Brasilia Correspondance
Le président Luiz Inacio Lula da Silva l'a souvent raconté : il a connu la faim dans son enfance, dans un village reculé du nord-est du Brésil. Une région desséchée par le soleil équatorial où, certains soirs, les mamans inventent des soupes de feuilles de cactus pour remplir le ventre de leurs enfants qui pleurent de faim.
L'annonce, le 1er janvier 2003, du programme " Fome Zero " (" Faim zéro ") fut un des premiers actes de son mandat. Huit ans plus tard, à trois mois d'abandonner la présidence, le chef de l'Etat se réjouit des résultats obtenus : 28 millions de Brésiliens sont sortis de la misère. En 2003, 12 % de la population (22 millions) souffrait de la faim, un taux ramené à 4,8 % en 2008 (10 millions).
Le programme de lutte contre la faim consiste en une allocation attribuée, sous la forme d'une carte de crédit, aux familles vivant en dessous du seuil de pauvreté (moins de 1 dollar par jour). Cette " bolsa familia " (" bourse famille ") est aujourd'hui versée à 12 millions de foyers, soit 50 millions de personnes. Sa valeur varie en fonction du nombre d'enfants à charge scolarisés. En 2008, la " bolsa familia " a coûté à l'Etat 6 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros), soit peu moins 2 % du budget. Mais il s'agit du plus grand programme de redistribution de richesses du monde.
Malnutrition en recul de 73 %
Un débat avait eu lieu pour savoir s'il fallait obliger les bénéficiaires à acheter de la nourriture avec l'argent versé. La bourse fut finalement confiée à la maîtresse de maison, maman, grand-mère ou soeur, avec la conviction qu'elle servirait à remplir les marmites. La malnutrition a drastiquement reculé de 73 %.
Essentielle, cette bourse est aussi jugée insuffisante par Candido Grzybowski, directeur de l'ONG Ibase : " Elle a répondu à l'urgence, mais si elle est suspendue demain, ces gens mourront toujours de faim. Il faut la compléter par des réformes structurelles, notamment dans l'éducation, pour offrir un autre avenir aux enfants. "
" Le problème de la faim reste une préoccupation pour Dilma Rousseff, la candidate à la succession du président Lula, assure le coordinateur de son programme de gouvernement, Alessandro Teixeira. Si elle est élue, elle améliorera la "bolsa familia." " Son adversaire de l'opposition, José Serra du Parti social-démocrate brésilien (PSDB), s'est aussi engagé à maintenir l'allocation même si le PSDB l'a souvent qualifié de " programme "assistancialiste" ". Une étude de l'Ibase a montré que les bénéficiaires redoutent que la bourse disparaisse.
Souvent citée en exemple dans les instances internationales, la volonté du Brésil a aussi permis au pays d'avoir des ambitions diplomatiques : " Le Brésil n'aurait jamais été crédible sur la scène mondiale s'il avait ignoré ses terribles inégalités sociales et sa population mourant de faim ", estime Marco Aurelio Garcia, conseiller diplomatique du président Lula.
Annie Gasnier