• Le retour des bonus embarrasse l'administration Obama ( mais ils se battent)

    Un juge fédéral américain met en cause les primes versées par la banque d'affaires Merrill Lynch Les plus hauts salaires dans les sociétés renflouées vont être soumis d'ici deux mois à un contrôle public


    New York Correspondant

     

    Les dirigeants des banques sont-ils " des fantômes ou des êtres humains " ? En posant cette question mordante, lundi 10 août, le juge fédéral Jed Rakoff, connu dans le milieu juridique new-yorkais pour sa carrière " exemplaire ", a jeté un froid tant du côté des grands banquiers que de celui des pouvoirs publics américains.

    A l'automne 2008, la banque d'affaires Merrill Lynch, qui enregistrait 28 milliards de dollars (19,8 milliards d'euros) de pertes, est reprise par Bank of America (BofA). Le rachat est soumis au vote des actionnaires. Petit détail : les informations qui leur sont remises omettent de signaler le versement à la dernière minute de 3,6 milliards de dollars de " bonus " (primes) aux cadres dirigeants de Merrill.

    Depuis, <st1:personname productid="la Securities" w:st="on">la Securities</st1:personname> & Exchange Commission (SEC), le contrôleur des marchés financiers, a porté plainte. BofA et sa filiale Merrill ont négocié avec elle un accord à l'amiable. Il prévoit qu'elles paieront une amende de 33 millions de dollars. <st1:personname productid="La SEC" w:st="on">La SEC</st1:personname> a accepté qu'aucune poursuite ne soit engagée contre les dirigeants des deux banques. D'où la question du juge Rakoff : comment accepter que les auteurs du délit de dissimulation d'une information légalement obligatoire ne soient pas connus ? Ce ne sont pas " des fantômes "... " Qui est responsable ? ", a demandé le juge, qui a refusé de donner, pour l'instant, son aval à l'accord SEC-BofA-Merrill.

    Il a nommément évoqué les deux PDG qui ont négocié le rachat, John Thain et Kenneth Lewis, sur le mode : suivez mon regard. Durant l'audience, le juge s'est souvent montré caustique, feignant une connaissance limitée des milieux financiers pour poser des questions faussement naïves. Lorsque l'on perd 28 milliards, à Wall Street, " on s'attend encore à percevoir de grosses primes ", n'est-ce pas ? Pourquoi une amende équivalente à moins de 1 % du montant sur lequel porte le délit (33 millions pour 3,6 milliards de primes distribuées) ? Le juge se dit " troublé " par une telle générosité de <st1:personname productid="La SEC" w:st="on">la SEC</st1:personname> envers ceux contre qui elle dépose plainte.

    Lorsque l'avocat de Bank of America (BofA), Lewis Liman, rappelle que les 850 millions de dollars distribués à 696 cadres dirigeants correspondaient à des engagements contractuels, et que le reste a été réparti entre 39 000 salariés, soit une moyenne de 91 000 dollars par personne " seulement ", le juge fédéral Jed Rakoff rétorque : " Je suis heureux que vous estimiez que 91 000 dollars sont une petite somme. Ah, si chaque Américain pouvait en gagner autant ! " Penaud, l'avocat admet que c'est là " beaucoup d'argent " pour la plupart de ses concitoyens.

    Enfin, lorsque les avocats des banques expliquent que, sur le plan comptable, ces bonus ne sont pas tributaires des sommes versées par l'Etat pour renflouer BofA (45 milliards de dollars au total), le juge aimerait comprendre : " Si Merrill Lynch n'avait pas payé ces 3,6 milliards - de bonus - , aurait-il eu 3,6 milliards de pertes en moins ", oui ou non ?

    Qu'un juge refuse d'avaliser un accord amiable entre une agence fédérale et une entreprise est rarissime. Cela montre que, malgré les bons résultats affichés par quelques grands établissements au dernier trimestre, l'assainissement des pratiques financières reste une préoccupation de premier ordre dans l'opinion.

    Complaisance

    Dans la décision du juge Rakoff, chacun en prend pour son grade. Il a donné à Bank of America deux semaines pour lui fournir le complément d'information. Il veut savoir qui a " trompé les actionnaires " avant de se prononcer. <st1:personname productid="La SEC" w:st="on">La SEC</st1:personname>, le contrôleur américain des marchés financiers, est aussi visée : l'accord amiable qu'elle a signé " manque de transparence ".

    Mary Schapiro, sa directrice, nommée par Barack Obama, entend reconstruire l'image très dégradée du gendarme des marchés. Accusée de complaisance avec Wall Street (envers les pratiques à haut risque des traders, envers l'escroc Bernard Madoff...), <st1:personname productid="La SEC" w:st="on">la SEC</st1:personname> a sauvé sa tête en promettant une réorganisation en profondeur. Mme Schapiro a embauché de nombreux juristes spécialisés pour muscler ses équipes et montrer qu'elle pourchassera obstinément les pratiques condamnables.

    Pour elle, la décision du juge Rakoff tombe mal : la mansuétude dont elle a fait preuve vis-à-vis de BofA accrédite l'idée qu'au fond, <st1:personname productid="La SEC" w:st="on">la SEC</st1:personname> se soucie toujours plus de protéger les banquiers que de les contrôler.

    En replaçant sous les projecteurs le thème des bonus et des rémunérations des dirigeants d'entreprises, l'affaire tombe d'autant plus mal que, jeudi 13 août, les sept plus importantes sociétés renflouées par l'Etat doivent présenter leur nouvelle politique de rémunérations à Kenneth Feinberg, le grand ordonnateur (" czar ", ou tsar) des rémunérations désigné par Barack Obama.

    Le processus d'audit que mène ce dernier a été qualifié d'" opaque " par le Washington Post et les décisions qu'il prendra d'" extrêmement sensibles politiquement ".

    Depuis le tollé suscité en mars par le versement de 165 millions de dollars de primes aux cadres de l'assureur AIG, qui a reçu plus de 170 milliards d'aide publique, l'administration Obama paraît naviguer entre la volonté de restructurer au mieux les entreprises renflouées pour les reprivatiser au plus tôt - et donc leur permettre de garder leurs meilleurs cadres en les payant au prix fort - et celle de répondre aux attentes de l'opinion qui, à chaque nouvelle affaire, s'indigne de la taille des émoluments contractuellement garantis aux dirigeants, quels que soient leurs résultats.

    M. Feinberg, a indiqué le Trésor, devra veiller " au juste équilibre entre le besoin des entreprises de garder leurs talents, la récompense de la performance et la protection des investissements des contribuables - l'argent public du renflouement - ".

    Faut-il préserver les " primes garanties " dans ces sept sociétés ? Dans quelle mesure les émoluments des dirigeants dépendront-ils des résultats de l'entreprise, et sur quelle durée ? Faut-il plafonner le total des primes individuelles ? M. Feinberg devra trancher sur ces questions et bien d'autres.

    " Mission impossible "

    Il lui sera très difficile d'imposer aux entreprises renflouées des normes salariales trop inférieures à celles en vigueur sur le marché, au risque de voir leurs plus brillants cadres vite débauchés. Mais si aucune mesure drastique en termes d'émoluments ne vient réduire à l'avenir la prise de risque, l'opinion estimera que rien n'a changé.

    Conseiller aux rémunérations de plusieurs grandes banques, le juriste Robert Profusek a affirmé au Washington Post que la tâche de M. Feinberg, " c'est mission impossible ". Banque renflouée, BofA a récemment " piqué " à JPMorgan Chase l'un de ses traders vétérans en lui garantissant 6 millions de dollars annuels minimum : le double de ce qu'il gagnait jusqu'ici...

    Sylvain Cypel

     

    C’est pas gagné, mais la bas au moins il existe des personnes qui ont encore le sens des « choses » . Souhaitons leur bon courage et surtout bonne chance, et pour nous qu’ils gagnent, sinon faudra faire la révolution.
    Chez nous j’aimerais voir des « juges, politiques, etc… » qui se battent contre ces pratiques. Jusqu’à preuve du contraire nous n’avons que de belles paroles.

     


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