• Ecureuil: les alertes de la Commission bancaire que personne n'a voulu entendre

    Ecureuil: les alertes de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire que personne n'a voulu entendre

    12 Novembre 2009 Par Laurent Mauduit  

    Mais que diable les autorités de tutelle des marchés ont-elles fait pendant toutes ces années ? Pourquoi diable le gendarme des banques qu'est <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire n'est-il pas intervenu de manière énergique, si les Caisses d'épargne, comme nous l'avons vu au cours de notre épisode précédent, ont perdu 751 millions d'euros en octobre 2008 non pas du fait d'un malencontreux « incident de marché » mais du fait d'une cascade de dysfonctionnements ? Le plus étrange dans notre histoire, c'est que le gendarme a précisément fait son office. Il a sifflé les infractions à chaque fois qu'il a vu la banque en commettre. Mais cela s'est passé comme cela se passe si souvent en France – à la différence du système américain – de manière discrète, sans qu'il en soit fait la moindre publicité.

     Cette histoire des relations entre les Caisses d'épargne et <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, à la fois secrètes et tumultueuses, nous avons essayé de la reconstituer. Pour chercher à comprendre ce paradoxe : pourquoi cette perte des 751 millions d'euros est-elle survenue précisément dans l'une des banques les plus contrôlées en France, placée presque continûment sous surveillance depuis plusieurs années ? Lourde question qu'il est évidemment important de cerner pour essayer de comprendre certaines des caractéristiques françaises de la crise financière.

     Le premier des contrôles en ces années 2000, c'est donc celui dont nous avons déjà parlé lors de notre épisode précédent, résultant de la procédure de griefs lancée par <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire en 2005. Au beau milieu de l'été de cette année-là, le patron des Caisses d'épargne, Charles Milhaud, reçoit une lettre en date du 29 juillet (qui n'avait jamais été rendue publique à ce jour et que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous) signée par Hervé Hannoun, l'ex-directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy à Bercy puis à Matignon, à l'époque vice-gouverneur de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France et patron de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire.

    C'est une lettre sèche, presque brutale, qui informe sans ménagement le président du directoire de la banque qu'une « procédure disciplinaire à l'encontre de <st1:personname productid="la Caisse" w:st="on">la Caisse</st1:personname> nationale des Caisses d'épargne (CNCE) » a été ouverte par <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire. « Plusieurs faits » constatés par une inspection de cette institution placée sous la tutelle de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France, poursuit la missive, « seraient susceptibles, s'ils étaient établis, de constituer des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables » qui font obligation aux groupes bancaires « d'assurer un pilotage consolidé des principaux risques financiers précis et fondé sur un contrôle interne convenablement organisé ».

    Suivent dix pages d'énoncés des griefs que <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a retenus contre la banque. Tout y passe: « Il ressort du rapport d'Inspection que <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> ne disposerait pas d'outils fiables permettant de mesurer et de suivre les risques financiers sur base consolidée tes que prévus par les dispositions du règlement (...) En particulier, les contrôles de certains états prudentiels consolidés seraient insuffisants (...) Le système d'information ne permettrait pas de centraliser une information exhaustive et fiable sur les risques consolidés. La surveillance sur base consolidée des risques de crédit serait défaillante dans la mesure où les outils de mesure et de centralisation des risques seraient insuffisants et les données remontées des entités, essentiellement déclaratives, seraient incomplètes. La qualité des engagements apparaîtrait insuffisamment suivie, compte tenu de l'absence d'alerte et d'actualisation récente de la liste des engagements sous surveillance et de réunions trop peu fréquentes des comités chargés de cette mission. »

     Dans la vie bancaire française, le fait est sans précédent. Des petites banques exotiques ont déjà été mises en cause pour des dysfonctionnements aussi graves. Mais une grande banque de la place, jamais. Pour les Caisses d'épargne, c'est donc une terrible menace. Si cela vient à se savoir, cela risque de mettre en cause la réputation de la banque. En résumé, comme le dit peu après une note confidentielle de la direction de la banque, les griefs sont les suivants : « -les contrôles de certains états prudentiels consolidés transmis au régulateur seraient insuffisants ; -le système d'information ne permettrait pas de centraliser une information exhaustive et fiable sur les risques consolidés ; -la surveillance sur base consolidée des risques de crédit serait défaillante ; -la qualité des engagements apparaîtrait insuffisamment suivie ; -en matière de risques consolidés de marché, <st1:personname productid="la Direction" w:st="on">la Direction</st1:personname> des Risques Groupe (DRG) ne disposerait d'aucune remontée automatisée et sécurisée d'information, ni d'un scénario de crise ; - en outre le système de mesure du risque de taux d'intérêt global serait incomplet ; - enfin, le système de surveillance et de maîtrise des risques serait incomplet : dispositif de limites non exhaustif, insuffisance du suivi des limites, délais excessifs de remontée des informations qui sont, par ailleurs, de mauvaise qualité, absence de tableau. »

    Dans un premier temps, l'espoir de Charles Milhaud est donc que l'affaire ne soit pas ébruitée. Mais pas de chance ! A la fin de l'été, des premières fuites dans la presse évoquent l'affaire. La lettre de griefs n'est pas rendue publique – jusqu'à ce jour, elle ne l'avait jamais été ; mais quelques médias apprennent le lancement de cette procédure disciplinaire.

    Changement donc de tactique. En priorité, le patron de la banque cherche à minimiser l'affaire. Dans un mail adressé le 6 septembre 2005 à 19h46 à tous les patrons des Caisses régionales et aux présidents des conseils d'orientation et de surveillance, il cherche à convaincre que le séisme qui se profile n'en est pas un. « Le contenu du rapport ne révèle aucun risque avéré ni de dégradation de la solidité financière du groupe », assure le président du directoire, qui ajoute : « Ce rapport repose sur une observation de la situation prévalant à la fin 2004 et ne tient pas compte des améliorations réalisées avec votre concours au cours du 1er semestre 2005. »

    Dans les sommets de la banque, pourtant, le ton apaisant du président du directoire ne trompe personne. D'autant que, très vite, une autre information circule de bureau en bureau à la même époque : par lettre également en date du 29 juillet précédent, adressée à <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> mais aussi à sa filiale <st1:personname productid="la Banque Palatine" w:st="on">la Banque Palatine</st1:personname> ainsi qu'à treize Caisses d'épargne, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a fait savoir qu'elle envisageait d'adresser à toutes ces sociétés une injonction pour leur demander d'élaborer avant le 31 décembre 2005 un dispositif d'analyse commun de mesure, d'encadrement et de contrôle des risques sur le segment des PME dites « structurées » (celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 15 millions d'euros) dont la mise en place, dans les entités concernées, devra être effective avant le 31 mars 2006.

     Même si la première procédure est beaucoup plus lourde et grave que la seconde, chacun comprend que les Caisses d'épargne sont désormais dans la ligne de mire de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire et y resteront longtemps. La banque est donc dans l'obligation de passer sous les fourches caudines de la procédure disciplinaire. Une procédure longue et un tantinet humiliante. Mais par chance pour Charles Milhaud, la procédure restera tout au long des mois suivants confidentielle. Quelques fuites dans la presse interviendront de proche en proche, mais sans jamais que le détail des griefs puis celui de la sanction de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, avec ses attendus, ne soient mis sur la place publique.

    Le 29 novembre 2005, la direction des Caisses d'épargne achève ainsi un mémoire pour présenter à <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire sa défense (on peut le lire ou télécharger ci-dessous – comme le document est volumineux, nous l'avons découpé en trois parties). Le ton est toujours un peu à la dénégation, mais on sent un très net infléchissement : la banque jure ses grands dieux à <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire qu'elle va s'amender et améliorer ses procédures si gravement défaillantes. « <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">La CNCE</st1:personname>, assure-t-elle, souhaite réaffirmer à <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire son engagement de mener à terme, d'ici fin 2006, le plan d'action de mise à niveau du dispositif de pilotage des risques et de contrôle interne du Groupe. A cet effet, elle dégagera les moyens nécessaires dans son budget 2006 afin d'assurer une priorité effective aux principaux projets de ce plan. Celui-ci fera l'objet d'un suivi trimestriel par le conseil de surveillance de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> et, tout particulièrement, son comité d'audit qui sera assisté par l'Inspection générale de <st1:personname productid="la CNCE." w:st="on">la CNCE.</st1:personname> »

    La promesse, bien sûr, ne suffit pas. Les Caisses d'épargnes se voient infliger début 2006 la plus grave des sanctions qu'ait jamais connues une grande banque de la place, en France : un blâme et une amende de un million d'euros. Mais à dire vrai, la direction des Caisses d'épargne, emmenée par Charles Milhaud et Nicolas Mérindol, peut être profondément soulagée. Car, à sa demande, la sanction n'est pas rendue publique par <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire. Or, pour une banque, une amende, même de 1 million d'euros, n'est pas grave.

    C'est en tout cas beaucoup moins grave que la publicité d'une sanction, même pécuniairement plus légère. Car la publicité peut nuire à l'honorabilité ou à la réputation de l'établissement ou de ses dirigeants. Or, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire y renonce, sur la demande insistante de la direction des Caisses d'épargne. Pour Charles Milhaud, c'est le plus important. Il ne transparaît donc dans la presse que quelques très courtes fuites, évoquant la sanction. Dans un article publié par Le Monde (qui a été reproduit sur ce billet de blog), le 6 juin <st1:metricconverter productid="2006, l" w:st="on">2006, l</st1:metricconverter>'auteur de ces lignes lève ainsi juste le voile sur quelques courts extraits des attendus de la sanction :« <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">La CNCE</st1:personname> a enfreint plusieurs dispositions essentielles de la réglementation qui lui est applicable en manière de contrôle interne, notamment en ne mettant pas en place, avant l'expiration de la dérogation qui lui avait été accordée, un dispositif de pilotage et de surveillance des risques sur base consolidée. » Et c'est tout ! Rien de plus ne transparaît, sur le moment, des foudres qui s'abattent sur les Caisses d'épargne.

     Officiellement, donc, il n'y a pas d'affaire Caisse d'épargne. Ou s'il y en a eu une, elle est maintenant résolue, puisque toute la direction est engagée dans une course de vitesse pour réformer les pratiques de la banque et de ses filiales, de sorte que le rendez-vous de la conformité, pris pour la fin de l'année 2006, soit honoré.

     Officieusement, les choses ne se passent pourtant pas exactement comme cela. Et dès le courant de l'année 2006, les autorités de tutelle des marchés et des banques peuvent de nouveau avoir le sentiment que les Caisses d'épargne n'ont pas franchement entendu – ou pas totalement – la leçon.

     D'abord, comme le révèle une note interne de la direction des Caisses d'épargne en date du 21 février 2006 (note que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous), la banque fait l'objet au même moment d'une cascade d'investigation de la part de l'Autorité des marchés financiers (AMF) au sujet de certains produits financiers distribués par la banque.

    Et puis surtout, il s'avère assez vite que les promesses de la direction des Caisses d'épargne de remettre de l'ordre dans la banque prennent pour certaines d'entre elles un peu de retard, pour d'autres beaucoup. Dans un « mémo interne » à l'attention de Charles Milhaud, en date du 4 septembre 2006 (que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous), c'est le chef de l'Inspection générale de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, Jean-Christian Metz, pourtant proche de Charles Milhaud, qui en fait lui-même la remarque. Rappelant que depuis le mois de juin précédent, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a adressé « cinq lettres de suite » à <st1:personname productid="la Banque Palatine" w:st="on">la Banque Palatine</st1:personname> et à plusieurs caisses régionales, l'auteur de la note pointe le très fort mécontentement de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire. « La tonalité de la lettre de suite est sévère », fait-il valoir à plusieurs reprises en passant en revue chacun des différents courriers du gendarme bancaire. En bref, l'inspecteur général relève que, de l'avis de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, les Caisses d'épargne traînent des pieds dans la réforme promise des procédures.
    Selon plusieurs sources, dont un membre du directoire de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a par ailleurs adressé un nouveau courrier à Charles Milhaud dans le courant de l'année 2006 pour lui demander explicitement de fermer l'activité pour compte propre de la banque. Mais ce courrier – dont Mediapart n'est pas parvenu à obtenir une copie – n'aurait pas été transmis, contrairement à l'habitude, à tous les membres du conseil de surveillance.

    Quoi qu'il en soit, à la fin de 2006, les Caisses d'épargne ne sont donc pas au rendez-vous promis. Si les procédures de contrôle ont été améliorées dans de nombreuses sociétés ou filiales du groupe, les structures de commandement de ce même groupe ne s'appliquent pas à lui-même les normes qu'ils demandent aux autres. Et puis, dans le courant de l'année 2007, un autre souci apparaît pour <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire : elle commence à avoir des doutes sur le respect par les Caisses d'épargne du fameux ratio de solvabilité de l'établissement. Pour exercer leur métier de banquier, les établissements doivent en effet afficher un certain niveau de fonds propres par rapport au volume des crédits qu'ils consentent. Or, pour une cascade de raisons, dont la rupture en 2005 par les Caisses d'épargne du pacte d'actionnaires qui les liait à leur actionnaire principal, <st1:personname productid="la Caisse" w:st="on">la Caisse</st1:personname> des dépôts et consignations (CDC), les fonds propres de la banque ont dramatiquement fondu : le rachat des parts détenues par <st1:personname productid="la CDC" w:st="on">la CDC</st1:personname> (35% du capital) a ainsi, à lui seul, contraint les Caisses d'épargne a signé un chèque fabuleux de plus de 7 milliards d'euros. <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">La Commission</st1:personname> bancaire, depuis, est à l'affût, craignant que le ratio de solvabilité de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> ne soit plus conforme aux nouvelles exigences internationales, celles dites de Bâle II. D'autant que ces nouveaux modes de calculs font obligation à <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> d'avoir des fonds propres supérieurs de 3 milliards d'euros, pour respecter le sacro-saint ratio de solvabilité.

     De cette double inquiétude de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire – le non-respect de mise en conformité des procédures et la situation financière de la banque –, il y a de nombreux indices tout au long de l'année 2007. Le 3 mai <st1:metricconverter productid="2007, l" w:st="on">2007, l</st1:metricconverter>'un des principaux responsables de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, Frédéric Visnovsky, écrit ainsi un courrier assez peu amène (que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous) au directeur général de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, Nicolas Mérindol, pour lui faire observer que trois réunions de travail entre <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> et la banque, les 24 janvier, 16 février et 7 mars, lui ont confirmé que « le calendrier de mise en place des principales mesures, tel qu'il avait été présenté dans le mémoire en réponse à la procédure ouverte par <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, subissait des retards ».

    <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">La Commission</st1:personname> bancaire fait ainsi valoir ceci : « En premier lieu, les travaux engagés par <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> n'ont pas permis de respecter l'engagement pris devant <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire de "disposer d'un système de mesure de risque de taux d'intérêt global, répondant aux normes fixées par les textes de Bâle II à compter du 31/12/2006". » La missive pointe aussi des retards dans le suivi automatisé des risques de crédit. Conclusion énergique : « Au total, le Groupe Caisses d'épargne ne pourrait pas disposer d'un véritable outil de pilotage et de surveillance des risques de crédit consolidé avant l'automne 2007 alors que l'échéance de décembre 2006 avait été présentée devant <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire. Dans ces conditions, je vous engage vivement à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires de manière que ces nouvelles échéances soient respectées. »

     Au demeurant, il n'y a pas, à cette époque, que <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire qui s'inquiète. Il y a aussi l'administration fiscale. Dans une séance en date du 22 octobre 2007, le directoire est en effet informé par Julien Carmona, qui supervise tout ce département, que le groupe a reçu la notification d'un redressement fiscal de 14 millions d'euros, portant sur trois exercices.

     Mais revenons aux relations de plus en plus tendues entre <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire et les Caisses d'épargne. Pour essayer d'aplanir les différends, un déjeuner est organisé le 12 décembre 2007 entre le patron de la banque, Charles Milhaud, et le gouverneur de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France, Christian Noyer. Mais la rencontre est sans grand effet. Même si Christian Noyer est de longue date un haut fonctionnaire proche d'Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy, et si la banque, qui a multiplié les embauches de même sensibilité politique, peut se croire relativement protégée, les dangers qui se profilent sont trop grands pour que la banque centrale française, qui a la tutelle sur <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, se montre conciliante. Tout juste peut-elle ne pas briser la confidentialité de la confrontation.

     C'est donc ce que fait Christian Noyer, peu de jours après ce déjeuner : dans deux courriers adressés coup sur coup, à quelques jours d'intervalle à Charles Milhaud – ce qui confirme la grande inquiétude de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire –, il lui fait de nouveau de vifs reproches, mais en se gardant bien de mettre ces reproches sur la place publique. Ces deux courriers, dont on connaît l'existence mais pas le contenu exact, Mediapart est parvenu à en prendre connaissance : on constatera que, un peu moins de trois ans après la très lourde condamnation prononcée par <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, et alors que la crise financière fait rage, les Caisses d'épargne ne respectent toujours pas à cette époque les normes édictées dans la gestion de ses risques par la réglementation bancaire, dont <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a la charge d'assurer le respect. Et on comprend aussi l'inquiétude de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France : elle a la conviction que rien n'a été fait par les Caisses d'épargne pour anticiper le passage à « Bâle II » et afficher un ratio de solvabilité conforme.

    En date du 31 décembre 2007 et adressée à Charles Milhaud, la première lettre (que l'on peut lire ou télécharger ci-dessus), qui est signée par Danièle Nouy, secrétaire générale de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, constitue une sorte d'ultimatum, révélant que la situation de la banque est jugée gravissime par <st1:personname productid="la Commission. Evoquant" w:st="on">la Commission. Evoquant</st1:personname> ce fameux ratio de solvabilité qu'une banque doit impérativement respecter pour pouvoir avoir pignon sur rue, la lettre dit en effet ceci : « Vous vous étiez engagé, par un courrier du 18 avril 2004, à maintenir en permanence le ratio de fonds propre de base de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> à un minimum de 8,5%. Ce ratio a été ramené de 9,7% à fin 2005 à 8,9% au 30 juin 2007 alors même que, depuis fin <st1:metricconverter productid="2006, l" w:st="on">2006, l</st1:metricconverter>'exigence spécifique de déduction des fonds propres de base de la totalité des certificats coopératifs d'investissement a été supprimée. De surcroît, ce même ratio, calculé selon les termes de l'arrêté du 20 février 2007, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2008, ne serait plus que de 5,9% après prise en compte de la déduction à 50% des participations non consolidées (notamment la part des certificats coopératifs d'investissement détenus via Natixis). Enfin, l'hypothèse que la reprise de CIFG [il s'agit de la filiale américaine de Natixis spécialisée dans le rehaussement de crédit, au cœur de la crise du subprime aux Etats-Unis] conduise <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> à constituer des ajustements de valeur et pèse sur la situation de solvabilité du Groupe, ne peut être écartée. Cette situation appelle donc une très grande vigilance et un plan d'action dont je vous demande de me faire part dans des délais très rapprochés. »

     La situation apparaît si grave que trois semaines sont à peine passées que Christian Noyer, gouverneur de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France et président de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, prend à son tour la plume, le 21 janvier 2008, pour faire la même sommation à Charles Milhaud. Dans ce long courrier dont Mediapart révèle pour la première fois le contenu (et que l'on peut lire ou télécharger ci-dessous), le patron des gendarmes bancaires se montre lui aussi très pressant, sinon menaçant : « <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">La Commission</st1:personname> bancaire, écrit-il, a également examiné, plus généralement, l'évolution de la situation prudentielle de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, notamment l'avancement des plans d'actions devant permettre d'assurer la mesure et le suivi consolidé des risques et l'impact de la mise en œuvre de ″Bâle II″ sur le niveau des ratios de solvabilité. En ce qui concerne le pilotage consolidé des risques, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a constaté que l'échéance de décembre 2006, annoncée comme date d'achèvement des plans d'actions, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte en juillet 2005, n'avait pas été respectée. En particulier, cette échéance a été reportée à fin 2007 pour la mise en œuvre d'un suivi consolidé des risques de crédit et au premier trimestre 2008 pour la gestion consolidée du risque de taux d'intérêt global. Face à ces nouveaux retards, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire appelle fermement l'attention du Groupe sur la nécessité d'achever l'ensemble des travaux lui permettant de garantir la mise en place d'une mesure et d'une surveillance efficace de ses risques. »

    Et le patron de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire ajoute une phrase, qu'il regrette peut-être d'avoir écrite à l'époque de la sorte, car s'il avait agi plus vite, les 751 millions d'euros ne seraient peut-être pas partis en fumée et le contribuable n'aurait pas forcément été appelé à la rescousse pour renflouer la banque: « A cet égard, poursuit-il en effet, je vous informe que le dispositif fera l'objet d'une enquête sur place au 2nd semestre 2008. »
    Christian Noyer n'en reste pas là : « S'agissant de l'évolution du ratio de solvabilité, sur fonds propres de base, de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, dit-il, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a pris connaissance des estimations de ratio calculées conformément aux dispositions de l'arrêté du 20 février 2007, entrées en vigueur le 1er janvier 2008. Elle a constaté que l'application des nouvelles dispositions réglementaires ne permettrait plus à <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, en l'absence de mesures appropriées, de respecter l'engagement pris devant le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement [le Cecei, un organisme dépendant de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France], par un courrier en date du 18 avril 2004, de maintenir un ratio de solvabilité sur fonds propres de base minimum de 8,5%. <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">La Commission</st1:personname> bancaire a souligné l'obligation qui incombe à <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour garantir le respect de son engagement. Elle a demandé que la teneur de ces mesures lui soit communiquée dans les meilleurs délais et en tout état de cause au plus tard le 11 février 2008. »

    Et pour bien marquer le caractère solennel et contraignant de ce courrier, Christian Noyer fait obligation à Charles Milhaud que « la présente lettre soit communiquée aux membres du conseil de surveillance de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> » et qu'un procès-verbal de ce même conseil de surveillance soit retourné à <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire.En résumé, plus de deux ans et demi après la procédure disciplinaire – et huit mois avant la perte des 751 millions d'euros –, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire est de nouveau obligée de jouer de la menace, car l'Ecureuil ne respecte toujours pas la réglementation.

     Mais c'est en réalité encore plus grave que cela. Car Christian Noyer précise bien dans sa missive que « en l'absence de mesures appropriées », <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> ne respectera plus le ratio de solvabilité. Or, pour une banque, c'est la ligne jaune absolue à ne jamais franchir, sous peine de ne plus pouvoir exercer son activité.

    Soit dit en passant, il n'est pas inutile de relever que cette dernière lettre de Christian Noyer intervient très exactement une semaine avant que Mediapart ne commence, le 28 janvier 2008, sa première longue enquête sur les Caisses d'épargne, celle-là même qui fera l'objet de la part de la direction de la banque des dix premières plaintes en diffamation. Voici ce que nous écrivions dans le premier volet de cette enquête (on peut la retouver ici): « C'est un fait rare dans l'histoire récente des grandes banques françaises : <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, un organisme qui est présidé par le gouverneur de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France et qui fait office de gendarme du secteur bancaire, a adressé à <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname> un courrier lui faisant injonction de reconstituer d'ici fin mars ses fonds propres, qui sont devenus insuffisants au point de ne plus respecter les obligations réglementaires encadrant les activités des établissements de crédit. Une copie de cette injonction a été remise à chacun des membres du comité d'audit, qui s'est réuni mardi 22 janvier. Déjà, en décembre 2007, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire avait adressé une première mise en garde, mais moins pressante. L'Ecureuil minimise l'affaire, assurant qu'elle découle d'une évolution de la réglementation dite "prudentielle". Notre enquête atteste pourtant que la situation est autrement plus grave : c'est un naufrage qui menace actuellement les Caisses d'épargne, et l'injonction de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> n'est qu'un symptôme parmi de très nombreux autres. Pour protéger les clients des établissements de crédits de tout défaut de paiement sinon de banqueroute, les banques sont en effet dans l'obligation de respecter ce que les experts appellent un ratio de solvabilité. En clair, leurs fonds propres doivent impérativement être supérieurs à une certaine proportion de leurs crédits ou de leurs engagements. Dans le cas de <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, ce ratio doit être supérieur à 8,5%. Or, dans le courant de l'automne dernier, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire a découvert que <st1:personname productid="la Caisse" w:st="on">la Caisse</st1:personname> nationale risquait de se retrouver au début de 2008 avec un ratio inférieur. D'où cette sommation : <st1:personname productid="la CNCE" w:st="on">la CNCE</st1:personname>, dont le fameux ratio serait actuellement à peine supérieur à 6%, doit d'urgence trouver une somme comprise entre 3,6 et 4,1 milliards d'euros pour ne plus être en contravention avec la réglementation bancaire. »

    Notre relation des faits était donc strictement conforme à ce qui se jouait à l'époque, confidentiellement, entre <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire et les Caisses d'épargne. Celles-ci n'en ont pas moins porté plainte contre Mediapart. Et plus généralement, elles se sont appliquées à présenter une autre version des faits. A preuve, à l'issue d'un conseil de surveillance, le 31 janvier 2008, le Groupe Caisse d'épargne publie un communiqué (on peut le télécharger ci-dessous) qui laisse perplexe, quand on connaît les échanges avec <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire. Il y souligne, en titre, sa « solidité financière, fondée sur des ratios de fonds propres élevés » et assure – bien imprudemment – qu'il n'a « aucun besoin ni projet de recours à des fonds propres externes ». Pour finir, les Caisses d'épargne sont malgré tout obligées d'annoncer le 6 mars 2008 dans un communiqué (que l'on peut télécharger ci-dessous) ce que <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> de France exigeait pour la fin décembre 2007 et ce dont Mediapart s'était fait l'écho : une augmentation de capital de 3,2 milliards d'euros, pour respecter le ratio de solvabilité.

     En clair, durant toutes ces années, de la procédure disciplinaire de juillet 2005 jusqu'à son injonction de janvier 2008, le gendarme des banques voit tout, constate tout, fait pression, menace. Mais en ce début d'année 2008, il ne va pas au-delà.

     Ce n'est donc que longtemps après, le 15 juillet 2009, que <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire, dans une décision spectaculaire parce que pour la première fois publique (on peut la télécharger ci-dessous), impose de nouveau un « blâme » à l'encontre des Caisses d'épargne et une amende historique de 20 millions d'euros – contre seulement 5 millions d'amendes pour <st1:personname productid="la Soci←t← G←n←rale" w:st="on">la Société Générale</st1:personname>, après l'affaire Kerviel. Enfin, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> bancaire fait donc ce jour-là preuve de sévérité. Mais bien trop tard ! Dans l'intervalle, 751 millions d'euros se sont envolés et les contribuables ont été conviés à mettre la main à la poche pour sauver la banque...

    Lien externe : Ecureuil : les alertes que personnes ...........
    En sept volets, nos nouvelles révélations sur l'Ecureuil 


  • Commentaires

    1
    pigeonxxl
    Jeudi 10 Janvier 2013 à 19:10
    "caisse d'epargne" cette maudite banque , veritable mafia politico financiere , aurai pu siemment , insidieusement , completement me RUINER ! a ce jour le 10.01.2013 : 7000 euros envolés pour dans d'autres poches allés se poser ! pourtant a l'origine le 03.12.1999 ce n'etait pas des actions qui avaient été demandées , c'etait un dépot sur un P.E.L. qui etait envisagé . la suite vous l'avez déja deviné , pas un cas isolé ! piegé  et agé rien ne peut etre retiré pour un illusoire espoir de remontée des marchés se garder , et surtout pour se cacher et repousser la réalité ! arnaqué par le biais de la premiere des 3 saletés citées : 1999-2000 le plus que Nuancé 3d dyna + , contrat vivement conseillé de ne pas débloquer pour ulterieurement le plus rapporter - 2001 doublo , qui n'a jamais doublé , il a meme reculé - 2006 les supers actions natixis , le chef d'oeuvre de b.p.c.e. , et tout juste dans la foulée d'un Eurotunnel  pas mal aussi , des petits porteurs y avaient laissé les économies de toute une vie, passé aux oubliettes depuis ! ce qui n'avait absolument pas interpellé de gens dont la premiere des qualités n'etait surement pas l'honneteté, mais dans le monde des charognards de la finance , on a que faire des sentiments d'humanité ! quand les marchés boursiers ou tout est manipulé , etaient a leurs apogées , ils ne pouvaient que retomber , des personnages , certains bien identifiés , de la legion d'honneur décorés pour services rendus a la patrie , ils auraient pu ruiner tout le pays , avides de gloire et surtout de cupidité , avaient bien flairé que le vent allait tourner , pour nous mettre sous le nez et nous faire avaler des produits qui allaient par la suite se réveler completement pourris ! la crise , le bon argument pour eux de se défiler en surfant sur une ambiguité de recel  caracterisée en s'accordant au diapason des banksters de la finance u.s. ! si bien évidemment aucune preuve ne peut etre établie , le coup etait subtilement bien monté par ces parasites de la societé , il existe cependant bien de grandes présomptions d'escroquerie! jamais a court d'idées , décidemment rien ne peut les arreter , toujours prets a recommencer , "caisse d'epargne" une exclusivité pour les ravages provoqués , un savoir faire inegalé dans un domaine particulier : celui de la malhonneteté ! vous l'aurez peut etre remarqué ces temps ci , leur minable publicité a déserté la presse et la télé , contrairement a leurs agences qui en sont constellées , a vous de juger !
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