• MATCH DE CATCH ECONOMIQUE

    C'est le combat du siècle -- match de catch économique dans la boue ! Ne manquez pas le spectacle !
     Pour commencer, <st1:personname productid="la Teutonne Blonde..." w:st="on">la Teutonne Blonde...</st1:personname> la chancelière allemande Angela Merkel... a défié une meute de banquiers centraux et d'économistes, les accusant d'empirer la situation en dépensant de l'argent qu'ils n'avaient pas... et en causant de l'inflation.
      Puis l'historien Niall Ferguson -- Professeur Punch -- a porté un coup aux empêcheurs de tourner en rond dans les pages du Financial Times. Son idée était assez simple : les autorités dépensent des milliers de milliards de dollars sans réellement savoir ce qu'elles font. Si elles empruntent de l'argent pour stimuler l'économie, elles ne font que retirer de l'argent de la sphère privée pour le détourner vers les dépenses publiques. Il n'y a rien à gagner là, dit-il.
    Attention, Niall !... Le Nettoyeur du Nobel -- l'économiste Paul Krugman -- a riposté.
     Sur son blog, Krugman a accusé Ferguson de "vivre au Moyen-Age de la macroéconomie, où la connaissance durement acquise a simplement été oubliée".
    La "connaissance durement acquise" en question était la "preuve" avancée par Keynes que les dépenses gouvernementales supplémentaires sont bien un plus pour l'économie -- tant qu'il n'y avait pas le plein emploi. Une fois le plein emploi atteint, les choses changent, disait-il. A ce moment-là, l'emprunt gouvernemental ne fait qu'"étouffer" l'emprunt privé.
    Nous ne nous attendons pas à ce que les lecteurs de <st1:personname productid="la Chronique" w:st="on">la Chronique</st1:personname> soient terriblement intéressés par ces querelles -- vous avez mieux à faire.
    Nous en parlons simplement pour prouver quelque chose. Les gouvernements de la planète -- menés par les Etats-Unis d'Amérique -- dépensent des milliers de milliards pour empêcher ce qui pourrait être une terrible dépression. Cependant, la théorie sur laquelle ils basent leurs propres théories est si mince que les principaux penseurs de la planète semblent ne pas pouvoir s'y appuyer. Merkel pense que la théorie est fausse ; Ferguson pense qu'elle est fausse. Bon sang, même nous pensons qu'elle est fausse.

    Non que cela prouve quoi que ce soit. Nous pourrions avoir tort. Mais nous ne dépensons pas des milliers de milliards de dollars sur une idée qui fait l'objet de débats enflammés.
    "La révolution keynésienne n'a pas été un triomphe de la science, mais un triomphe du bon sens", titrait le Financial Times cette semaine. Ha ha... elle est bonne. Ils ont raison, évidemment. Il n'y a pas de science dans l'oeuvre de Keynes. Juste des suppositions. Et du bon sens ? Il n'y en a guère, là non plus.
    Quant à la "preuve" de Keynes, elle est pleine de défauts. Il affirme seulement que lorsque les autorités empruntent et dépensent durant une récession, elles ne peuvent pas "étouffer" l'emprunt privé sans également augmenter l'activité économique -- ce qu'il considère comme étant un gain.
    Cela nous rappelle à quel point les économistes peuvent être benêts. Imaginez une ville où les gens ont trop emprunté et dépensé. Confronté au chômage et à un ralentissement économique, le maire emprunte de l'argent pour construire une nouvelle mairie -- remettant ainsi des ressources "oisives" au travail.
    Il n'"étouffe" pas l'activité privée, puisque les citoyens privés sont à l'abri, essayant de rembourser leurs dettes. Ils épargnent. Ils prêtent au maire. Les emprunteurs privés n'ont pas de meilleur usage pour l'argent.
    Telle est la théorie. En surface, il semble que le plan de relance du maire soit un grand succès. Les gens ne tardent pas à se remettre au travail. L'argent change de mains. La nouvelle mairie se construit.
    Mais que s'est-il réellement passé ? Les citoyens auront une nouvelle mairie. Mais c'est un bâtiment qu'ils ne voulaient pas particulièrement lorsque tout allait encore bien. A présent, ils ont aussi leur part sur la dette que le maire a contractée pour construire ladite mairie.Oui, la ville peut sembler plus prospère -- avec des gens employés dans la nouvelle mairie, récoltant des salaires et dépensant de l'argent. Mais la prospérité est factice. Les citoyens n'ont pas obtenu uniquement une chose qu'ils ne voulaient pas, mais deux -- une nouvelle mairie et plus de dette. Et d'une manière ou d'une autre, à un moment ou à un autre... d'autres dépenses devront être mises en suspens pour que la mairie puisse être remboursée !
    C'est ce que disait Angela Merkel dans son attaque sur les banques centrales. En fin de compte, dans 10 ans, nous serons de retour là où nous en sommes aujourd'hui.

    Bonner Bill 


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  • Tout change, rien ne change





    On commençait déjà à avoir de sérieux doutes sur le fait que la crise des subprimes débouchât sur une transformation en profondeur des structures et des moeurs de l'économie mondiale, qu'elle conduisît à une rupture franche avec le capitalisme financier. Avec ce qu'il s'est passé cette semaine aux Etats-Unis et en Europe, les doutes sont devenus des certitudes.

    Le président Obama, donc, qui devait nous guider vers un monde à la fois nouveau et meilleur, plus moral et vertueux, d'où les excès salariaux et les dérives inégalitaires auraient disparu, a renoncé à brider les rémunérations des banquiers de Wall Street.

    Le candidat Obama n'avait pourtant cessé de répéter que la distribution de bonus mirobolants expliquait des prises de risques qui l'étaient encore plus. Et il avait promis d'y mettre bon ordre une fois installé à <st1:personname productid="la Maison Blanche." w:st="on">la Maison Blanche.</st1:personname> On allait voir ce qu'on allait voir.

    On a vu. " Je veux être clair sur ce que nous ne faisons pas, a expliqué cette semaine le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner. Nous ne posons pas de limite sur les salaires (...) et nous n'imposons pas de règles sur la façon dont les entreprises doivent fixer leurs rémunérations. "

    Ouf, Wall Street peut respirer. Les traders de Goldman Sachs, de Morgan Stanley, les gérants de hedge funds avec leurs bonus de plusieurs millions de dollars aussi. Et les vendeurs de Porsche et de Rolex, les vendeurs de produits dérivés bling-bling peuvent reprendre espoir.

    Bien sûr, on ne peut exclure que M. Obama, prévoyant, ait pris cette décision en songeant au financement de sa future réélection - les banquiers d'affaires de Wall Street ont été les principaux pourvoyeurs de fonds de sa campagne en 2008.

    De façon moins soupçonneuse et plus recevable, <st1:personname productid="la Maison Blanche" w:st="on">la Maison Blanche</st1:personname> a probablement souhaité ne pas mettre en danger la compétitivité des banques américaines et de sa place financière. A limiter unilatéralement les salaires, les institutions financières couraient le risque d'une hémorragie de talents et du départ de ces derniers vers des cieux plus cléments : quels footballeurs iraient jouer au Real Madrid si les salaires y étaient plafonnés et plus faibles qu'ailleurs ? Probablement pas Cristiano Ronaldo, dont le transfert record de 94 millions d'euros représente, selon les calculs de la presse espagnole, le versement pendant un an d'indemnités à 10 000 chômeurs. Tout change, rien ne change.

    Pour revenir à Wall Street, on peut comprendre, compte tenu des énormes enjeux en termes d'emplois et de création de richesse, que Washington ait décidé le statu quo sur les émoluments. Mais on peut aussi s'agacer contre soi-même et sa propre naïveté, pour avoir cru M. Obama quand il promettait de faire passer la morale avant l'efficacité économique.

    En Europe, ce sont les dirigeants de la droite libérale qui ont, comme les traders de Wall Street, sabré le champagne. Vainqueurs partout, sauf en Slovaquie et en Grèce, qu'ils soient dans l'opposition ou au pouvoir. Vainqueurs inattendus, tant il était logique de penser que la crise économique et financière la plus grave depuis les années 1930 allait se traduire dans les urnes par une déroute des partis symbolisant un capitalisme libéral, lui-même en pleine déconfiture.

    On a beau triturer les résultats du vote dans tous les sens et dans tous les pays, on a du mal à y déceler les traces d'une volonté de changer le système. Le NPA d'Olivier Besancenot, candidat officiel de l'anticapitalisme, n'a guère fait mieux que les chasseurs, dont les ambitions révolutionnaires étaient plus limitées, sinon plus pacifiques : obtenir la prolongation des dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs, à la bécasse et aux sarcelles.

    Pas facile non plus de voir dans la poussée verte observée en France - mais pas ailleurs en Europe - une condamnation de la mondialisation libérale. D'abord parce que la pensée économique de Daniel Cohn-Bendit est aussi subtile que complexe, lui-même se revendiquant " libéral-libertaire " mais aussi ultra-keynésien, favorable au libre-échange mais pas hostile au protectionnisme (via les normes environnementales), partisan d'une relance (verte) de la croissance mais allié à un partisan de la décroissance (José Bové). Plutôt pour l'économie de marché, plutôt contre la société de consommation. Compliqué.

    Encore plus compliqué lorsqu'on observe que les électeurs d'Europe Ecologie ne semblent, pour leur part, pas du tout effrayés par la société de consommation, à en juger par le nombre de boutiques branchées dans les arrondissements de Paris du boboïsme extrême (IIIe, IVe et IXe), où la liste verte a réalisé ses meilleurs scores.

    <st1:personname productid="La Grande D←pression" w:st="on">La Grande Dépression</st1:personname> des années 1930 avait eu des conséquences politiques majeures, favorisant l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne, expliquant la montée des ligues en France et portant Roosevelt à <st1:personname productid="la Maison Blanche" w:st="on">la Maison Blanche</st1:personname>, aux Etats-Unis. La crise des subprimes a sans doute facilité la victoire de M. Obama, mais on sait depuis cette semaine que, avec lui, l'Amérique des hyperinégalités a de beaux jours devant elle. En Europe, une droite renforcée par le vote du 7 juin s'apprête à reconduire à la tête de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> le très libéral José Manuel Barroso. Et le non moins libéral Peter Mandelson peut expliquer, avec de fortes chances que ses voeux soient exaucés, que la prochaine Commission devra avoir " pour tâche primordiale " de lutter contre " l'intervention et le dirigisme ". Libéralisme et capitalisme ne sont pas morts.

    Pierre-Antoine Delhommais
    Chroniqueur au Monde

    Quel Séisme, 15 ans de richesse perdus  


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  • Voici intégralement l'article de François Leclerc, publié aujourd'hui sur le blog de Paul Jorion.

    « Le gouvernement veut probablement gagner du temps, tenant en vie les banques alors qu’elles luttent pour la vie, cherchant la porte afin de sortir du gâchis dans lequel elles sont. Le danger est que cela affaiblit les banques, qui vont continuer à ne pas être disposées à prêter, obérant les efforts du Président Barack Obama de sortir l’économie de la récession. » C’est ainsi que Joseph Stiglitz commente la situation, sans se laisser visiblement impressionner par la confusion entretenue qui règne à propos des banques dans les médias.

    Deux descriptions contradictoires de la même situation s’affrontent actuellement aux Etats-Unis. D’un côté, un discours officiel optimiste, relayé par les banques, pour leur part ravies, qui prend appui sur le résultat des « stress tests » ainsi que sur la réussite de l’appel au marché des banques qui l’a suivi, aboutissant hier mardi à l’annonce que dix d’entre elles sont autorisées à rembourser les fonds publics dont elles ont bénéficié. Signifiant ainsi symboliquement qu’elles n’auront plus besoin d’aide publique, étant tirées d’affaire pour l’avenir. Dans ces conditions, le partenariat public-privé (PPIP), hier grande affaire mais aujourd’hui moins indispensable, est peut-être voué à passer tout simplement à la trappe. Ce ne serait pas la première fois qu’une telle volte-face serait opérée par le Trésor.

    De l’autre, le FMI, ainsi qu’un fort carré d’économistes américains irréductibles, et non des moindres, qui continuent de prendre leurs distances avec le renouveau proclamé sur tous les tons et maintiennent qu’il y a anguille sous roche. Ils mettent l’accent sur le fait que les banques sont toujours vulnérables, n’ayant pas fait à fond le ménage. Sans oublier des représentants plus lucides du monde de la finance, qui voient également un autre film se dérouler devant leurs yeux : « la caractérisation appropriée du marché est que le crédit était il y a deux mois en situation de détresse, il est maintenant seulement stressé » a déclaré Tad Rivelle, de Metropolitan Asset Management, à l’agence Bloomberg. Selon lui, l’économie décline désormais de manière plus modérée, mais cela ne doit pas être confondu avec une reprise proche. « Nous restons dans un environnement économiquement dur et le chômage continue d’augmenter » a-t-il poursuivi. Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du FMI, vient de son côté de déclarer avant-hier lundi à Montréal, une fois de plus puisqu’il ne parvient pas à se faire entendre, que « Le processus (d’assainissement du secteur bancaire) est beaucoup trop lent (…) c’est probablement le risque le plus important pesant sur (une reprise en 2010) ». « Il n’y a jamais de reprise tant que l’assainissement n’a pas été achevé », a-t-il insisté.

    Mais le geste politique le plus significatif, bien que probablement sans effet dans l’immédiat, a été effectué par « The Congressional Oversight Panel » (la Commission de surveillance du Congrès, dirigée par Elizabeth Warren) qui a recommandé au Trésor la tenue de nouveaux « stress tests » des banques américaines, si le chômage devait dépasser les niveaux adoptés lors de leur tenue. Il se trouve que c’est déjà le cas, et cela s’appelle un croc-en-jambe, alors qu’il a donc été triomphalement accordé à dix des plus grandes banques américaines leur bulletin de sortie de l’hôpital. « Le retour de ces fonds ne doit pas faire oublier les excès passé ni autoriser les inconduites à venir », a bien prévenu Barack Obama, comme une sorte de vœu pieux dont on attend la concrétisation.

    Sans illusions, on pourra juger sur pièces le 17 juin prochain, date à laquelle le Trésor devrait divulguer son plan de révision de la régulation financière, rendant public le cadre dans lequel l’activité des banques et des hedge funds devrait dorénavant s’exercer, les mesures concernant les produits dérivés, ainsi que le dispositif institutionnel chargé de la surveillance anti-systémique de l’ensemble. Car « l’industrie financière » essaye désormais de se refaire une santé, par ses propres moyens et avec ses méthodes éprouvées. Cela implique qu’elle ait les coudées franches pour y parvenir, En d’autres termes, que les mesures de régulation qui seront finalement adoptées n’y fassent pas obstacle. Et qu’elle puisse également reconstituer ses marges (c’est la formule consacrée) grâce à ses activités de prêt aux entreprises et aux particuliers.

    Le Wall Street Journal vient d’annoncer que l’administration Obama renonçait à maintenir le projet de restrictions des rémunérations des institutions financières ayant reçu une aide publique, après avoir, au contraire, envisagé d’étendre ces mesures. La loi limite certes le montant des bonus, mais elle est ouvertement contournée par des augmentations de salaire, c’est donc la finance qui impose sa loi.

    Deux conséquences vont résulter de ce processus, si rien ne s’y oppose. Premièrement, la reconstitution progressive d’une nouvelle bulle spéculative privée, qui côtoiera la bulle des dettes publiques en cours de constitution. Avec, à l’arrivée, deux bulles pour le prix d’une seule ! Deuxièmement, un sérieux coup de frein au redémarrage de l’économie, expliquant la longue période de convalescence qui est annoncée de toutes parts, sans plus d’explications.

    Il ne faut pas chercher ailleurs que dans la compréhension de ce processus l’origine des pronostics d’Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, reflet du consensus qui se forme à propos de l’état de l’économie dans les années à venir : « Nous étions jusqu’à maintenant en chute libre et cela s’est arrêté », vient-il de déclarer. L’actuelle récession économique mondiale va laisser « des cicatrices durables », a-t-il poursuivi lundi dernier sur la chaîne de télévision canadienne CTV, « Il se peut qu’à l’avenir, le chômage demeure à un niveau beaucoup plus élevé qu’avant la récession », la faiblesse du crédit et de l’investissement entravant la croissance.

    Rendant public son rapport annuel sur la zone euro, le FMI a confirmé : « La reprise sera probablement lente et sa forme ainsi que le moment où elle interviendra sont fortement incertains (…) Le désendettement en cours, la restructuration des entreprises, et la montée du chômage pèseront sur la demande intérieure. La correction des déséquilibres mondiaux et le taux de change relativement fort limiteront le soutien venu de l’extérieur ».

    Cela ne fait désormais plus débat, nous devons au mieux nous attendre à nous retrouver, en termes de croissance, sur la branche horizontale d’un « L », d’une longueur indéfinie, tout du moins lorsque nous y serons enfin parvenus. Car les indicateurs composites avancés de l’OCDE du mois d’avril ne laissent présager dans l’immédiat qu’une simple « atténuation du rythme de détérioration » de l’économie dans la plupart des pays industrialisés. La déclaration de Barack Obama, lundi dernier à Washington, selon laquelle « … nous sommes toujours au cœur d’une récession très profonde et il nous faudra un temps considérable pour en sortir », constatant que le taux de chômage était désormais de 9,4%, son plus haut niveau depuis un quart de siècle, ne dit pas non plus autre chose. Daniel Tarullo, l’un des gouverneurs de la Fed a abondé dans le même sens, en déclarant : « la reprise pourrait être douloureusement lente, et l’économie restera inhabituellement vulnérable à de nouveaux chocs », ajoutant : « les nouvelles restent mauvaises dans deux domaines qui importent directement pour les familles américaines: le chômage continue de monter et le prix du logement continue de baisser ».

    Les conclusions de la réunion des ministres européens de l’économie et des finances de Luxembourg d’hier mardi, prélude au prochain sommet des chefs d’Etat de l’Union Européenne des 18 et 19 juin prochains, n’incitent pas d’avantage à l’optimisme. « La priorité doit être donnée à la viabilité à long terme des finances publiques », y est-il indiqué, ce qui signifie dans la langue de tous les jours : coupes sombres dans les budgets et augmentations de la fiscalité à prévoir pour demain. « Tout le monde est d’accord pour dire que nous avons besoin d’une stratégie de sortie » (de la crise et des déficits) a déclaré, dans l’optique d’une sortie de la récession au cours des 3ème ou 4ème trimestre 2010 (comme si c’était déjà fait), Joaquin Almunia, commissaire européen aux affaires économiques. Sans hélas préciser ce que les participants à la réunion entendaient exactement par là. Ce qui n’est pas étonnant, car les Français ont à nouveau cherché à obtenir un assouplissement du pacte de stabilité (imposant de ne pas dépasser la limite de 3% du PIB avec les déficits), ce que les Allemands ont catégoriquement refusé d’accepter.

    Autre sujet de discorde à l’ordre du jour du sommet des 18 et 19 juin, mais cette fois-ci avec les Britanniques, les propositions de Bruxelles de supervision financière en Europe. Le dispositif de surveillance financière fait l’objet d’une bataille d’amendements qui fait craindre pour sa future efficacité, car il pourrait aboutir à placer la City sous contrôle de la BCE, elle-même sous influence d’Allemands rigoristes et décidés à ne pas se laisser entraîner sur certaines pentes fâcheuses, après avoir découvert combien leurs propres banques avaient lourdement fauté. Ce désaccord prenant le pas sur tous les autres, la mise au point du panier européen de mesures de régulation n’avance pas par ailleurs.

    Heureusement, les Européens ne sont pas systématiquement divisés sur tous les sujets, notamment à propos des stress tests des banques. « On veut des tests de résistance pour tout le système bancaire (…) qui ne regardent pas la situation spécifique des fonds propres des banques individuelles », a en effet déclaré mardi, sans être contredit par quiconque, Peer Steinbrück, le ministre allemand des finances. Prenant toutes ses précautions, il a ajouté : « nous sommes contre la publication des résultats » de ces tests, pouvant avoir des « effets contre-productifs » de panique. Les mauvais esprits pouvant en conclure que la situation de certaines banques est loin d’être brillante, en dépit du silence entretenu à ce propos.

    Jim Flaherty, le ministre canadien des Finances, a révélé hier à Ottawa que la question sera évoquée lors du prochain G8 de la fin de la semaine, en Italie. « Il y a déjà eu des discussions pour encourager la tenue de ’stress tests’, non seulement sur les banques américaines, mais aussi sur les banques européennes, où cela n’a pas nécessairement eu lieu », a-t-il précisé. En clair, les Américains et les Canadiens s’inquiètent dorénavant de la situation des banques européennes, considérant qu’ils ont pour leur part avancé et que les Européens traînent les pieds. Timothy Geithner vient de préciser, au sujet de ce G8, que les Etats-Unis comptaient « s’assurer que le monde marche avec eux pour élever les normes » en matière de régulation financière. On va donc assister à ce spectacle paradoxal d’Américains apparaissant comme plus régulateurs que les Européens, ayant annoncé la veille du G8 leurs propres réformes en devançant ces derniers, se décernant ainsi un brevet de bonne conduite

    Enfin, un autre facteur important va aussi freiner la reprise. L’un des chroniqueurs du Financial Times, Wolfgang Münchau, analysait hier mardi le cadre général d’évolution de l’économie mondiale, pour considérer que toute attente de la relance provenant des Etats-Unis était vaine. Il s’appuyait sur cette constatation, non sans de solides arguments, pour mettre en cause la politique de la chancelière allemande, Angela Merkel, estimant en conclusion, que : « L’Allemagne va être au plus bas pour une longue période, avec une énorme crise bancaire toujours non résolue, un taux de change sérieusement dopé, présidée par des politiciens paniquant devant la perspective d’une inflation à domicile. Cela ne se terminera pas bien. »

    Deux catégories de pays vont en effet particulièrement souffrir de la crise : ceux où les particuliers ont malencontreusement enfourché le balais magique de l’endettement qui leur a été avantageusement proposé, et ceux dont le modèle reposait principalement sur le commerce extérieur. Parmi les pays de l’OCDE, pour ce dernier cas, figurent l’Allemagne et le Japon. Ainsi que la Chine et le Brésil parmi les pays émergents. La énième relance des négociations du cycle de Doha, que vient de tenter Pascal Lamy, le directeur général de l’OMC, apparaît comme un peu dérisoire dans ce contexte.

    Robert Zoellick, le président de la Banque Mondiale, vient pour sa part de s’accrocher à un autre espoir, en déclarant à l’occasion d’une conférence à Montréal que c’est la Chine qui allait prochainement sortir l’économie mondiale de la récession : « La Chine va surprendre positivement » a-t-il déclaré, précipitant peut-être un peu le rythme selon lequel cette surprise pourrait intervenir. Sans manifester une telle impatience, il sera toutefois instructif de suivre les travaux du premier sommet des chefs d’Etat du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), le 16 juin prochain, pour lequel le Président chinois Hu Jintao se rendra en Russie et rencontrera Wladimir Poutine et Dmitri Medvedev, respectivement premier ministre et président de la Russie. « Les dirigeants se concentreront sur la crise financière internationale, le sommet du G20, la réforme des institutions financières internationales, la sécurité alimentaire et énergétique, le changement climatique, l’aide au développement et l’avenir du dialogue au sein du BRIC » a annoncé à Pékin le vice-ministre chinois des affaires étrangères, He Yafei. Pour le moins, ce sommet va être symbolique des nouveaux rapports de force mondiaux en gestation.

    Voilà donc le prix prévisible qui va devoir être payé pour que le système financier redevienne florissant - s’il y parvient sans autre accident de parcours. Plus visiblement parasitaire de l’économie, dont il va freiner l’essor au prétexte de la financer. Sa propre prospérité va désormais reposer sur une croissance économique réduite, dont il va porter la responsabilité, ainsi que la contraction des échanges commerciaux mondiaux, la diminution de la consommation des ménages, sans compter quelques conséquences sociales secondaires comme un fort taux permanent de chômage, une augmentation généralisée de la précarité et un accroissement de la pauvreté. Il va falloir le justifier ou l’imposer.

    Jorion Paul 


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  • Jeunes pousses ou mauvaise herbe ?

    by Nouriel Roubini

     

    NEW YORK – De récents travaux laissent penser que le taux de contraction de l'économie mondiale serait à la baisse. Mais l’espoir suscité par les signes de la reprise aussi appelés « pousses vertes » est étouffé par plein de mauvaise herbe. Les derniers chiffres concernant le marché de l’emploi, la vente au détail, la production industrielle et l'immobilier aux Etats-Unis restent bas. L’indication de la croissance par le PIB au premier trimestre est bien morose en Europe. L’économie japonaise est toujours plongée dans le coma et les exportations de <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> – qui se rétablit – sont bien faibles. L’idée consensuelle que l’économie de la planète toucherait bientôt son point le plus bas se révèle – une fois de plus – par trop optimiste.

    Suite à la banqueroute de Lehman Brothers en septembre 2008, le système financier mondial s’est quasiment effondré et l’économie mondiale s’est retrouvée en chute libre. En effet, le taux de ralentissement économique au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre <st1:metricconverter productid="2009 a" w:st="on">2009 a</st1:metricconverter> atteint un niveau proche de celui de la dépression.

    C’est alors que les décideurs du monde entier ont agi avec foi et ont commencé à utiliser la plupart des armes de leur arsenal : mesures fiscales très assouplies, croissance monétaire conventionnelle et non conventionnelle, injection de monnaie par milliers de milliards de dollars, recapitalisation, garanties et assurance d’endiguer l'effondrement des crédits et des liquidités, le tout soldé par un soutien massif apporté aux économies émergeantes. L’on dénombre plus de 150 types d’interventions et de mesures de par le monde rien que pour les deux derniers mois.

    Cette politique – équivalent de la doctrine de « force écrasante » de l'ancien secrétaire d’état américain Colin Powell, cumulée au fort recul de la production en dessous de la demande finale des biens et des services (allégeant le stock des invendus), plante le décor du début de l’année prochaine : la plupart des économies toucheront le fond.

    Ceci prouve que les optimistes qui parlaient l’an dernier d’un atterrissage en douceur ou d’une récession moyenne en forme de V d’une durée de 8 mois avaient tort et donne raison à ceux qui avançaient que la récession serait d’ordre plus sévère, en forme de U et d’une durée de 24 mois – les Etats-Unis en sont à leur 18e mois de contraction. Mais les derniers chiffres économiques viennent anéantir l’optimisme diagnostiquant la fin du tunnel pour mi-2009.

    La question primordiale n’est cependant pas de savoir quand l’économie mondiale touchera le fond mais plutôt si la reprise mondiale – quelque soit le moment – sera assez solide à moyen terme. Impossible de nier la forte croissance du PIB sur quelques trimestres tandis que le cycle du stock et les mesures appliquées mènent à une renaissance à court terme. Mais ces petits signes de reprises dont on entend tant parler ces jours-ci pourraient bien être recouverts de mauvaise herbe à moyen terme, annonçant une reprise mondiale faible sur les deux prochaines années.

    Premièrement, le chômage est toujours en forte hausse aux Etats-Unis et dans d’autres pays. En effet, le taux de chômage dépassera les 10 % dans les économies avancées en 2010. C’est une bien mauvaise nouvelle pour la consommation et le manque à gagner des banques.

    Deuxièmement, la crise porte sur la solvabilité et pas seulement sur les liquidités. Le véritable effet de levier inversé n’a pas encore démarré car nous ne sommes pas en train de réduire les pertes du secteur privé ni l’endettement des ménages, des institutions financières et même des entreprises. On les rend sociales et les reporte au bilan des gouvernements. Le manque d’effet de levier inversé limite la capacité de prêt des banques, les dépenses des foyers et l'investissement des entreprises.

    Troisièmement, dans les pays dont la balance des transactions courantes est déficitaire, les consommateurs devront dépenser moins et économiser bien plus durant de nombreuses années. Criblés de dettes, interdits de dépenses et épargnant moins, les consommateurs sont touchés par le choc des richesses (chute du prix de l’immobilier et effondrement de la bourse), coefficient service-dette à la hausse, emplois et revenus à la baisse.

    Quatrièmement, le système financier – en dépit de la politique de pare-feu – est gravement endommagé. Il n’y a quasi plus de système financier fantôme et les banques commerciales traditionnelles sont accablées par les milliers de milliards de dollars qu’elles vont perdre sur les prêts et autres instruments tandis qu’elles sont toujours sérieusement sous-capitalisées. Donc la crise du crédit ne va pas se dissiper si vite.

    Cinquièmement, la faible profitabilité, due aux dettes élevées et au risque par défaut, et la faible croissance économique – entraînant de faibles recettes –, ajoutées à une pression constante pour une déflation de la marge des entreprises continueront de réduire la volonté des sociétés de produire, d’embaucher et d’investir.

    Sixièmement, le taux à la hausse de la dette nationale finira par mener à une augmentation du taux d'intérêt directeur, qui pourrait rebuter les dépenses du secteur privé et même mener à un risque souverain de refinancement.

    Septièmement, tandis que la monétisation du déficit fiscal n’entraîne pas d’inflation sur le court terme, la relâche du marché du travail et de la production est synonyme de déflation massive. Si les banques centrales ne trouvent pas de bonne stratégie pour sortir des politiques qui doublent ou triplent la base monétaire, l’inflation des prix à la consommation ou une bulle du crédit et d’autres actifs dangereux (ou les deux) finiront bien par arriver. Il est évident que la dernière hausse du prix des actions, des marchandises et d’autres actifs risqués est due à l’injection de liquidités.

    Huitièmement, certaines économies émergeantes aux fondamentaux économiques plus faibles ne pourront pas éviter de grave crise financière, malgré le soutien massif du FMI.

    Dernièrement, la réduction des impayés dans le monde sous-entend que les économies dispendieuses à la balance commerciale déficitaire (les Etats-Unis et d’autres pays anglo-saxons) vont réduire l’excédent commercial de pays qui épargnent trop (<st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> et d’autres pays émergents, ainsi que l’Allemagne et le Japon). Or, si la demande intérieure n’augmente pas assez vite dans les pays en excédent, la baisse de la demande de fourniture mondiale qui en résulte – ou inversement l’excès d’épargne mondiale relatif à l'investissement – conduira à une reprise de la croissance faible dans le monde avec des économies qui augmentent bien plus lentement qu’elles ne le pourraient.

    La stabilisation et ses jeunes pourraient donc être remplacées par la mauvaise herbe de la stagnation si certains facteurs à moyen terme limitent la capacité de l'économie mondiale à revenir à une croissance durable. Si les faiblesses structurelles ne sont pas palliées, il n’est pas exclu que l’économie soit en hausse en 2010-2011, mais à un taux anémique.

    Juin 2009

    Roubini Nouriel 


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  • Passer aux choses sérieuses

    le 3 juin 2009 7h21 | par
    Jacques Attali

     

     Contrairement à ce qu’on voudrait faire croire, la crise s’approfondit : aux  Etats-Unis, tous les déficits  augmentent ; les défauts des banques s’aggravent ; et même si Wall Street est en hausse, sa valeur est  encore 40% inférieure à celle  d’octobre 2007.  De plus, chacun murmure, dans les cercles informés, qu’il faut s’attendre à bien d’autres  tsunamis : sur les crédits immobiliers privés, sur les  cartes de crédit, et  sur  l’immobilier commercial.   

     Pour y répondre,  les Etats-Unis, dans un pari fou,  investissent l’argent qu’ils n’ont pas dans les secteurs de pointe. Et la Chine, dans un pari tout aussi audacieux, abandonne tout espoir d’une reprise de ses exportations vers l’Amérique et investit, dans une relance gigantesque,  20% de son PIB en infrastructures internes.

      L’Europe, face à cela, ne fait rien. Paralysée par son histoire et par ses prudences, elle préfère croire que la crise va se régler d’elle-même. Ayant tout misé sur une réforme de la gouvernance mondiale, dont la comédie de Londres n’a naturellement pas accouché, elle semble désormais attendre que le marché sorte de sa poche un remède miracle.   Privée de dirigeants audacieux à Bruxelles , l’Union ne se donne  aucun moyen nouveau ni pour protéger ses banques, ni pour relancer ses secteurs de pointe.  2008 et 2009 resteront comme les années du néant européen. L’euro lui-même ne résistera pas à un tel choc.

    Il est temps pour la France de comprendre que, à ce rythme là, le pire est  presque certain : un marché immobilier en baisse  ; une surcapacité de production dans les grands secteurs ;   une récession en  2009,   2010, et même de 2011 ; le chômage dépassera les 3,5 millions de personnes ;  le déficit budgétaire atteindra , malgré tous les maquillages, les 8 ou même les 10 % du PIB,  à moins d’augmenter massivement les impôts, ce qui sera de plus en plus  difficile, avec l’approche des élections présidentielles ; les  élites scientifiques et  techniques  se révolteront ou partiront,   écœurées par la révélation des fortunes  faites  dans la finance .

      Il faut affronter une réalité difficile, la répéter tous les jours, jusqu’à ce qu’on la comprenne :   Si le pouvoir politique  n’agit pas massivement, de façon véritablement révolutionnaire, la récession  est là pour au moins dix ans ; elle  débouchera sur un décrochage de l’Europe et  de la France, à jamais distancées par les pays qui auront compris l’importance des révolutions en cours.

    Agir,  c’est donc  relancer massivement l’industrie par des dépenses clairement ciblées sur les secteurs d’avenir : la santé, l’énergie, l’agriculture, les infrastructures, l’environnement, les nouveaux matériaux, les logiciels, les nanotechnologies, les neurosciences, les services de pointe et les industries culturelles.  Et pour cela augmenter significativement les salaires des chercheurs, des professeurs, des médecins, des ingénieurs, c'est-à-dire de   tous ceux, qui par leur créativité apportent aux pays. Au détriment, si nécessaire, des revenus et des privilèges  de ceux qui les dirigent,  les financent ou les distraient.  C’est accepter provisoirement des déficits ciblés pour financer ces dépenses d’avenir. C’est   promouvoir de nouveaux modèles d’entreprises, plus  soucieux du long terme, et proches de ceux des ONG et des services publics ; c’est  orienter la finance vers la prise de risque dans les secteurs de long terme, et non vers le profit pour compte propre.   

      Ce  n’est pas d’un nouveau plan de relance que nous avons  besoin, mais d’une véritable prise de conscience des urgences  culturelles et politiques. Et en particulier  d’une remise en cause radicale de la  répartition des pouvoirs entre ceux qui créent et ceux qui financent, condition, une fois de plus, de notre survie. 

    j@attali.com

    Attali jacques 


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