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« Je mise sans hésiter sur les pays émergents » YARDENI
Le monde d'après Chaque jour, cet été, nous interrogeons un grand témoin de l'actualité sur sa vision de la crise. L'économiste Ed Yardeni ne croit pas à une sortie rapide et table sur une croissance molle de longue durée pour les économies de l'ancien monde, États-Unis et Japon compris.
interview Ed YARDENI Économiste
Imaginez-vous une fin à la crise actuelle ?
Je ne pense pas qu'on va en sortir de manière rapide et bien définie. Au niveau mondial, nous sommes dans une situation similaire à ce qui s'est passé au Japon pendant les années 1990. Nous avons des gouvernements qui essayent de raviver la croissance économique par des plans de relance ou une politique de faible taux d'intérêt mais cela n'a pas d'effet. Nous avons vécu une fête économique extraordinaire et maintenant nous devons payer l'addition et nous avons tous la gueule de bois. Et c'est douloureux. Les excès de la finance et de l'immobilier des dernières années ne pourront pas être gommés rapidement. On ne sortira pas rapidement de cette récession comme on a su le faire autrefois.
Quel est votre pronostic ?
On ne va pas avoir une sortie de récession en forme de V, que cela soit aux États-Unis ou dans les pays de l'OCDE. Les problèmes financiers liés aux mauvais crédits et à la montée du chômage vont persister. Cela dit, on peut discerner des signes de stabilisation. La plupart des indicateurs économiques ne suggèrent pas que la reprise sera vigoureuse.
Qui, du nouveau monde ou de l'ancien va être le plus dynamique pour la reprise ?
J'ai fait cette distinction entre le nouveau monde et l'ancien monde. Nous allons assister à la première reprise mondiale conduite par les marchés émergents, mais aussi par le Canada, l'Australie et l'Afrique du Sud qui possèdent des ressources naturelles. C'est une prévision assez conventionnelle. Les économistes de banques et ceux de l'OCDE ont la même vision.
Placez-vous les États-Unis dans le nouveau ou l'ancien monde ?
Je les place dans l'ancien monde avec le Japon, l'Europe continentale et <st1:personname productid="la Grande-Bretagne. Ces" w:st="on">la Grande-Bretagne. Ces</st1:personname> pays ont enregistré énormément de croissance après <st1:personname productid="la Seconde Guerre" w:st="on">la Seconde Guerre</st1:personname> mondiale. Maintenant, ils sont rattrapés par les marchés émergents. Nos vieilles économies sont toujours handicapées par le niveau des dettes liées et la crise financière.
Quel est votre avis sur les matières premières ?
Nous avons assisté à un beau rebond des prix des matières premières, mais je ne les vois pas remonter jusqu'au pic de <st1:metricconverter productid="2008. L" w:st="on">2008. L</st1:metricconverter>'idéal pour les économies du nouveau monde est que celles de l'ancien monde restent déprimées.
Voyez-vous l'inflation revenir ?
Non, l'inflation n'est pas un problème. Il y a énormément de capacité de production dans le monde. Regardez ce qui s'est passé au Japon dans les années 1990. Nous avons eu une sévère récession que les autorités ont essayé de réduire avec des politiques de relance, mais cela n'a pas stimulé de l'inflation.
Croyez-vous à une remontée des taux d'intérêt ?
Non, car les taux d'intérêt à court terme proches de zéro indiquent que quelque chose de structurel est arrivé. Nous devons nous attendre à des économies faibles pendant assez longtemps.
Les gouvernements ont-ils raison de soutenir des industries en difficulté ?
La politique industrielle est toujours une erreur. Les gouvernements ne devraient pas saisir l'excuse de la crise pour soutenir des industries trop faibles pour survivre. À cet égard, ce que fait le gouvernement américain est en contradiction totale avec ce qu'il a plaidé pendant de nombreuses années, à savoir abandonner la politique industrielle et arrêter d'investir dans des canards boiteux. Ce type d'action peut allonger la durée de la crise puisque les ajustements nécessaires ne sont pas réalisés.
Les Chinois demandent la création d'un nouvel ordre monétaire. Est-ce raisonnable ?
Les Chinois nous font savoir qu'ils ne sont pas satisfaits de notre politique monétaire et fiscale et ils ont raison de le faire savoir. Celui qui vous prête de l'argent a le droit de vous donner des conseils sur la manière de gérer vos affaires financières. Ils vont certainement diversifier peu à peu la composition de leur réserve de change.
Vous êtes considérés comme un « permabull », quelqu'un qui est toujours « bullish » [haussier, optimiste, Ndlr] sur l'économie. Avez-vous encore des raisons d'être « bullish » ?
Je suis « bullish » sur le nouveau monde. Dans l'ancien monde, on aura des économies faibles et des Bourses qui feront du surplace.
Où allez-vous placer votre argent ?
Dans la technologie, surtout celle qui entre dans les produits d'électronique grand public. Avec l'élévation du niveau de vie dans les pays émergents, ce type de produits ? comme les iPod, les netbooks et les télévisions à écran plat ? se vend bien. Un portefeuille diversifié dans la technologie est une bonne idée. Pour les matières premières, je pense que la reprise s'essouffle.
Et l'or ?
Non, car je ne vois pas l'inflation revenir. L'or ne m'intéresse pas.
Propos recueillis par Pascal Boulard
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