• Rémunération des dirigeants : timide, trop timide AMF, Pierre-Henri Leroy président de Proxinvest

    Rémunération des dirigeants : timide, trop timide AMF

    L'Autorité des marchés financiers constate, dans un rapport de 55 pages, que les groupes français prennent leurs aises avec les règles de rémunération qu'ils se sont tous engagés à respecter en 2008. Mais de là à les sanctionner, il y a un pas que le régulateur n'a pas l'air prêt à franchir.

    En 2004, lors du premier rapport de l'AMF sur le gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, on s'étonnait de la partialité de ce travail : sa seule référence en matière de standards de place était alors constituée des recommandations Afep-Medef et des notes du comité juridique de l'Association nationale des sociétés par actions, documents fort utiles et respectables, mais qui ne représentent que la sensibilité des seuls émetteurs? Comme si les investisseurs et leurs représentants n'existaient pas, comme si leurs organisations s'étaient abstenues de toute recommandation en la matière.

    La même remarque s'imposerait-elle aujourd'hui à la lecture du rapport AMF, publié le 9 juillet, sur la rémunération des dirigeants consacré exclusivement à la mise en ?uvre des recommandations Afep-Medef de 2008 ?

    L'objectif des recommandations patronales, pleines de bons sentiments, était surtout d'éviter que la politique n'intervienne de façon autoritaire dans la fixation des rémunérations. Et nul ne s'attendait à ce que les patrons les mieux payés de France encouragent à la réduction des rémunérations et dénoncent véritablement les abus.

    On pouvait déplorer que ces derniers aient oublié la responsabilité des commissaires aux comptes dans la publication de chiffres incomplets et plus encore le rôle des actionnaires dans la supervision finale des éléments de rémunérations? À défaut de s'en remettre aux vrais responsables des abus, l'organisation patronale avait publié un catalogue de bonnes intentions de style incantatoire, qui ne facilitait aucunement la tâche de contrôle que s'est aujourd'hui assignée le régulateur.

    Pourtant, ce rapport de 55 pages de l'AMF, document essentiellement statistique, sur le comportement des grandes sociétés cotées, n'est pas sans intérêt. En effet, ces soixante sociétés ayant déclaré appliquer le code Afep-Medef sous la certification de leurs auditeurs, c'est au titre du contrôle du « respect du code » que l'AMF justifie aujourd'hui la démarche. Dès lors, cela implique que les nombreux manquements observés par ce rapport sont autant d'écarts individuels relevés par le gendarme de <st1:personname productid="la Bourse" w:st="on">la Bourse</st1:personname> quant à l'intégrité de l'information.

    Les écarts quant aux engagements proclamés sont nombreux : ainsi 40 % des soixante sociétés n'exigent pas de conditions de performance sur leurs options, alors même que le code prévoit que l'exercice des options attribuées aux dirigeants soit soumis à des conditions de performance ou à défaut justifié dans le document de référence?

    7 % des sociétés concernées par la question du cumul du contrat de travail et du mandat ne donnent aucune information sur la politique arrêtée.

    12 % des sociétés donnent plus de deux ans d'indemnité de départ et 9 % des sociétés n'évaluent la performance pour les indemnités de départ que sur un exercice.

    7 % des sociétés n'informent pas sur le calcul des retraites, 40 % ne les soumettent pas à une condition de présence dans l'entreprise et 30 % calculent ces prestations sur une assiette de moins de deux ans.

    Aucune des grandes sociétés ainsi prises en flagrant délit de communication défectueuse n'est citée individuellement, et la question des suites qu'apportera le gendarme à tous les manquements relevés se pose ? s'il en apporte jamais?

    L'AMF livre des chiffres de rémunération moyenne dont la valeur statistique reste faible : rappelons que le régulateur avait abandonné l'application de ses propres recommandations de 1994, exigeant la publication des dix premières rémunérations versées. Il conviendra d'y revenir afin que la place dispose d'une base statistique claire sur la rémunération moyenne du premier dirigeant exécutif et des dix premiers salariés des groupes.

    Au-delà de ses constats sur la transparence, l'AMF, qui entend heureusement « encourager la modération », « mettre un terme aux abus », entre alors discrètement dans le fond du sujet, au risque de faire jurisprudence sur une matière très difficile à réglementer.

    Dans sa piste de réflexion n° 1, l'AMF suggère à l'organisation patronale d'être plus précise sur les conditions de performance qui doivent être « plus exigeantes » et sur le caractère « moins disproportionné » de la répartition des options? Mais l'AMF admet complaisamment la pleine recevabilité de critères de performance qualitatifs, « tout à fait légitimes », même s'ils restent confidentiels, pour la détermination de la partie variable de la rémunération.

    L'AMF propose, dans sa piste de réflexion n° 2, aux sociétés d'interdire dans leurs statuts le recours des dirigeants à des instruments de couverture : une telle interdiction est directement du ressort des opérations de marché que seule la puissance publique peut réglementer et contrôler. Quand donc nos régulateurs accepteront-ils de mieux réglementer les opérations d'initiés ?

    La piste de réflexion n° 3 s'intéresse au cas rare des dirigeants d'entreprise cotée filiale d'entreprise cotée, cas qui est celui du président d'une grande entreprise automobile française peu disert sur sa rémunération : c'est une bonne chose, et il y a lieu d'interpeller les sociétés et les commissaires aux comptes sur l'application de notre procédure des conventions réglementées.

    Saluons sur ce point la recommandation n° 4 qui vise les présidents non exécutifs, ceux qui, de par leur responsabilité sur la gouvernance, eussent dû faire voter leur propre rémunération, soit comme conventions réglementées, soit comme jeton de présence. Rappelons que trois grandes sociétés, Total, Sanofi-Aventis et Capgemini, ont préféré cette année ne pas respecter la loi et ne pas recevoir la proposition de mise au vote de leur rémunération. Nos présidents auraient-ils honte de leurs émoluments ?

    Enfin, « in cauda deliciae », le meilleur est à la fin : c'est auprès de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> européenne que la recommandation n° 5 de l'AMF vient trouver la force de proposer, si les patrons français le veulent bien, d'intégrer dans le code les critères de performance de long terme, le paiement différé d'une partie du variable et l'exclusion de ce variable de l'assiette de l'indemnité de départ. Mieux, l'AMF, c'était vraiment inespéré, évoque, sous couvert de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname>, un rôle possible pour les actionnaires dans le processus?

    Merci donc à l'AMF pour ce parfait exercice de « soft law »? Mais au regard de l'indignation qu'inspirent les détournements de fonds de dirigeants peu scrupuleux, il ne faudra pas se contenter de donner aux patrons la statistique de leurs manquements à leurs propres règles. Il conviendra de sanctionner les manquements à l'intégrité de l'information, de faire resserrer le dispositif des conventions réglementées et d'appeler alors les actionnaires à leurs devoirs. n

    point de vue Pierre-Henri Leroy président de Proxinvest, société de services aux actionnaires

    Et pourtant c’est un patron qui le dit.

    Il nous amuse et l’Etat la dedans rien (Rappelons qu’il y a peu M. Jouyet, patron de l’AMF était un des membres du gouvernement en tant que conseiller du Président).

    Je vous le répète le pouvoir actionnarial.
    Enfin une mesure contre la démesure de la finance, le SLAM !
    Pourquoi on peut tout dire sauf s’attaquer au pouvoir actionnarial ? 

    Vous si vous manquez au règle vous croyez qu’on fait quoi ?.

    J’ai mis six mois, pour arriver à convaincre (un peu) Mme Sophie de Menton présidente d’Ethic sur ce point, elle à fini par démissionner. Mais combien reste à faire.


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