• Etats-Unis: de bien curieux remboursements Par Paul jorion

    Etats-Unis: de bien curieux remboursements
       

    Quelle est la signification du récent remboursement par dix banques américaines des fonds qui leur avaient été avancés dans le cadre du Troubled Asset Relief Program (TARP), le programme gouvernemental de sauvetage du secteur bancaire?

    A les en croire, leur santé s'étant rétablie, il s'agit pour elles d'éliminer au plus tôt le stigmate de la semi-nationalisation à quoi s'assimilaient les aides s'étalant entre 5 et 25milliards de dollars (3,5 et 17,8milliards d'euros) dont elles ont chacune bénéficié. Mais le souci de lever le plafonnement des bonus versés à leurs dirigeants n'est sans doute pas étranger à leur décision: les remboursements n'ont touché jusqu'ici que les avances qui avaient été soumises à cette condition!

    Pourquoi une telle précipitation? La Bourse a repris quelques couleurs - même s'il faut toujours s'interroger sur la raison qui peut l'expliquer en l'absence de bonnes nouvelles sur le plan économique. Les nuages continuent de s'amonceler: dans l'immobilier résidentiel américain, les retards de paiement actuels promettent pour les années à venir des pertes cinq ou six fois plus importantes que celles essuyées lors de l'écroulement des subprimes; un volume de pertes comparable est à prévoir pour les cartes de crédit et dans l'immobilier commercial. Cela, les banques ne peuvent l'ignorer. La précipitation présente aurait-elle alors un rapport avec l'orage qui menace? L'expérience récente permet de le supposer.

    Souvenons-nous en effet des derniers mois des établissements indépendants de crédit immobilier, les Countrywide et autres IndyMac, et ce à quoi nous avions assisté entre le moment où leur fin apparut inéluctable et leur engloutissement.

    A la mi-2006, les rumeurs d'un rachat de Countrywide par Bank of America avaient circulé. Il n'était pas encore question du rachat en catastrophe qui eut lieu en janvier2008, mais de l'intérêt manifesté par une banque importante pour le numéro un du crédit immobilier, alors apparemment en bonne santé. Or des courriels récemment publiés par la Securities and Exchange Commission (SEC), le superviseur du marché boursier américain, révèlent l'inquiétude des dirigeants de Countrywide à la même époque. Mais pour les cadres de l'entreprise - dont j'étais moi-même alors employé -, il ne faisait aucun doute que les rumeurs de rachat émanaient de la direction et avaient pour but de doper le prix de l'action. L'exercice de stock-options et la vente systématique d'actions par les dirigeants débuta en effet peu après. Angelo Mozilo, le PDG, parvint ainsi à se désengager entièrement avant la chute finale, pour un bénéfice total dépassant 700millions de dollars.

    La remontée de la cote des banques américaines a déjà commencé, et gageons que la bonne nouvelle de leur indépendance retrouvée dopera encore plus leur cours - les investisseurs ignoreront certainement que le rachat des options consenties à l'Etat en échange de l'aide obtenue par le truchement du TARP plombera bientôt leurs recettes.

    Si le parallèle avec Countrywide a un sens, il s'agit alors simplement, pour les dix banques ayant aujourd'hui remboursé l'argent du TARP, de nettoyer la caisse avant de mettre définitivement la clé sous la porte. Lorsque les milliers de milliards perdus seront révélés, les quelques milliards qu'auront touchés in extremis leurs dirigeants passeront, c'est à parier, relativement inaperçus...p

    Paul Jorion

    Paul Jorion, économiste et anthropologue

    Jorion Paul

    Paul Jorion est actuellement très sollicité par les medias français il a notamment enregistré une émission de Radio sur France culture diffusé dimanche 5 juillet

     

    A suivre...

    par Vincent Lemerre
    le dimanche de 12h à 12h30 j’essaierais de podcaster cette émission

     

    Et plein d’autres émissions à venir…


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