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La justice pour certains
Joseph E. Stiglitz
NEW YORK – La débâcle des prêts hypothécaires aux Etats-Unis a soulevé de profondes questions autour du principe « d’autorité de la loi », cette idée universellement admise comme le symbole même d’une société civilisée et avancée. L’autorité de la loi est supposée protéger le faible contre le fort, et faire en sorte que chacun soit traité équitablement. Aux Etats-Unis, à la veille de la crise des prêts hypothécaires à haut risque, elle n’a fait ni l’un ni l’autre.
L’un des aspects de l’autorité de la loi concerne la sécurité du droit de propriété – si vous n’avez pas terminé de rembourser votre crédit immobilier, par exemple, la banque ne peut pas vous la reprendre sans suivre un processus légal défini. Mais ces derniers temps, les Américains peuvent témoigner de plusieurs cas dans lesquels des individus se sont vus dépossédés de leur maison alors même qu’ils n’avaient aucune dette.
Pour certaines banques, ce ne sont que des dommages collatéraux : des millions d’Américains – en plus des quelques quatre millions estimés en 2008 et en 2009 – doivent encore être dépossédés de leur bien. Le rythme des saisies serait en augmentation si le gouvernement n’était pas intervenu. Des impasses procédurales, une insuffisance de documentation et la fraude rampante associés à l’empressement des banques à distribuer des millions de prêts à risque lors de la bulle spéculative de l’immobilier, ont cependant passablement compliqué le travail d’assainissement rendu nécessaire suite à la débâcle.
Pour beaucoup de banquiers, tout cela n’est qu’un détail. La plupart des personnes expulsées de leur maison ne payent plus leur emprunt et, dans la plupart des cas, ceux qui les expulsent sont dans leur bon droit. Mais les Américains ne sont pas obligés de se contenter d’une justice approximative. Nous ne sommes pas en train de dire que la plupart des personnes emprisonnées à vie ont commis un crime digne de cette sentence. Le système judiciaire américain demande plus, et nous avons imposé des protections juridiques pour répondre à ces demandes.
Mais les banques veulent court-circuiter ces protections juridiques. On ne devrait pas les y autoriser.
Pour certains, cela rappelle ce qui s’est passé en Russie où l’autorité de la loi – la législation sur les faillites, en particulier – a été utilisée en tant que mécanisme légal pour remplacer un groupe de propriétaires par un autre. Les tribunaux étaient soudoyés, les documents falsifiés et les choses suivaient leur cours habituel.
En Amérique, la vénalité est d’un autre niveau. Ce ne sont pas certains juges qui sont achetés, mais les lois elles-mêmes, à travers des campagnes de dons et de lobbying, dans un contexte que l’on a fini par appeler une corruption « à l’américaine ».
La politique de prêt prédatrice des banques et des organismes de crédit était loin d’être un secret : ils ont abusé de la naïveté de personnes peu instruites et mal informées en matière de finances pour les convaincre de souscrire des crédits dont les frais étaient plus élevés, et qui en outre imposaient des risques énormes à l’emprunteur. (Il faut être juste : les banques ont aussi tenté de tirer avantage des plus fortunés, avec les titres créés par Goldman Sachs et conçus pour faillir). Mais les banques ont investi toute leur énergie politique pour empêcher que les états ne votent des lois interdisant ces pratiques prédatrices.
Lorsqu’il est devenu évident que les gens ne pouvaient plus rembourser ce qu’ils devaient, les règles du jeu ont changé. La législation sur les faillites a été modifiée pour y introduire un système de « servitude inféodée partielle. » Un particulier avec, disons, des dettes équivalentes à 100% de son salaire peut se voir imposer de verser à la banque 25% de son revenu brut avant impôt pour le reste de sa vie parce que la banque est en droit d’ajouter, disons, 30% d’intérêts annuels à ce qu’il doit déjà. En fin de compte, un créancier devrait bien plus que ce que la banque devait recevoir, alors même que le débiteur aurait travaillé, dans les faits, un quart de son temps pour la banque.
Lorsque cette nouvelle loi sur les faillites a été votée, personne ne s’est plaint du fait qu’elle interférait avec la sacralité des contrats : à l’époque où les emprunteurs ont contracté leur dette, la loi sur les faillites, plus humaine – et plus rationnelle économiquement - leur laissait une chance pour un nouveau départ si le poids des remboursements devenait trop onéreux.
Les prêteurs auraient donc du, en toute connaissance de cause, ne proposer des prêts qu’à ceux qui étaient en mesure de les rembourser. Mais les prêteurs savaient peut-être déjà que, compte tenu d’un gouvernement Républicain, ils pouvaient faire de mauvais prêts puis modifier la loi pour être sûrs de pouvoir procéder à des liquidations forcées sur les pauvres.
Avec l’enlisement d’un prêt hypothécaire sur quatre aux Etats-Unis – c’est-à-dire que le montant dû est supérieur au prix du bien – ils sont de plus en plus nombreux à penser que la seule façon de gérer le problème est de réduire la valeur du principal (ce qui est dû). L’Amérique a une législation spécifique pour les faillites commerciales appelée Chapitre 11 qui autorise une rapide restructuration en réduisant la valeur de la dette et permet d’en transformer une partie en actions.
Il est important de protéger les entreprises pour préserver les emplois et la croissance. Mais il est tout aussi important de protéger les familles et les communautés. L’Amérique a donc aussi besoin d’un Chapitre 11 « pour particuliers ».
Lenders a dénoncé le fait qu’une telle loi violerait leur droit à la propriété. Mais presque toutes les modifications de loi et de réglementation bénéficient à certains au dépend des autres. Lorsque la loi sur les faillites de 2005 fut votée, les prêteurs étaient les bénéficiaires ; peu leur importait de savoir comment cette loi affecterait les droits des débiteurs.
Les inégalités croissantes, combinées à un système biaisé de financement de campagne, risque de faire passer le système judiciaire américain pour une comédie de justice. Certains pourront encore l’appeler l’autorité de la loi, mais ce ne sera pas une autorité de loi qui protègera les faibles contre les puissants. Ce sera plutôt l’occasion pour les puissants d’exploiter les faibles.
Dans l’Amérique d’aujourd’hui, la noble revendication d’une « justice pour tous » est en train de disparaître au profit d’une plus modeste « justice pour ceux qui peuvent se l’offrir ». Et le nombre de gens qui peuvent se le permettre est en chute libre.
Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie, est professeur d’université à l’Université Columbia. Son dernier ouvrage Free Markets and the Sinking of the Global Economy (Chute Libre : l’économie de marché et la noyade de l’économie globale,ndt) vient d’être réédité en livre de poche avec une nouvelle postface.
Copyright: Project Syndicate, 2010.
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Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats
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La nouvelle femme du Brésil
Glauco Arbix
SÃO PAULO – Le Brésil a considérablement changé depuis quinze ans. Le pays a mis son économie sur de bons rails, réduit la pauvreté et les inégalités et consolidé sa démocratie. La démocratie brésilienne a en effet réussi avec succès d’importantes épreuves telles que la destitution d’un président et l’avènement d’un ancien responsable syndical au poste de président, laissant derrière elle les fantômes du passé que furent l’autoritarisme, la persécution politique et la censure.
Le Brésil vient de passer un nouveau test : placer une femme à la tête du pouvoir exécutif. Les défis auxquels la présidente élue Dilma Rousseff sera confrontée sont énormes ; mais ses avantages le sont tout autant. Les fondations d’un développement économique rapide durable sont établies, et rien n’indique que l’inflation, l’autonomie de la Banque Centrale ou la fluctuation du taux de change devraient subir de modifications notoires.
Rousseff doit sa victoire au président sortant Luiz Inácio Lula da Silva et au succès de son gouvernement. Elle n’ignore pas que la progression du Brésil sous Lula a été soutenue par une croissance économique stable, des contributions sociales plus élevées au profit des foyers pauvres à travers des programmes comme la Bolsa Familia (Bourse Famille), et la démocratie.
Mais cette même formule fonctionnera-t-elle pour le Brésil du futur ? Des signaux avertisseurs indiquent qu’il faut en faire plus, car le dynamisme n’est pas forcément automatiquement induit par la stabilité économique. De même que la démocratie n’est pas forcément non plus synonyme d’institutions fortes et que la protection sociale ne peut se substituer à un marché du travail efficient.
Le Brésil a besoin de plus d’investissements pour rester compétitif sur les marchés internationaux et l’économie du pays a besoin d’un sursaut d’innovation. La productivité est faible et l’incorporation de nouvelles technologies se limite encore à une élite d’entreprises. Sans une transformation structurelle, le Brésil ne pourra pas maintenir sa croissance très longtemps.
Bien sur, l’intervention de l’état dans l’économie risque d’asphyxier le dynamisme des sociétés brésiliennes et l’initiative privée. Mais si l’état ne fait rien, la structure économique du pays resterait inchangée, laissant le Brésil dépendant de ses matières premières.
Il n’y pas de solution simple à ce problème. Le principal défi est donc, pour la nouvelle présidente, de perpétrer l’effort de Lula pour établir de nouvelles passerelles entre les secteurs privé et public – un modèle capable de combiner transparence et mesures proactives qui à la fois ne se transforme pas en centralisme d’état ni ne s’en remette aux marchés.
La manière avec laquelle Rousseff va gérer cet effort sera la meilleure preuve de ses capacités à diriger le pays. Les huit années de Lula au pouvoir ont démontré aux pays émergeants partout dans le monde que l’état ne peut tout faire, tout en apportant la preuve, de manière non moins claire, aux plus orthodoxes d’entre eux que les intérêts des marchés ne coïncident pas toujours avec ceux du pays.
La présence plus forte de l’état au cours du mandat de Lula a permis au Brésil de retrouver son chemin. Le défi des 15 prochaines années sera de consolider les avancées réalisées, de continuer à réduire les inégalités sociales et d’éradiquer l’extrême pauvreté. Pour y parvenir, il faudra encourager la fiscalité, l’emploi et les réformes politiques – autant de mesures que Lula, à l’époque, avait intégré à son ordre du jour.
Le Brésil revient de loin. Mais pour être compétitif par rapport à la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la Russie et aux autres pays émergents, son économie fondée sur des produits à faible valeur ajoutée doit laisser place à une économie basée sur la force d’entreprises plus innovantes et dynamiques. Sinon, le pays sera condamné à ne briller que timidement à la périphérie du marché global.
Dans le même temps, ces segments de la population brésilienne récemment parvenus sur le marché, bien qu’enthousiasmés par leur progression sociale, doivent encore être soutenus de manière à préserver les acquis dans leur niveau de vie. En effet, une grande partie de la population ne subsiste encore que grâce à des emplois à faible productivité. Leur progression, donc, dépend des réelles améliorations qui doivent être apportées dans la qualité d’un système d’éducation qui avait été conçu pour un Brésil du passé.
Aux trois piliers du succès de Lula – croissance économique, redistribution de la richesse et démocratie – il faudra donc en rajouter deux autres : éducation et innovation, afin de consolider la croissance économique du Brésil et assurer des institutions de meilleures qualités.
La politique brésilienne n’a pas toujours été admirable. Mais aujourd’hui, il est clair que le Brésil a mûri plus vite que ses élites. Il faut espérer que Rousseff continuera de réduire cet écart et sera à même de donner aux Brésiliens le pays qu’ils méritent.
Glauco Arbix, membre du Conseil National Brésilien pour les Sciences et la Technologie, est professeur de sociologie à l’Université de São Paulo et professeur invité à l’Université du Wisconsin-Madison.
Copyright: Project Syndicate, 2010.
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Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats
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Le géant aux pieds d'argile
Pierre Buhler
PARIS – La "guerre des devises" qui commence va probablement dominer les discussions du sommet du G20 à Séoul. Elle doit être évaluée au regard de la nouvelle répartition des pouvoirs sur l'échiquier mondial – une répartition qui a évoluée en seulement deux ans, du fait de la première crise de l'économie mondialisée.
Elle a laissé nombre de pays développés dans une situation économique si difficile qu'ils se débattent encore aujourd'hui pour se redresser. A l'opposé, après une courte phase de ralentissement, les pays émergeants sont parvenus à relancer le moteur de la croissance et progressent maintenant à toute allure, avec des taux de croissance impressionnants.
Tout cela a eu également des conséquences financières et monétaires. Même si aucune devise n'est encore en position de remplacer le dollar au sein des réserves mondiales, ce "privilège exorbitant", ainsi que De Gaulle l'avait formulé, fait maintenant l'objet d'attaques en douce. En mars 2010, la groupe "ASEAN + 3" (les pays de l'ASEAN auxquels s'ajoutent la Chine, le Japon et la Corée du Sud) a créé un fonds d'aide d'urgence de 120 milliards de dollars dans le cadre de "l'Inititative de Chiang Mai". Cette fois-ci, contrairement à ce qui s'était passé en 1997, les USA n'ont même pas tenté de torpiller cet embryon de "Fonds monétaire asiatique".
Après avoir bien réagi à la crise dans un premier temps, l'Europe est entrée dans une zone de tempête lorsqu'elle a été confrontée à la perspective d'un défaut de remboursement de la dette publique grecque. La "crise au sein de la crise" a mis en évidence la faible gouvernance de la zone euro et avivé les doutes quant à la viabilité d'une union monétaire comportant de telles différences en matière de compétitivité entre ses membres.
La crise a aussi intensifié les problèmes politiques. Le Japon, sans doute le pays le plus touché par la récession mondiale, est confronté à une grave crise morale et démographique, ainsi qu'à une crise de gouvernance - ce qui c'est traduit récemment par la perte de son statut de deuxième puissance économique mondiale au profit de la Chine. En Europe, les divergences entre les dirigeants ont mis en évidence le manque de solidarité pour défendre les idéaux européens et la persistance des égoïsmes nationaux, alors que depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale le projet européen s'était défini par leur refus.
Enfin, la crise a ébranlé la domination idéologique de l'Occident. Dans les décennies précédentes, les crises financières naissaient dans les pays émergents, traités d'un ton moralisateur et condescendant par un Occident supposé "vertueux". Mais cette fois-ci, nourrie par le dogme de la résilience des marchés et leur capacité d'autocorrection, la tempête s'est formée au cour même de l'économie mondiale, les USA.
La réaction naturelle reste souvent, comme dans le passé, de considérer l'économie américaine qui domine le reste du monde avec ses 14 000 milliards de PIB comme moteur du redémarrage économique de la planète. Il est vrai que les USA conservent un avantage en raison de leur capacité d'innovation, de leur avance technologique, de leur esprit d'entreprise et de leur optimisme indéfectible.
Mais le doute va croissant. Le moteur économique de la planète qui pendant des décennies a joué le rôle de stabilisateur économique mondial semble être en difficulté. Une industrie civile de moins en moins compétitive, le fardeau des engagements militaires à l'étranger, la stagnation des salaires : tout cela indique que le géant américain est probablement fatigué.
Le signe le plus inquiétant est néanmoins le poids croissant de la dette publique américaine – maintenant à hauteur de 95% du PIB - qui devrait atteindre 18 400 milliards de dollars en 2018 selon les estimations les plus prudentes du GAO (l'organe de contrôle indépendant des comptes publics du Congrès américain). Si l'on y ajoute le passif lié à la Sécurité sociale et à Medicare, les USA sont confrontés à un niveau de dette sans précédent en période de paix.
Le coté paradoxal de la situation est qu'au moment où son pouvoir hégémonique tend à s'effacer, pour rester à flot l'Amérique doit compter de plus en plus sur des créanciers étrangers, en premier lieu la Chine. Malheureusement, la proverbiale pagaille politique de Washington ne laisse guère d'espoir de trouver une solution, ce qui ajoute à cette impression d'un géant aux pieds d'argile.
L'alternative à un monde dans lequel l'Amérique est garante de la prospérité et de la stabilité générale dans le cadre d'un ordre libéral est un monde de plus en plus conflictuel, dominé par le mercantilisme, le protectionnisme et des guerres de devises. Seul un accord multilatéral entre les principaux acteurs peut garantir un ordre mondial acceptable. Cette idée a fait des avancées fin 2008, quand le forum technique du G20 a été rapidement transformé en un sommet des chefs d'Etats, responsable de la gouvernance mondiale. Englobant toutes les grandes économies émergeantes, ce G20 rénové est détenteur d'une légitimité qui faisait défaut au G7.
Mais le G20 pourra-t-il tenir ses promesses ? Ainsi que le chaos de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique l'a amplement démontré en décembre, tant le nombre de membres autour de la table que les différences entre eux (y compris entre pays émergeants) ne présagent rien de bon pour l'avenir. La "guerre des devises" qui se déroule actuellement est encore un autre signe de ce désordre.
Certes, ne serait-ce qu'en raison de sa puissance militaire et de ses nombreuses alliances, les USA resteront une grande puissance dans le futur prévisible. Si son orgueil démesuré et la crise ont sérieusement ébranlé la seule "hyperpuissance" de la planète, aucun ordre multipolaire n'a émergé pour remplacer "l'ère unipolaire" américaine. Les USA sont devenus une "puissance par défaut", parce que leur rival le mieux placé, la Chine, est comme elle le reconnaît elle-même loin d'être en position de parité économique ou militaire avec eux.
Mais la supériorité militaire à elle seule ne peut conférer l'autorité, ce que le bourbier afghan rappelle quotidiennement. Après avoir réussi au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale à intégrer l'Occident par la prospérité et la sécurité, l'Amérique doit commencer à dessiner les contours d'une nouvelle structure de leadership mondial.
La tâche est encore plus impressionnante qu'après 1945, car aujourd'hui il faut réussir à intégrer dans un nouvel ordre international nombre de pays qui aspirent au rang de puissance mondiale tout en faisant preuve de la plus grande indépendance d'esprit. En tant que principal architecte de la mondialisation qui a suscité la prise de conscience planétaire de la nécessité de protéger les biens publics mondiaux, malgré leur lassitude, les USA doivent rassembler leurs forces créatrices.
Pierre Buhler est un ancien diplomate français. Il a été professeur associé à Sciences Po à Paris.
Copyright: Project Syndicate, 2010.
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Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
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