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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Après le séisme financier qui a frappé Dubaï

Après le séisme financier qui a frappé Dubaï

 

            Les Cassandre qui stigmatisaient depuis une décennie la part de mirage dans le miracle de Dubaï ont fini par avoir le dernier mot. Après avoir frappé sans doute des milliers d'investisseurs privés depuis un an, l'explosion de la bulle immobilière qui s'était constituée sur l'ancienne Côte des Pirates, dans l'ombre d'une véritable forêt de grues, a fini par déstabiliser l'un des fleurons de l'émirat, Dubai World. Pour s'être érigé en marque mondiale régie jusqu'à l'excès par les diktats de la communication, le fief de Mohammed Ben Rachid Al-Maktoum s'exposait à la réaction des marchés. Elle a été brutale.

Pilier de la fédération des Emirats arabes unis, Abou Dhabi, troisième producteur mondial de pétrole (et qui concentre 90 % de la production de la fédération), avait déjà été mis à contribution au début de l'année. Il était intervenu massivement (en souscrivant 10 milliards sur les 20 milliards d'obligations en bons du Trésor émis par l'émirat) à un moment où le baril de pétrole stagnait aux alentours de 50 dollars. Nul doute, selon les bons connaisseurs de la région, qu'il évitera le pire dans les prochaines semaines, décisives (Dubai World doit honorer une importante traite à la mi-décembre), alors que le baril vaut désormais près du double.

La faillite de Dubaï est inenvisageable pour Abou Dhabi. Les autorités fédérales (comprendre abou-dhabiennes) ont cependant fait savoir que leur aide sera pesée au trébuchet. Autrement dit, Dubaï devra faire le ménage, et sans doute sacrifier ses projets les plus dispendieux. Atténuée artificiellement entre le 26 et le 29 novembre par la coïncidence de l'Aïd el-Kébir et de Thanksgiving, l'onde de choc de Dubaï se fera longtemps ressentir, dissipant une série d'illusions.

La magie de l'émirat avait fini par masquer une évidence : le dynamisme extraordinaire qui a marqué le Golfe pendant la dernière décennie reposait avant tout sur sa manne pétrolière et gazière. Premier micro-Etat engagé par nécessité dans l'après-pétrole, Dubaï avait su se montrer précurseur à la fin du XXe siècle en imaginant la mondialisation à venir dont l'émirat, à la jonction de l'Asie, de l'Afrique, du Moyen-Orient et, au-delà, de l'Occident serait l'un des carrefours.

Cette vision, Cheikh Rachid, le père de l'actuel souverain, l'avait matérialisée avec la création du gigantesque complexe portuaire de Jebel Ali et de sa zone franche, et en créant la compagnie aérienne Emirates. Ce postulat a été vérifié. Les zones franches ont été multipliées, l'émirat s'est également mis à produire de l'aluminium, mais l'hubris immobilier de Cheikh Mohammed a ébranlé un modèle qui commençait à faire école.

Il faudra mesurer les effets collatéraux du séisme dubaïote sur les autres bulles immobilières de la région, jusqu'en Syrie, sur l'Iran, qui trouve en partie dans les Emirats de <st1:personname productid="la Fédération" w:st="on">la Fédération</st1:personname> les moyens d'échapper aux sanctions bancaires occidentales, mais aussi sur la finance islamique. Le centre de cette dernière est justement situé dans l'autre Etat de la région, dont les ressources ne dépendent pas exclusivement des hydrocarbures, le royaume de Bahreïn. Cette finance avait vu dans la crise financière la preuve de sa supériorité. Dubaï a montré qu'elle n'était pas plus à l'abri qu'une autre des bulles spéculatives.

Les pétro-monarchies du Golfe, en dépit de la solidité de leur rente, n'ont pas été épargnées par la crise mondiale. Selon <st1:personname productid="la Conférence" w:st="on">la Conférence</st1:personname> des Nations unies pour le commerce et le développement, les gigantesques fonds souverains d'Abou Dhabi, d'Arabie saoudite, du Koweït et de Qatar auraient enregistré une perte de 350 milliards de dollars en 2008. Au Koweït, resté à la traîne de l'effervescence économique de ces dernières années en partie du fait de la crise politique permanente qui paralyse une partie de ses institutions, la population immigrée (majoritaire, comme partout ailleurs dans le Golfe) a baissé pour la première fois depuis 1990 pendant le premier semestre de l'année. Les noms les plus réputés, comme le prince saoudien Walid Ben Talal, ont souffert. Le 13 novembre, un tribunal d'Abou Dhabi avait ainsi ordonné le gel des comptes bancaires des imposants groupes saoudiens Al-Gosaibi et Saad, également en difficulté, et qui n'ont pas été en mesure de rembourser des crédits dus à une banque de l'émirat.

D'un point de vue politique, les conséquences de la crise doubaïote seront sans doute limitées. Dans son fief, Cheikh Mohammed ne s'est pas montré empressé à suivre les exemples de démocratisation du Koweït et de Bahreïn. Les populations autochtones du Golfe, habituées à la rente, ne sont guère en mesure de peser sur les pouvoirs locaux. La traduction politique de cette crise se réduira à des réajustements dans le huis clos de <st1:personname productid="la Fédération" w:st="on">la Fédération</st1:personname> que codirigent depuis sa fondation Abou Dhabi et Dubaï. Il faudra mesurer son impact sur le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCG), mais <st1:personname productid="la Fédération" w:st="on">la Fédération</st1:personname> a déjà choisi, après Oman, de se tenir résolument à l'écart du projet de création d'une monnaie unique, repoussé après 2010, et dont la banque centrale doit être installée à Riyad, en Arabie saoudite. Il n'empêche, l'après-pétrole reste en partie à inventer dans le Golfe. Le nouvel eldorado a perdu de sa capacité d'attraction et de son éclat.

Gilles Paris

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