• Les bâtiments basse consommation réaliseront-ils les économies d'énergie espérées ?

    Les bâtiments basse consommation réaliseront-ils les économies d'énergie espérées ?

    Diviser par trois la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs. Cette ambition, portée depuis 2005 par la norme facultative bâtiment basse consommation (BBC), va devenir obligatoire en France pour l'ensemble des constructions neuves.

    La norme BBC a inspiré la nouvelle réglementation thermique des bâtiments - la RT 2012 -, qui devrait s'imposer à partir du 1er juillet 2011 pour les immeubles tertiaires, les bâtiments publics et tout ce qui sera édifié dans les zones de rénovation urbaine, puis à compter du 1er janvier 2013 pour les habitations neuves.

    Les économies sont-elles vraiment au rendez-vous ? L'allégement des factures d'énergie compense-t-il le surcoût de la construction ? Bizarrement, à la veille de la généralisation du BBC, personne ne semble en mesure de le démontrer.

    Des économies incertaines " Avec ce type de bâtiment, une facture annuelle d'énergie de 1 000 euros va passer à 250 euros ", se félicitait Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement, venu, le 28 juillet, inaugurer, à Ermont (Val-d'Oise), un programme de trente-cinq logements sociaux réalisés par l'Immobilière des chemins de fer (ICF), filiale de la SNCF.

    L'enthousiasme du secrétaire d'Etat est tempéré par les chiffres : " Sur notre parc, la facture moyenne annuelle de chauffage et d'eau chaude s'élève à 873 euros par logement, détaille François Jolivet, directeur de clientèle chez ICF. Dans ce programme, où la chaleur des eaux usées est récupérée pour le chauffage, nos calculs démontrent que la facture annuelle chutera à 417 euros. " Des chiffres précis et encourageants qui restent théoriques, les trente-cinq appartements n'étant pas achevés.

    Les premiers bilans montrent que les économies sont réelles, mais pas de l'ampleur espérée par M. Apparu. Les rares bilans disponibles relèvent des consommations hétéroclites et parfois éloignées des objectifs. Le bureau d'études Enertech, dirigé par Olivier Sidler, a mené une campagne de mesures à Mulhouse, quartier Franklin, sur dix logements anciens datant du XIXe siècle, lourdement rénovés entre 2006 et 2007.

    " On est en droit d'être un peu déçus par les résultats bruts de cette opération de rénovation, qui visait à atteindre une consommation de chauffage de 50 kWh/m²/an, et qui n'arrive finalement que vers 70 à 80 kWh/m²/an ", écrit Oliver Sidler, en conclusion de son bilan établi en mars.

    En cause : l'étanchéité à l'air de l'enveloppe du bâtiment, négligée faute de budget, la surchauffe des appartements par les occupants et une chaudière surdimensionnée. Malgré tout, les économies restent substantielles et permettront de rembourser le surcoût des travaux liés à l'énergie (325 euros par mètre carré) en vingt ans. " Les consommations sont réellement divisées par trois ou quatre et nos études d'avant la conception s'avèrent à 10 % près, confirme Loïc Vandromme, directeur de la communication de Maisons France Confort, un constructeur qui a déjà livré quatre cents maisons BBC. Mais les usagers raisonnent en euros dépensés, pas en kilowattheure, et là, les factures sont pénalisées par les coûts fixes, notamment d'abonnements. Et tout dépend de l'usage par les habitants : s'ils veulent se payer un frigo américain, qu'y pouvons-nous ? "

    Dans les bureaux, tout repose sur les usagers La basse consommation est plus compliquée pour les bureaux que pour l'habitat, car leur usage, mal maîtrisé, peut faire déraper les consommations. Une difficulté supplémentaire est de maintenir la performance dans le temps car ces bâtiments sont très automatisés : chauffage et climatisation programmés selon les heures, détecteurs de présence déclenchant la ventilation et l'éclairage, détecteurs de lumière commandant les stores... Dès que tout ces automates se dérèglent, les consommations s'envolent. " Nous avions livré, en 2006, à la chambre de commerce de Valence un bâtiment très performant, consommant à peine 25 kWh/m²/an, raconte Olivier Sidler. Deux ans plus tard, les consommations avaient explosé en raison de multiples dysfonctionnements. "

    Deux des trois bâtiments construits, pour Icade, porte d'Aubervilliers, à Paris, livrés en 2005 et innovants pour l'époque, ont, lors d'un bilan établi, après un an d'utilisation, par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), révélé des consommations d'énergie deux fois plus élevées que prévu. Le bâtiment le plus simple s'est aussi révélé le plus sobre, surtout si l'on prend en compte le coût des équipes de maintenance d'équipements sophistiqués.

    Vive l'éclairage naturel Un autre bilan précis, plus récent et probant, a été dressé après un an d'occupation : celui, à Dijon, de la tour Elithis, neuf étages et 32 mètres de haut, inaugurée en avril 2009. Le propriétaire-occupant étant un spécialiste de la question, le bâtiment se veut un vrai laboratoire de la sobriété énergétique, truffé de 1 600 capteurs alimentant un état détaillé de toutes les consommations. Le bâtiment n'a pas pu gagner son pari de produire plus d'énergie qu'il n'en consommait. Le total des consommations d'énergie primaire, exceptée l'activité professionnelle, atteint 113 422 kWh, dont il faut déduire celle produite par les panneaux photovoltaïques, 90 562 kWh, soit un déficit de 22 860 kWh.

    Lorsque l'activité professionnelle est prise en considération, le bilan se ternit. Le poste bureautique, notamment, fait grimper la note d'électricité et, constat surprenant, cela coûte plus cher de grimper à pied quatre ou cinq étages que de prendre l'ascenseur, à cause de l'emploi de la minuterie dans un escalier aveugle. " Pour les halls, les parkings, les escaliers, vive l'éclairage naturel ! ", lance Thierry Bièvre, directeur d'Elithis.

    Apprendre à maîtriser les coûts Le choix de la norme BBC représente encore un surcoût de 10 % à 15 %. " Pour nous, ce surcoût est plutôt de 15 % à 25 %, soit, pour une maison, un supplément de 15 000 euros dans le sud de la France, et de près de 25 000 euros dans une région comme la Bretagne. Le projet n'est donc rentable qu'avec les aides de l'Etat, reconnaît Loïc Vandromme. L'exigence d'étanchéité du bâti et d'un coefficient de perméabilité à l'air de 0,6 au lieu de 1,5, couramment observé, requiert une mise en oeuvre très soignée, qui explique ce surcoût. "

    Pourtant, dans une étude publiée en juillet, l'Ademe conclut que la basse consommation peut être facilement atteinte en mettant en oeuvre des techniques existantes et éprouvées, pour un coût maîtrisé, quel que soit le mode de construction employé. La généralisation de la norme BBC et l'industrialisation des techniques devraient contribuer à faire baisser les coûts. Surtout, " il faut penser sur le long terme, souligne Adrien Bullier, chargé du développement durable à l'Immobilière des chemins de fer. L'énergie ne peut que se renchérir alors que les revenus stagnent, donc investir dans la performance énergétique sera de plus en plus rentable. "

    Isabelle Rey-Lefebvre

    • Le label BBC : critères d'obtention, coûts et objectifs

      BBC L'association Effinergie a déjà délivré le label bâtiment basse consommation (BBC) à 557 maisons, 1 300 logements en immeubles et 3 édifices tertiaires. Le nombre de demandes de labellisation explose : elles sont passées de 20 000 en 2009 à 45 000 mi-2010.

      Consommation Le BBC et la réglementation thermique (RT) 2012 imposent aux bâtiments un plafond de 50 kWh/m2/an d'énergie primaire, contre une consommation de 150 kWh/m2/an pour les bâtiments neufs actuels et de 260 kWh/m2/an en moyenne pour le parc immobilier existant.

      Facture D'après le ministère de l'écologie, la facture annuelle de chauffage représente 900 euros par ménage. Un montant qui s'accroît avec les prix de l'énergie et qui peut varier de 250 euros pour une maison basse consommation à plus de 1 800 euros pour une maison mal isolée.

      Climat Les bâtiments représentent 42 % de la consommation énergétique de la France et émettent 123 millions de tonnes de CO2 par an, soit un quart des rejets du pays. La RT 2012 doit permettre une économie estimée entre 13 et 35 millions de tonnes de CO2 entre 2013 et 2020.


  • Commentaires

    1
    Jean-Pierre
    Mercredi 18 Août 2010 à 12:28
    Très bon article et clair sur un sujet complexe !
    Ce que j'ai du mal à appréhender c'est le rôle que tiennent EDF ou GDF dans le cadre de ces travaux de rénovation ; comment vont-ils compenser la baisse de la vente d'énergie ?
    Par exemple, comment ICF a-t'elle travaillé avec GDF pour réduire la facture du gaz ?
    2
    emile11111 Profil de emile11111
    Mercredi 18 Août 2010 à 14:18
    Je ne sais pas, mais je ne me fais pas trop de soucis pour eux.
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