• Sans la Chine, point de salut

    Sans la Chine, point de salut

    Il y a deux ans à peine, lorsque l'on évoquait en France l'absolue nécessité d'intégrer la Chine au coeur de la gouvernance mondiale, on ne rencontrait, dans le meilleur des cas, qu'un intérêt poli, le plus souvent teinté d'un brin de condescendance. " Grâce " à la crise, on a enfin compris que la Chine constituait - avec, mais à un moindre degré, le Brésil et l'Inde - un point de passage obligé de la reprise de la croissance mondiale.

    Si l'on veut se projeter dans l'avenir des relations franco-chinoises, il faut commencer par faire siennes trois certitudes : la Chine représentait, en 1820, 40 % du PIB mondial : bien plus que ce que représentent les Etats-Unis aujourd'hui - et la Chine n'a pas oublié cette antique splendeur - ; le dollar, monnaie mondiale, ne se maintient à son niveau actuel que parce que la Chine accepte d'investir ses 2 500 milliards de dollars de réserve de change majoritairement - mais de manière précaire, compte tenu de l'état des comptes publics américains - en bons du Trésor émis par l'Oncle Sam.

    Les plus grandes entreprises françaises voient leur avenir indissolublement lié au bon vouloir des autorités chinoises, qui contrôlent à la fois les usines les plus performantes, en termes de rapport qualité/prix, et le marché intérieur qui, à l'échelle mondiale, croît le plus rapidement.

    Si l'on accepte ces trois incontournables prémisses, le choix est vite fait. Il faut le plus vite possible tourner le dos à ce qui constitue aujourd'hui la pensée " politiquement correcte " dans nos élites hexagonales, qui sont passées, plus nolens que volens, de l'indifférence à la méfiance. Il faut donc cesser de considérer que la Chine n'a pour seul objectif que de nous inonder de tee-shirts, de nous voler nos technologies et, crise aidant, de nous racheter à vil prix les fleurons de notre CAC 40. A cette stratégie de la défiance, il faut substituer une stratégie de la confiance " bien comprise " (qui, comme la charité, commence par elle-même...).

    Il n'y a rien à attendre de l'Europe dans ce domaine. Incapable de structurer une véritable politique économique commune, comme l'ont, une fois de plus, démontré les atermoiements qui ont présidé à la gestion de la crise grecque, l'Europe est incapable, à 27, de nourrir un dialogue constructif avec aucune des deux seules véritables puissances mondiales, les Etats-Unis (comme en témoignent les stériles débats qui opposent nos deux continents sur la gouvernance financière) et la Chine.

    Une certaine influence

    La France doit donc, plus que jamais, se doter d'une stratégie autonome vis-à-vis de la Chine. La France ne représente que peu de chose aujourd'hui pour la Chine : des produits de luxe, une compétence reconnue dans certaines industries considérées comme stratégiques (nucléaire, aéronautique...), une certaine influence (à défaut d'une influence certaine) sur quelques négociations internationales (climat, droits de l'homme...). Rien de plus. Mais aussi rien de moins. A nous de nous servir de ces avantages comparatifs pour faire de la Chine, sinon un véritable partenaire, au moins un allié.

    Dans ce registre, il est trois mesures qui pourraient nous permettre de renforcer rapidement et durablement nos relations avec la Chine. Commençons par accepter - sans pour cela céder à l'irénisme - d'opérer des transferts de technologie dans les industries qui comptent aux yeux des dirigeants chinois (aéronautique, défense - comme nous sommes en train de le faire avec la Russie -, banque - pour faire pièce aux offensives anglo-saxonnes dans ce domaine -, mécanique au sens large - pour contrer les ambitions allemandes dans ce domaine...)

    En deuxième lieu, misons gros sur l'éducation. Nos étudiants ont autant besoin de s'ouvrir à la Chine que les étudiants chinois ont de besoins en formation extérieure. Cessons, dans ce domaine, de vendre nos diplômes, afin d'organiser un véritable " échange de cerveaux ". Enfin, troisième piste, plus " vernaculaire " : pourquoi ne décentraliserions-nous pas notre coopération avec la Chine ?

    Nos régions, en mal de projets internationaux crédibles, ne pourraient-elles pas s'associer de manière opérationnelle avec certaines régions chinoises afin de nouer des partenariats qui ne soient pas seulement culturels ?

    Voici trois pistes de réflexion - et surtout d'action - qui pourraient permettre à la France de densifier ses relations avec ce nouvel empire que constitue la Chine. A la veille du G20 de Toronto, qui doit définir une nouvelle " feuille de route " pour la gouvernance mondiale, n'est-il pas temps d'intensifier nos relations avec un pays dont dépend plus que jamais la future croissance mondiale ? On peut balayer cet argument d'un revers de main, en considérant que nous resterons ad vitam aeternam le centre du monde. C'est vous qui voyez...

    Olivier Pastré

    Professeur d'économie à l'université Paris-VIII


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