• Au Japon, la déflation donne lieu à une guerre des prix sans pitié chez les commerçants

    Au Japon, la déflation donne lieu à une guerre des prix sans pitié chez les commerçants

    Textile et alimentation sont tirés vers le bas sans que cela provoque une relance de la consommation ni une amélioration de la productivité


    Tokyo Correspondant

                La déflation qui s'est à nouveau installée au Japon s'accompagne d'une surenchère d'offres toutes plus alléchantes les unes que les autres de la part des distributeurs et des restaurateurs. L'indice des prix à la consommation a reculé de 1,3 % en décembre 2009 et sur un an, ce pour le neuvième mois consécutif. En cause, une consommation à un niveau tel que le différentiel entre la demande et l'offre potentielle était, fin 2009, à - 7 % (contre une fourchette de - 3 % à - 4 % en Europe et aux Etats-Unis). Le retour de la déflation intervient alors que l'Archipel avait déjà rencontré des difficultés pour se sortir d'une situation similaire de 2001 à 2007.

    Dans ce contexte, il n'est guère surprenant de voir que les consommateurs continuent à fréquenter les bazars " tout à 100 yens " (81 centimes d'euro) ; que la chaîne de vêtements Uniqlo propose des jeans à 990 yens (8 euros) ; que le magasin de l'enseigne américaine de vêtements bon marché Forever21 ne désemplit pas et que des distributeurs commercialisent des pulls à 99 yens (0,80 euro).

    Mais c'est l'alimentaire qui illustre de manière la plus spectaculaire l'intensité de cette guerre des prix, notamment sur le créneau du très symbolique " gyudon  ", des bols de riz couverts de viande de boeuf coupée en tranche fine et cuite dans une sauce spéciale. Ce plat extrêmement populaire, l'un des équivalents local du hamburger américain, est préparé en moins d'une minute et avalé en moyenne en 7 minutes 30 dans l'un des restaurants des trois grandes chaînes qui se partagent le marché : Yoshinoya, Sukiya et Matsuya. Chaque restaurant peut servir jusqu'à 3 000 clients chaque jour.

    Depuis décembre, les trois enseignes jouent la surenchère. L'offensive a été lancée par la plus petite des trois, Matsuya, qui a fait passer son gyudon de 380 à 320 yens. Le leader Sukiya a suivi en janvier, en amenant le sien à 280 yens contre 330. Puis ce fut le tour de Yoshinoya d'afficher 300 yens le gyudon, contre 380 yens auparavant. De quoi faire passer McDonald's et son hamburger à 400 yens pour un restaurant de luxe.

    Un acharnement risqué

    Tout cela avec l'objectif de fidéliser une clientèle essentiellement composée de " salarymen ". Et surtout de s'imposer sur un marché très concurrentiel. En décembre, après la décision de Sukiya de baisser ses prix, Yoshinoya - enseigne créée en 1899 et pionnière sur ce marché - a vu ses ventes plonger de 22,2 %. Un acharnement considéré comme suicidaire par certains. " Les entreprises feraient mieux de se montrer créatives, de proposer des produits à valeur ajoutée ", estimait, dans le New York Times, Masamitsu Sakurai, président du fabricant de produits bureautiques Ricoh et de l'organisation patronale Keizai Doyukai.

    L'économie pourrait profiter d'une baisse des prix si elle était la conséquence d'une amélioration de la productivité. Mais ce n'est pas le cas au Japon et le retour de l'inflation passe notamment par une relance de la consommation. Le gouvernement du premier ministre, Yukio Hatoyama, en a fait une priorité, malgré les contraintes budgétaires, avec sa politique de distribution d'allocations multiples.

    Il attend également beaucoup de la Banque du Japon (BoJ). En mars 2001, quand le gouvernement avait reconnu que le pays était en déflation, la BoJ avait opté pour la politique dite d'" assouplissement quantitatif ", marquée par un taux directeur à zéro. Cette politique avait eu des effets positifs. Or, en 2010, le taux directeur est à 0,1 % et les leviers sur lesquels pourrait jouer la BoJ paraissent beaucoup plus limités qu'il y a neuf ans.

    Philippe Mesmer

    La consommation en berne

    Produit intérieur brut Le Japon a connu une récession de 5,3 % en 2009. Les prévisions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) font état d'un retour de la croissance en 2010 (+ 1,8 %) et d'une consolidation en 2011 (+ 2 %).
    Consommation privée Les dépenses ont reculé de 0,7 % sur un an, en 2009. Selon l'OCDE, cet indice redeviendra positif en 2010, à + 1,2 %, et le restera en 2011 (+ 1,2 %).
    Prix à la consommation En 2009, cet indice était en recul de 1,4 % par rapport à 2008.

    Encore la deuxième économie du monde pour quelque temps, la voila de nouveau en déflation. Beaucoup d’économiste pense que c’est un des modèles possibles pour la sortie de crise sans trop de « dommage collatéraux ». Un changement de mode de vie certainement.


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