• La petite souris est morte

    La petite souris est morte !

    C’est ainsi que le chroniqueur américain Thomas Friedman résume l’époque. Fini les cadeaux des Etats, bonjour les sacrifices !

    Thomas Friedman The New York Times

    LONDRES
    Vu des Etats-Unis, il est difficile de saisir l’importance des élections générales au Royaume-Uni et celle des émeutes en Grèce. Cela ne nous concerne en rien, n’est-ce pas ? Eh bien, moi, je suivrais de près la pièce qui se joue : le psychodrame électoral britannique, la crise grecque et notre Tea Party reviennent à une chose, à savoir que nos parents formaient “la plus formidable des générations”. Ils ont gagné ce titre en faisant d’énormes sacrifices, afin de bâtir pour nous un monde d’abondance. Ma génération, celle des “enfants du baby-boom”, s’est révélée la “génération des sauterelles”, pour reprendre l’expression de l’écrivain Kurt Andersen. “Telles des cigales affamées, nous avons dévoré toute cette abondance.” Maintenant, nos enfants et nous devons devenir la “re-génération”, c’est-à-dire une génération qui gagne de nouveau de l’argent, mais d’une manière financièrement et écologiquement viable. Cela exigera un grand réajustement. Nous, les enfants du baby-boom des Etats-Unis et d’Europe de l’Ouest, nous avons grandi dans l’illusion que la petite souris existait réellement, vous savez celle qui venait nous rassurer dans notre lit quand nous perdions nos dents de lait. La petite souris avait le don de permettre aux conservateurs de baisser les impôts sans réduire les services publics et aux progressistes d’étendre les services publics sans augmenter les impôts. La petite souris a pu le faire en faisant marcher la planche à billets, en maquillant les comptes. Elle nous a fait croire qu’en nous endettant vis-à-vis de la Chine ou de l’Allemagne, ou en contractant des crédits adossés à la valeur grandissante de nos biens immobiliers, ou encore en inventant des instruments financiers extravagants, nous étions réellement en train de créer des richesses.

    La Grèce, par exemple, est devenue la General Motors des Etats. A l’image des dirigeants du géant de l’automobile, les politiques grecs avaient recours à l’argent facile et aux subventions de l’Union européenne, non pas pour accroître la compétitivité de leur pays, mais pour devenir plus corrompus, moins disposés à lever des impôts, et pour rendre leur entreprise moins compétitive. En vertu de la loi grecque, toute personne faisant un métier “dangereux” a droit à une retraite à taux plein, à 50 ans pour les femmes et à 55 ans pour les hommes – y compris les coiffeurs, qui utilisent beaucoup de teintures chimiques. Au Royaume-Uni, tous les plus de 60 ans bénéficient d’une aide au chauffage et de la gratuité dans les transports en commun. C’est vraiment bien… si on peut se le permettre.

    Le Royaume-Uni et la Grèce sont aujourd’hui les symboles de la nouvelle politique dévastatrice de l’“après-petite souris”, où les enfants du baby-boom devront accepter des coupes claires dans les prestations sociales et les pensions de retraite dès aujourd’hui pour que leurs enfants aient du travail et ne croulent pas sous une montagne de dettes. Sinon, nous nous dirigerions vers un conflit des générations dans l’ensemble de l’Occident. Pour David Willetts, un conservateur britannique, auteur du livre The Pinch: How the Baby-Boomers Took Their Children’s Future – and How They Can Give It Back [Se serrer la ceinture : comment les enfants du baby-boom ont volé l’avenir de leurs enfants – et comment ils peuvent le rendre], la publicité la plus efficace des tories a été une affiche montrant un nouveau-né, barrée de ce titre : “Les yeux de papa, le nez de maman, la dette de Gordon Brown”. Ce qui frappe le plus dans les élections britanniques, estime John Micklethwait, rédacteur en chef de The Economist, c’est le fait qu’elles étaient les premières en Occident à “avoir pour thème la souffrance”. Tous les favoris ont averti les électeurs qu’“[il allait] falloir faire des économies”, mais aucun n’était un tant soit peu honnête pour en préciser l’ampleur. Voici comment le Financial Times du 26 avril voyait les choses : “Le prochain gouvernement devra tailler dans les salaires de la fonction publique, geler les prestations sociales, supprimer des postes, abolir toutes sortes d’aides sociales et faire tomber le couperet sur des programmes comme la construction d’écoles et l’entretien des routes.” Dommage qu’aucun parti n’ait remporté la majorité lors des élections britanniques pour faire ce travail.

    Après soixante-cinq années au cours desquelles la politique en Occident se résumait, pour l’essentiel, à faire des cadeaux aux électeurs, il s’agira désormais de les reprendre. Adieu, politique de la petite souris, bonjour politique de l’arracheur de dents ! Ce n’est pas une partie de plaisir. Il suffit de le demander aux parlementaires grecs, qui, après avoir annoncé un brutal plan de rigueur, ont vu leur Parlement assiégé par des émeutiers qui scandaient : “Brûlez-le, ce bordel de Parlement !”

    A mon avis, la classe politique américaine et européenne – on est prié de ne pas rire – va devenir plus intelligente et plus honnête. Nous devrons utiliser judicieusement chaque sou. Parce que nous avons puisé dans nos réserves, parce que les seigneurs de la discipline, la horde électronique des courtiers en obligations, font un retour en force – et parce que la petite souris, elle, est morte.

    The Pinch: How the Baby-Boomers Took Their Children’s Future – and How They Can Give It Back
    [Se serrer la ceinture : comment les enfants du baby-boom ont volé
    l’avenir de leurs enfants – et comment ils peuvent le rendre] l'ouvrage du conservateur britannique, David Willetts


  • Commentaires

    1
    gbagbadji
    Dimanche 17 Octobre 2010 à 22:34
    j emmerde l'informatiqe
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