• L'allégement de la fiscalité des plus-values a coûté 20,5 milliards d'euros à l'Etat

    L'allégement de la fiscalité des plus-values a coûté 20,5 milliards d'euros à l'Etat

    6 200 entreprises ont bénéficié de cette exonération d'impôt. Le président de la commission des finances de l'Assemblée réclame des explications

     

                C'est un lièvre à 20 milliards et demi d'euros - soit le bas de la fourchette du grand emprunt - qu'a levé le président PS de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, en épluchant le rapport du ministère du budget sur les dépenses fiscales.

    Dans une annexe de ce document, le député socialiste de l'Isère a découvert que les plus-values à long terme de cession de titres de participation avaient été exonérées en quasi-totalité de l'impôt sur les sociétés (IS). 6 200 entreprises ont bénéficié de cette " taxation au taux réduit " de 0 % à compter du 1er janvier 2007, ce qui a représenté un manque à gagner pour l'Etat de 20,5 milliards d'euros sur deux ans : 12,5 milliards en 2008 (au lieu des 4,3 milliards prévus fin 2008) et 8 milliards en 2009 (au lieu de 4,5 milliards attendus). Le " bleu " budgétaire sur les dépenses fiscales ne fournit aucun chiffre pour 2010.

    Cette exonération, appliquée aujourd'hui dans 21 pays de l'OCDE sur <st1:metricconverter productid="29, a" w:st="on">29, a</st1:metricconverter> été introduite dans le collectif budgétaire de 2004 par le sénateur UMP de l'Oise, Philippe Marini. Elle avait deux objectifs : faciliter la restructuration des grands groupes et, surtout, aligner le régime français d'imposition des plus-values de cession de titres sur ceux de ses principaux partenaires européens, comme l'avait recommandé le Conseil des impôts pour des raisons de compétitivité et d'attractivité. M. Copé, alors ministre délégué du budget, avait déposé deux sous-amendements à l'amendement Marini afin notamment d'étaler la réforme dans le temps. Ainsi, avait-il estimé, le coût de la mesure serait " inférieur à 1 milliard d'euros à compter de 2008 ".

    " Etant donné l'importance des sommes en cause, des écarts entre estimation et réalisation et des fluctuations d'une année sur l'autre ", M. Migaud a écrit le 29 octobre au ministre du budget, Eric Woerth, pour lui demander " de bien vouloir apporter à la commission des finances un complément d'information sur ce dispositif et son évolution ".

    Le sujet est délicat pour M. Woerth et pour la majorité. 20,5 milliards de réduction d'impôt en deux ans est un chiffre colossal : il représente plus d'un tiers du produit net de l'impôt sur les sociétés de 2008 (50 milliards d'euros). En 2009, les recettes de l'IS se sont effondrées et devraient tomber à une vingtaine de milliards. Le ministre expliquait cette situation par la crise. Mais les exonérations accordées aux entreprises y ont eu aussi leur part.

    De plus, la commission des finances de l'Assemblée s'est beaucoup penchée ces dernières années sur les dépenses fiscales. Ces " niches ", dans lesquelles figurent aussi bien le quotient familial que la déduction des intérêts d'emprunt pour l'acquisition d'une résidence principale ou le crédit d'impôt-recherche, permettent à un particulier ou à une entreprise de réduire ses impôts, officiellement pour des raisons d'efficacité économique ou d'équité sociale. Mais elles coûtent une fortune à l'Etat : en 2010, 468 niches le priveront de 74,88 milliards de recettes.

    Même si elle n'est plus considérée comme une niche - le taux réduit d'IS relevant désormais du droit commun -, l'exonération des plus-values de cession de titres va rendre difficile le discours récurrent de M. Woerth sur l'encadrement des dépenses fiscales.

    En plein débat sur le grand emprunt, elle vient rappeler que la majorité a fait le choix d'alléger l'impôt des entreprises (suppression de la taxe professionnelle, de l'imposition forfaitaire annuelle...) et celui des plus aisés des particuliers (bouclier fiscal...) pour éviter les exils fiscaux et les délocalisations. " Mais, entre la baisse des droits de succession, <st1:personname productid="la TVA" w:st="on">la TVA</st1:personname> à taux réduit dans la restauration et l'exonération des plus-values de cession de titre, on aurait pu financer la sortie de crise et les dépenses d'avenir sans grand emprunt, observe M. Migaud. Les choix fiscaux de la majorité font perdre des recettes à l'Etat et posent un sacré problème à nos finances publiques ". " On ne peut pas adopter des dispositions aussi coûteuses sans prévoir des garde-fous ", ajoute-t-il.

    Claire Guélaud

     

    La réponse du ministre du budget, Eric Woerth

    Dans sa réponse adressée, jeudi 5 novembre, à Didier Migaud, le ministre du budget reprend les arguments du Conseil des impôts de 2004. La taxation des plus-values sur titres de participation en France, " alors que celles-ci étaient exonérées dans la quasi-totalité de l'Union européenne avait conduit de très nombreux groupes à constituer leurs holdings hors de nos frontières, délocalisant à cette occasion des emplois de cadres de haut niveau ", assure M. Woerth. L'entrée en vigueur progressive de l'exonération a été accompagnée d'une taxe exceptionnelle sur les sommes inscrites au compte de réserve spéciale des plus-values à long terme, qui a rapporté " environ 1,4 milliard en deux ans ", précise-t-il. Il fait observer que l'exonération a pour contrepartie " la non-déduction des moins-values ".


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