• Tout change, rien ne change.....Pierre-Antoine Delhommais 14/6/2009

    Tout change, rien ne change





    On commençait déjà à avoir de sérieux doutes sur le fait que la crise des subprimes débouchât sur une transformation en profondeur des structures et des moeurs de l'économie mondiale, qu'elle conduisît à une rupture franche avec le capitalisme financier. Avec ce qu'il s'est passé cette semaine aux Etats-Unis et en Europe, les doutes sont devenus des certitudes.

    Le président Obama, donc, qui devait nous guider vers un monde à la fois nouveau et meilleur, plus moral et vertueux, d'où les excès salariaux et les dérives inégalitaires auraient disparu, a renoncé à brider les rémunérations des banquiers de Wall Street.

    Le candidat Obama n'avait pourtant cessé de répéter que la distribution de bonus mirobolants expliquait des prises de risques qui l'étaient encore plus. Et il avait promis d'y mettre bon ordre une fois installé à <st1:personname productid="la Maison Blanche." w:st="on">la Maison Blanche.</st1:personname> On allait voir ce qu'on allait voir.

    On a vu. " Je veux être clair sur ce que nous ne faisons pas, a expliqué cette semaine le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner. Nous ne posons pas de limite sur les salaires (...) et nous n'imposons pas de règles sur la façon dont les entreprises doivent fixer leurs rémunérations. "

    Ouf, Wall Street peut respirer. Les traders de Goldman Sachs, de Morgan Stanley, les gérants de hedge funds avec leurs bonus de plusieurs millions de dollars aussi. Et les vendeurs de Porsche et de Rolex, les vendeurs de produits dérivés bling-bling peuvent reprendre espoir.

    Bien sûr, on ne peut exclure que M. Obama, prévoyant, ait pris cette décision en songeant au financement de sa future réélection - les banquiers d'affaires de Wall Street ont été les principaux pourvoyeurs de fonds de sa campagne en 2008.

    De façon moins soupçonneuse et plus recevable, <st1:personname productid="la Maison Blanche" w:st="on">la Maison Blanche</st1:personname> a probablement souhaité ne pas mettre en danger la compétitivité des banques américaines et de sa place financière. A limiter unilatéralement les salaires, les institutions financières couraient le risque d'une hémorragie de talents et du départ de ces derniers vers des cieux plus cléments : quels footballeurs iraient jouer au Real Madrid si les salaires y étaient plafonnés et plus faibles qu'ailleurs ? Probablement pas Cristiano Ronaldo, dont le transfert record de 94 millions d'euros représente, selon les calculs de la presse espagnole, le versement pendant un an d'indemnités à 10 000 chômeurs. Tout change, rien ne change.

    Pour revenir à Wall Street, on peut comprendre, compte tenu des énormes enjeux en termes d'emplois et de création de richesse, que Washington ait décidé le statu quo sur les émoluments. Mais on peut aussi s'agacer contre soi-même et sa propre naïveté, pour avoir cru M. Obama quand il promettait de faire passer la morale avant l'efficacité économique.

    En Europe, ce sont les dirigeants de la droite libérale qui ont, comme les traders de Wall Street, sabré le champagne. Vainqueurs partout, sauf en Slovaquie et en Grèce, qu'ils soient dans l'opposition ou au pouvoir. Vainqueurs inattendus, tant il était logique de penser que la crise économique et financière la plus grave depuis les années 1930 allait se traduire dans les urnes par une déroute des partis symbolisant un capitalisme libéral, lui-même en pleine déconfiture.

    On a beau triturer les résultats du vote dans tous les sens et dans tous les pays, on a du mal à y déceler les traces d'une volonté de changer le système. Le NPA d'Olivier Besancenot, candidat officiel de l'anticapitalisme, n'a guère fait mieux que les chasseurs, dont les ambitions révolutionnaires étaient plus limitées, sinon plus pacifiques : obtenir la prolongation des dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs, à la bécasse et aux sarcelles.

    Pas facile non plus de voir dans la poussée verte observée en France - mais pas ailleurs en Europe - une condamnation de la mondialisation libérale. D'abord parce que la pensée économique de Daniel Cohn-Bendit est aussi subtile que complexe, lui-même se revendiquant " libéral-libertaire " mais aussi ultra-keynésien, favorable au libre-échange mais pas hostile au protectionnisme (via les normes environnementales), partisan d'une relance (verte) de la croissance mais allié à un partisan de la décroissance (José Bové). Plutôt pour l'économie de marché, plutôt contre la société de consommation. Compliqué.

    Encore plus compliqué lorsqu'on observe que les électeurs d'Europe Ecologie ne semblent, pour leur part, pas du tout effrayés par la société de consommation, à en juger par le nombre de boutiques branchées dans les arrondissements de Paris du boboïsme extrême (IIIe, IVe et IXe), où la liste verte a réalisé ses meilleurs scores.

    <st1:personname productid="La Grande D←pression" w:st="on">La Grande Dépression</st1:personname> des années 1930 avait eu des conséquences politiques majeures, favorisant l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne, expliquant la montée des ligues en France et portant Roosevelt à <st1:personname productid="la Maison Blanche" w:st="on">la Maison Blanche</st1:personname>, aux Etats-Unis. La crise des subprimes a sans doute facilité la victoire de M. Obama, mais on sait depuis cette semaine que, avec lui, l'Amérique des hyperinégalités a de beaux jours devant elle. En Europe, une droite renforcée par le vote du 7 juin s'apprête à reconduire à la tête de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> le très libéral José Manuel Barroso. Et le non moins libéral Peter Mandelson peut expliquer, avec de fortes chances que ses voeux soient exaucés, que la prochaine Commission devra avoir " pour tâche primordiale " de lutter contre " l'intervention et le dirigisme ". Libéralisme et capitalisme ne sont pas morts.

    Pierre-Antoine Delhommais
    Chroniqueur au Monde

    Quel Séisme, 15 ans de richesse perdus  


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