• Les nécessaires réformes institutionnelles

    Les nécessaires réformes institutionnelles

    Jurgen Stark

     

    FRANKFORT – Malgré les nombreuses discussions à ce sujet en Europe aujourd’hui, il n’y a pas de crise de l’euro. Il y a par contre une crise de la dette souveraine dans quelques pays qui doivent aujourd’hui faire face aux conséquences de réformes économiques insuffisantes. Mais ces difficultés ne sont pas propres à la zone euro. La plupart des économies avancées sont confrontées aux mêmes problèmes.

    Tous ces pays doivent tirer des conclusions sans équivoque de la crise actuelle. Les pays de la zone euro doivent accepter la réalité économique et adopter des règles budgétaires plus strictes au lieu de continuer à nier le fait que l’union monétaire limite la souveraineté fiscale nationale.

    Lors de l’émergence de la crise financière, l’euro a protégé des pays qui dans d’autres circonstances auraient été plongés dans une profonde crise monétaire. Ce bouclier pourrait avoir en fait trop bien fonctionné parce que les pays les moins performants n’ont pas eu à subir de sanctions de la part des marchés financiers.

    En fait, malgré des déséquilibres importants et des disparités énormes entre les niveaux de dettes privées et publiques sur l’ensemble de la zone euro, les écarts de taux d’intérêt sur les obligations d’État disparurent dans la période précédant la crise. Les acteurs des marchés – dont les agences de notation – ont soit, de manière flagrante, mal évalué les risques, soit n’ont jamais pris au sérieux la clause de « non renflouement » du traité de Maastricht.

    Dans le même temps, les mécanismes institutionnels adoptés pour la coordination des politiques économiques et fiscales ne furent pas utilisés. Dans le domaine fiscal, les règles du Pacte de stabilité et de croissance furent même assouplies et les décisions concernant les mesures d’ajustement et les sanctions éventuelles furent assujetties à des considérations politiques à court terme.

    Tant que les pécheurs potentiels de l’Europe continuent à juger ses pécheurs de fait, la pression des pairs ne produira aucun résultat. En fait, les plans de réduction des déficits furent trop souvent basés sur des prévisions de croissance trop optimistes et dans les périodes de forte croissance, la réduction de la dette fut négligée. Des statistiques fiables n’étaient pas nécessairement disponibles pour chaque pays et pendant des années, il n’y eut aucune volonté politique d’ajuster les budgets nationaux aux conséquences d’un vieillissement rapide de la population sur les retraites et la sécurité sociale.

    Toutes ces négligences devinrent manifestes en 2005, lorsque les gouvernements européens revirent à la baisse les règles du Pacte de stabilité et de croissance, à tel point que ses clauses devinrent de fait facultatives. La Banque centrale européenne critiqua vivement cette décision, dont les conséquences dramatiques ont dépassé nos pires craintes.

    La crise financière a frappé les fragiles budgets nationaux de plein fouet. L’effet des mesures de stabilisation automatique qui entrent en jeu lors d’un ralentissement économique, le soutien apporté aux banques en difficulté et les paquets fiscaux adoptés par les gouvernements ont été autant de facteurs à saper la viabilité fiscale.

    La réévaluation soudaine du risque souverain par les marchés financiers a exercé des pressions considérables sur les gouvernements de la zone euro pour qu’ils réduisent les déficits publics. Mais le risque existe que la consolidation fiscale soit oubliée pour peu qu’un semblant de réduction des déficits calme les marchés. Pour minimiser ce risque, il est nécessaire que les pays de la zone euro revoient et renforcent le système institutionnel permettant de sauvegarder les finances publiques et de coordonner des réformes structurelles qui auraient dû être mises en ouvre il y a longtemps.

    Ces efforts devront s’accompagner de réformes en profondeur, avec notamment une surveillance fiscale et macroéconomique exempte de considérations politiques, des règles budgétaires plus strictes et plus contraignantes accompagnées de sanctions progressives en cas de non respect de ces règles, et une étroite coordination des politiques économiques. La création d’un organisme indépendant, formel ou informel, est la meilleure manière d’éviter les pressions politiques, tandis que des règles budgétaires plus strictes et plus contraignantes doivent intégrer un lien plus étroit entre les critères de déficit et de dette publics.

    En fait, la réduction du niveau élevé actuel des dettes publiques de la zone euro nécessite une consolidation substantielle. Les gouvernements devront tout d’abord ramener le déficit public à moins de 3 pour cent du PIB, conformément à la décision du Conseil européen. Ensuite, pour réduire par paliers un ratio élevé de la dette, les gouvernements devront chercher à réduire le déficit public de manière plus conforme à leurs objectifs budgétaires à moyen terme.

    Pour être crédibles, les sanctions devront intervenir bien avant qu’un pays connaisse des difficultés économiques ; elles ne doivent donc pas être uniquement de nature financière, mais comprendre également d’autres mesures. Ces sanctions doivent être imposées dès qu’un gouvernement ne respecte pas les exigences minimales permettant d’atteindre les objectifs budgétaires à moyen terme. Elles doivent ensuite devenir progressivement plus sévères, plus un pays contrevient longtemps et sérieusement aux règles établies.

    En ce qui concerne la politique structurelle, un meilleur système de surveillance et de sauvegarde de la compétitivité de chaque pays, et pour éliminer les déséquilibres, est nécessaire. Il faut pour cela prévoir un suivi et une surveillance de la compétitivité.

    Les pays devraient être assignés à un groupe de risque selon leur vulnérabilité économique. Plus le risque est élevé, plus contraignantes seront les recommandations en vue d’une réduction des déséquilibres, plus stricte la surveillance de la manière dont les mesures appropriées sont appliquées, et plus dures les éventuelles sanctions liées au non respect des règles.

    Des propositions concernant la création d’une nouvelle institution de gestion de crises ont été avancées, qui nécessiteraient sans doute une modification du traité (de Maastricht ?). Mais si les réformes de la politique fiscale et de la coordination des politiques économiques aboutissent, une telle institution n’aurait pas besoin d’intervenir et serait donc superflue.

    Les réformes structurelles et les mesures de consolidation fiscale ne sont, soit dit en passant, pas réservées aux pays accusant un déficit du compte courant. Les pressions sont naturellement plus fortes sur ces pays-là, mais aucun pays de la zone euro ne peut prétendre avoir une situation budgétaire saine dans la durée. Les pays excédentaires doivent, eux aussi, agir pour renforcer leur économie en adoptant des mesures créatrices d’emploi et qui encouragent les investissements.

    Ces ajustements sont douloureux mais nécessaires. Sans réformes structurelles pour relancer l’emploi et la croissance, même les efforts les plus sérieux pour encourager la reprise n’auront aucun effet, que ce soit au plan économique ou politique.

    Jürgen Stark est membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.


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