffit de peu. Le mouvement s'est accéléré la semaine passée parce que <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque centrale d'Australie a relevé ses taux par surprise, ce qui a fait comprendre aux marchés que la reprise n'avait pas partout la même intensité et que les politiques monétaires allaient se désynchroniser. Les petits pays, ceux qui sont les plus sensibles à l'inflation, changent de direction et décident d'abandonner les politiques «accommodantes» (favorables à la reprise). Ils remontent leurs taux. Première conséquence: les marchés vont pouvoir s'amuser à nouveau, emprunter là où les taux sont faibles pour placer là où ils sont supérieurs. C'est le «carry trade», il est reparti comme avant crise.</st1:personname>

    Deuxième conséquence: les marchés réexaminent les situations des trois grandes économies, Etats-Unis, Europe, Japon. Quel sera le premier à durcir sa politique monétaire? Une petite modification des taux directeurs de <st1:personname productid="la Fed" w:st="on">la Fed</st1:personname>, <st1:personname productid="la BCE" w:st="on">la BCE</st1:personname> ou <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> du Japon peut entraîner des flux gigantesques de basculement des opérateurs. Or, Aux Etats-Unis, le président de <st1:personname productid="la Fed" w:st="on">la Fed</st1:personname> de New-York, William Dudley, a prononcé le mot «déflation» ce qui signifie que la banque centrale américaine pourrait conserver plus longtemps une politique «accommodante» de taux bas. Cela a suffit pour que les marchés concluent que la détention de Bonds du Trésor américain portera longtemps un faible intérêt (actuellement entre 0% et 0,25%, contre 0,1% au Japon et 1% en Europe).

    Alors à quand le dérapage du dollar? Les économistes n'y croient pas. «La baisse du dollar n'est pas inquiétante», écrit Exane BNP Paribas. En général, les pronostics sont une très légère baisse du billet (à 1,50 dollar pour 1 euro) avant qu'il ne remonte dans un an (à 1,45), au fur et à mesure que la reprise se solidifiera. Regardez, disent les économistes de change, l'appétit pour le dollar continue, les ventes de T-Bonds ne soulèvent aucune difficulté, les taux sur les marchés américains sont bas. L'argument implicite est celui-ci: «où mettre ailleurs son argent?» On ne remplace pas si facilement l'Amérique, première économie mondiale, place large et sécurisée. C'est vrai.

    Et pourtant le dollar baisse...

    Eric Le Boucher

    La débâcle du dollar serait un désastre pour la planète

     La Chine et ses dollars Kenneth Rogoff 

    Des déséquilibres à corriger ( un des points qui a provoqués la crise )  


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