• " La sortie de crise passe par une reprise en main du système financier "

    " La sortie de crise passe par une reprise en main du système financier "

    Jean de Maillard, magistrat, auteur de " L'Arnaque. La finance au-dessus des lois et des règles  


    Dans votre dernier ouvrage (chez Gallimard), vous mesurez la part de la criminalité dans la crise financière. Est-ce à dire que la sortie de crise devra passer par une réponse juridique ?
    Le problème n'est pas juridique en tant que tel, il est de repenser complètement l'ordre financier international. La sortie de crise doit tout d'abord passer par une reprise en main du système financier qui a échappé au contrôle des Etats. Ceux-ci ont permis depuis 1971 l'affaiblissement des mécanismes de supervision. Ils ont accepté et souhaité le transfert de leurs prérogatives aux marchés financiers et se sont rendus eux-mêmes impuissants.

    Or, à cause de cela, la fraude est devenue une variable d'ajustement et un mode de gestion de l'économie et de la finance. Nous avons atteint le stade de la finance " Ponzi " - du nom de l'escroc américain qui avait mis au point une pyramide en rémunérant les investisseurs avec l'argent des nouveaux entrants - . Le système financier mondialisé n'est pas fondamentalement différent de celui d'un Bernard Madoff. Sauf que ce dernier était un artisan qui travaillait pour son compte... Le marché financier mondial est dix fois plus important que le produit intérieur brut mondial. Et il ne peut plus fonctionner que par la création de bulles et d'enrichissement artificiel. La fraude n'est pas la cause de la crise. La fraude n'explique pas tout, mais, sans elle, on ne comprend rien.

    En l'absence d'un système de régulation efficace, le droit a-t-il les moyens de s'appliquer ?
    Franchement non. Soyons réalistes, on peut intervenir à la marge pour prétendre, dans les meilleurs des cas, contrôler les revenus des traders ou des banquiers, mais on est très loin du compte. Les propositions qui pourraient paraître relativement audacieuses, comme celles de Barack Obama - limiter la taille des banques - sont contrecarrées par la puissance des lobbys financiers et se perdent rapidement dans les sables mouvants de la politique et des jeux d'influence.

    Peut-on éviter les fraudes dans un monde dérégulé ?
    Il y a des moyens de les percevoir, de repérer les manipulations des marchés, mais on reste très à la surface des choses. Par exemple, une bonne partie de la remontée des cours de Bourse depuis mars 2009 est artificielle et résulte de transgressions des règles normales. Mais, les professionnels n'ont aucun intérêt à le dire et les politiques qui pourraient éventuellement y remédier se gardent bien de faire quelque chose. Que ce soient les autorités de marchés américaines, la ministre de l'économie Christine Lagarde en France, ou la Commission européenne, ils évoquent plus ou moins prudemment des problèmes du côté des dark pools ou des crossing networks - plateformes électroniques de négociations - et des techniques qui faussent les marchés, mais ils en renvoient l'examen à un futur plus ou moins déterminé. Le rôle de l'Autorité des marchés financiers serait d'aller y regarder, mais la masse des transactions financières et leur complexité font qu'un régulateur, même s'il veut faire son travail, ne le peut que sur le papier : il lui faut des mois pour établir une manipulation de marché ou un délit d'initié et entre-temps il a pu s'en passer cent ou mille autres.

    Pour lutter contre une spéculation destructrice, les Etats ont donc intérêt à restaurer une régulation digne de ce nom ?
    Les Etats doivent récupérer leur capacité de régulation, ce qui ne se fait qu'au travers du droit... Mais les vraies questions à poser sont le manque de visibilité de la finance de marché, ainsi que sa nuisance économique, voire politique.

    Propos recueillis par Anne Rodier

    Parcours

    2003 Jean de Maillard est nommé vice-président au tribunal de grande instance d'Orléans.

    2002 Rapport au ministère des affaires étrangères sur " La mondialisation à l'épreuve des nouvelles menaces ".

    1982 Inspecteur du travail à Paris depuis 1977.

     

    Oui les vraies questions : Nuisance économique et politique de ce système.

    Lisez son livre, vous ne verrez plus le monde comme avant.
    Voila aussi ce que Jorion dit dans sa chronique sur la fraude ordinaire. Mais beaucoup d’autres le disent : Cohen Daniel, Lordon Frédéric, Stiglitz, Sen, etc…. Maurice Allais ( notre seul prix Nobel d’économie)  depuis plus de 50 ans.


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