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Le monde vient de connaître un des chocs économiques les plus violents de son histoire récente. La France n’a pas été épargnée, mais les conséquences pour la population ont été fortement atténuées par son système social. Ce rôle d’amortisseur joué par nos institutions est jugé si normal et évident qu’il n’est même plus remarqué.
Un airbag Daimler
Opérons un retour en arrière. A l’automne 2008, après le choc provoqué par la défaillance de Lehman Brothers, l’activité économique avait brutalement chuté partout dans le monde. Par crainte d’un effondrement complet du système bancaire et sans visibilité aucune sur l’avenir, les entreprises suspendaient leurs programmes d’investissement et arrêtaient leurs nouvelles commandes. Au cours du dernier trimestre 2008, le PIB a reculé de 1,5% en France, de 1,7% aux Etats-Unis, de 2,2% en Allemagne et de 2,7% au Japon. La chute s’est prolongée au début de 2009 dans la plupart des pays et, malgré la stabilisation intervenue ensuite, l’année 2009 dans son ensemble a été terrible.
La plupart des experts pensaient que la croissance mondiale resterait en territoire positif: les pays en développement vont si vite depuis quelques décennies que les périodes de récession ne font que freiner leur croissance et qu’une récession même sévère se traduit généralement par une croissance mondiale encore proche de 2%. Ces savants calculs ont été déjoués: en 2009, le PIB mondial a subi un recul de 0,6% et, dans certains pays, le choc a été terrible. Citons quelques exemples: des chutes du PIB de 8% en Finlande, 7,8% en Slovénie ou 7,6% en Irlande parmi les pays dits avancés selon la classification du FMI, de 18% en Lettonie ou 15,1% en Ukraine parmi les pays émergents ou en développement.
Tous les journaux ont fait la comparaison avec la crise de 1929. La suite des événements a montré que la gouvernance mondiale, en dépit de ses insuffisances, a tout de même réalisé quelques progrès et que les années 2010 ne devraient pas ressembler aux années trente, même si, surtout dans les pays avancés, le retour à la croissance s’annonce long et pénible. Le choc économique a cependant été très marqué et ses conséquences sociales sont partout présentes. Même les Etats-Unis, qui savent d’ordinaire sortir assez vite des crises et recommencer à créer des emplois, souffrent toujours d’un chômage de 9,6% de la population active; ils ignorent ce qui se passera quand les mesures exceptionnelles de prolongation des périodes d’indemnisation du chômage arriveront à leur terme. Quatre millions de personnes, selon les estimations actuelles, risquent de se retrouver sans ressources au printemps prochain.
La France décalée dans la crise comme dans la croissance
Et la France? En ce qui concerne l’économie, elle s’est comportée plutôt mieux que ses partenaires au plus fort de la crise, mais elle fait plutôt moins bien maintenant. Ainsi, en 2009, son PIB n’a reculé que de 2,5% tandis que celui de l’Allemagne chutait de 4,7%. Inversement, au deuxième trimestre 2010, tandis que le PIB allemand enregistrait une croissance très vive de 2,3%, celui de la France ne progressait que de 0,7%. C’est un grand classique: notre pays, moins bien armé que l’Allemagne pour partir à la conquête des marchés étrangers, se montre moins dynamique dans les périodes de croissance mondiale soutenue, mais, de ce fait, souffre moins en cas de retournement de la conjoncture.
Sur le plan social, le tableau est plus nuancé: les derniers événements ont laissé des traces profondes dans la société, mais toutes les statistiques ne sont pas aussi médiocres que le constat d’un tel désastre économique aurait pu le laisser croire.
Le marché de l’emploi est évidemment le plus touché. Ainsi que le rappelle l’Insee dans l’édition 2010 de son ouvrage de référence, France, portrait social, l’économie nationale a perdu 257.000 emplois en 2009 et le taux de chômage a augmenté de 1,9 point; en métropole, il est encore de 9,3% après avoir atteint 9,6% au dernier trimestre de 2009. En comparaison avec les précédentes périodes de récession, l’emploi salarié en contrat à durée indéterminée a mieux résisté. Mais pour deux raisons dont la première n’est pas très satisfaisante: de plus en plus d’emplois sont précaires (intérim, CDD, surtout chez les jeunes) et ce sont ces emplois-là qui ont le plus supporté les ajustements réalisés par les entreprises. Par ailleurs, il y a eu un recours plus large que d’habitude au travail à temps partiel, ce qui a permis d’éviter des licenciements.
La crise s’est-elle soldée par une progression forte de la pauvreté? Les travaux de l’Insee ne permettent pas encore d’en juger vraiment. L’établissement de ce genre de statistiques demande du temps et on ne dispose pas encore des chiffres 2009, qui seront certainement médiocres. Les chiffres déjà connus laissent craindre une détérioration de la situation des personnes les plus vulnérables. Deux méthodes complémentaires sont employées: l’une par le calcul de la pauvreté «monétaire», qui se mesure simplement par référence au revenu médian; l’autre par le calcul de la pauvreté «en conditions de vie», en référence à un certain nombre d’éléments de bien-être matériel dans quatre domaines de la vie quotidienne: contraintes budgétaires, retards de paiements, restrictions de consommation et difficultés de logement. Selon cette dernière méthode, entre 2004 et 2007, 22% des adultes ont été touchés au moins une année par cette pauvreté en conditions de vie. Les années 2008 et surtout 2009 risquent fort de faire ressortir une fréquence accrue des cas de pauvreté transitoire.
Cette partie sombre du tableau ne peut manquer d’inquiéter sur la fragilisation d’une partie croissante de la population. Elle ne doit cependant pas occulter d’autres chiffres qui n’auraient rien d’extraordinaire dans une période normale, mais sont tout à fait remarquables dans le contexte d’une crise comparée à celle de 1929.
Premier point: les salaires continuent à augmenter. En 2009, on a constaté un simple ralentissement de l’augmentation et comme les prix de nombreuses matières premières ont baissé en raison du ralentissement de l’activité, la faiblesse de l’inflation a permis une hausse des rémunérations réelles plus importante qu’en 2008! Au total, constate l’Insee, la progression réelle du salaire moyen par tête a été en moyenne de 1,3% en 2009 dans le secteur privé. Ce n’est pas mal pour un pays qui a connu sa récession la plus forte depuis la Seconde Guerre mondiale! Dans le secteur public, la situation n’a pas non plus été vraiment dramatique, ainsi que l’observe l’Insee:
«En termes réels et comme pour le secteur privé, le salaire moyen par tête des administrations publiques rebondit en 2009 (+1,9% après –0,6% en 2008), grâce au reflux de l’inflation.»
Le système français amortit les chocs
Deuxième point: le revenu disponible brut, lui aussi, a continué à augmenter. Rappelons qu’il s’agit là des revenus d’activité et de la propriété perçus par l’ensemble des ménages, desquels on soustrait les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) et auxquels on ajoute les prestations sociales et autres transferts. Le revenu disponible brut a certes souffert de la montée du chômage, du ralentissement des augmentations de salaires, du recul du revenu des entrepreneurs individuels et des revenus du patrimoine, mais les impôts ont baissé, à la fois par recul de la base imposable et du fait des mesures de relance, tandis que les prestations sociales ont augmenté. Au total, le revenu disponible brut a continué à progresser, quoique à un rythme nettement ralenti: +5,2% en 2007, +3,2% en 2008, +1% en 2009. Les premières indications recueillies pour 2010 font état d’une progression plus rapide, soutenue par «l’accélération de la masse salariale», pour employer les termes de l’Insee. Là encore, on ne peut que saluer un tel résultat obtenu dans des circonstances aussi exceptionnelles.
Ces chiffres confirment, s’il en était besoin, la capacité de notre organisation économique et sociale à amortir les chocs. La France est certainement un des pays où la population dans son ensemble souffre le moins des désordres conjoncturels. La contrepartie en est un poids élevé des dépenses publiques dans le PIB et des déficits publics structurels. D’autres réformes que celles déjà intervenues sont inéluctables. Elles devraient viser un double objectif: cibler davantage les mesures de solidarité en faveur de ceux qui en ont le plus besoin et accroître la capacité du pays à rebondir dans les phases ascendantes du cycle. Bien résister quand tout va mal est une chose, profiter au maximum de la croissance mondiale en est une autre.
Gérard HornyChronique également parue sur Emploiparlonsnet.fr
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L’Irlande n’est peut être qu’un début
Presseurop
L’Union européenne va-t-elle lancer un plan d’aide financière à l’Irlande ? Est-ce le début d’une crise plus large et plus grave ? Dans les décisions à venir, “l’île ne compte pas pour beaucoup”, estime Der Standard. Le quotidien viennois comprend "le scepticisme de Dublin" face à une possible perte de son indépendance financière. “Le problème fondamental est le suivant : Pour les sauveurs du continent, le problème principal n’est pas l’Irlande. Comme c’est le cas de la Grèce, l’économie irlandaise est beaucoup trop petite pour tirer la zone euro vers les profondeurs. Mais comme les Grecs, l’Irlande et ses banques doivent beaucoup d’argent aux banques de la zone euro et du Royaume-Uni - 138 milliards pour les seules banques allemandes", constate le quotidien viennois, qui pointe le danger d’un effet domino qui pourrait faire tomber la quatrième économie européenne : l’Espagne.
"L’Espagne est-elle la suivante ?", s’interroge El Mundo. Le quotidien madrilène rapporte qu’ "au bord du précipice, l’Espagne est mise en garde par l’UE". Car la Commission européenne a estimé que "la situation irlandaise peut affecter l´Espagne si celle-ci ne démontre pas sa crédibilité dans les marchés". "Le gouvernement a peu avancé dans les réformes structurelles engagées” en mai dernier, et n’a plus de temps, note le journal. Madrid doit, entre autres, réformer le système des retraites et accélerer processus de fusion de caisses d'épargne, un problème majeur pour le financement de l'économie espagnole, ce qu' "exige de manière impérative" le gouverneur de la Banque d´Espagne.
Chez le voisin portugais, Diário de Notícias annonce que "le gouvernement refuse de demander de l’aide même si les Irlandais le font". Mais à Bruxelles, pointe son confrère Público, "certains admettent qu’une aide commune aux deux pays est inévitable".
Comment en est-on arrivé là ? Pour Les Echos, l’Europe paie les décisions prises au printemps dernier. Lors de la crise grecque, elle a “par fierté exclu toute restructuration de la dette d’un de ses Etats membres” et créé “un plan censé gagner du temps et calmer les marchés”. Mais "les marchés financiers ne se sont calmés que quelques mois et le temps va bientôt manquer aux pays dits ‘périphériques’ de la zone euro que sont la Grèce, l’Irlande ou le Portugal pour se refinancer dans des conditions acceptables”, constate le quotidien économique français.
Et aujourd’hui, comment l’Irlande pourrait-elle ramener son déficit budgétaire de 32% du PIB à 3% en 2014 ? s’interroge le journal. “L’excès de dette ne peut que déboucher un jour ou l’autre sur le défaut de paiement ou sur une restructuration profonde. L’Europe a refusé de l’admettre jusqu’ici.” Il serait donc urgent “de sortir du déni” et “de mettre en place un mécanisme de restructuration ‘ordonnée’ de la dette des pays les plus vulnérables - en clair un étalement des échéances s’accompagnant d’un effort des créanciers”.
Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, c’est un "poker sur l’Irlande" qui se joue. Et Berlin, par exemple, se trouve coincé entre les marchés et les contribuables à cause du projet présenté par Angela Merkel pour pérenniser le mécanisme de sauvetage à partir de 2013. La chancelière voudrait faire participer les créanciers privés, notamment les banques et les fonds, au sauvetage d’un pays.
“On ne pourrait pas exiger encore plus longtemps des citoyens que les banques soient sauvées avec l’argent des contribuables sans les obliger à assumer les conséquences de leurs investissements erronés”, explique la FAZ pour laquelle la chancelière a bel est bien contribué à l’emballement des marchés quand elle a réaffirmé cette position allemande lors de sommet de Seoul. Selon un banquier interrogé par le quotidien, certains investisseurs ont cru que l’Irlande ou le Portugal seraient concernés par ce mécanisme de sauvetage.
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Et la démocratie dans tout ça ?
The Wall Street Journal Europe Bruxelles
Quelques mois près la crise grecque et face au risque d’effondrement financier de l’Irlande et d’une contagion à d’autres pays de la zone euro, l’Union européenne met en progressivement en place des mécanismes de coordination et de contrôle. Mais ce que l’UE gagne pour éviter l’éclatement de la zone euro, elle le perd en démocratie et en adhésion des citoyens, prévient le Wall Street Journal. "Le but politique du projet européen est en train d’être atteint après avoir été mis de côté parce que c’était un sujet trop difficile lorsque la monnaie unique a été créée", constate ainsi le quotidien économique américain. Désormais, "il y aura une supervision non seulement des budgets mais de tous les autres aspects de l’économie des pays de la zone euro. Cela va bien plus loin qu’un mise en commun de la souveraineté. Si cela marche comme un gouvernement, parle comme un gouvernement, alors c’est probablement un gouvernement." "Mais que se passe-t-il si un nombre suffisant d'électeurs, dans ce que l’on appelle un Etat-nation, au sein de la zone euro, décide un jour prochain de changer de gouvernement ?", interroge l’éditorialiste Iain Martin. "Je ne parle pas d’une redistribution au sein de l’élite politique, menée par le marché des obligations et l’orthodoxie de la monnaie unique, mais un vote pour vraiment prendre une nouvelle direction vers la droite ou vers la gauche, une direction qui demande une politique économique indépendante. De tels électeurs dans des pays comme l’Irlande resteront peut-être calmes en découvrant que cette option a été confisquée de manière permanente par la BCE et l’UE. Mais que ce passe-t-il s’ils ne le prennent pas calmement ?" "Le scepticisme envers le projet européen mène au nationalisme et à l’extrémisme, a dit Herman Van Rompuy la semaine dernière", note le journal. "Il est tout aussi possible que le fait de concevoir une nouvelle forme de gouvernement qui ne place pas la démocratie en son cœur mettra en colère les électeurs et fera le lit des extrémistes."
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