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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Comment augmenter les impôts ?

Comment augmenter les impôts ?

Pourquoi Nicolas Sarkozy va-t-il s'y résoudre ? Quelles sont les pistes de réflexion à Bercy ? Faut-il revoir les prélèvements sociaux ?

 

J ouer du levier de la fiscalité sans que cela soit trop voyant et sans donner l'impression de renier la promesse de pas augmenter les impôts. Le gouvernement français pourrait y être contraint s'il veut tenir son engagement de ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013 et endiguer l'évolution de la dette. Il a déjà annoncé sa volonté de regagner plusieurs milliards d'euros sur les " niches " fiscales et sociales, ce qui revient à prélever plus . Il a aussi indiqué que, pour la réforme des retraites, " un effort financier supplémentaire " sera exigé des hauts revenus et des revenus du capital, ce qui écornera le symbole que constitue le bouclier fiscal (ne pas payer en impôts plus de 50 % de ses revenus).

Certains pays voisins, confrontés à la même nécessité de réduction de leur déficit, ont décidé de recourir à l'arme de la fiscalité, comme l'Allemagne. En ces temps de crise en Europe, ce voisin a tendance à donner le " la " dans la maîtrise et le contrôle des comptes publics.

Trouver 95 milliards d'euros en trois ans Le déficit public français s'est creusé. Fin 2009, il atteignait 7,5 % du PIB et cette année il devrait être de 8,2 %. La dette s'est, par conséquent, elle aussi alourdie : 78,1 % du PIB fin 2009, 83,2 % prévus cette année. La crise a joué fortement dans cette dégradation. Mais elle n'est pas la seule. La Cour des comptes a souligné qu'elle explique " trois quarts de l'aggravation du déficit ", le quart restant étant " la conséquence d'une insuffisante maîtrise des dépenses et de mesures fiscales prises avant la crise qui ont eu des effets en 2009 ".

Les règles européennes (les critères de Maastricht) fixant des niveaux " acceptables " de déficit et de dette à respectivement 3 % et 60 % du PIB, Paris a été rappelé à l'ordre. Le gouvernement français a pris l'engagement de ramener le déficit à 3 % en 2013. Engagement rendu encore plus critique du fait de la pression des marchés financiers, ces dernières semaines.

Ramener le déficit à 3 % en 2013 (6 % en 2011, 4,6 % en 2012) revient à trouver 95 milliards d'euros en trois ans. Pour y parvenir, le plan de consolidation du gouvernement table pour partie sur le retour à une meilleure croissance de l'économie (hausse de 2,5 % du PIB en 2011 et 2012, contre 1,4 % espéré cette année) qui se traduirait par une hausse automatique des recettes fiscales. Il passe aussi par une baisse de 10 % sur trois ans des dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'Etat.

Peu d'experts économiques estiment que cela sera suffisant pour tenir l'objectif de 3 % de déficit. D'abord parce que la croissance et par conséquent les rentrées fiscales seraient surestimées. Ensuite parce que cette croissance risque d'être un peu ralentie, dans un premier temps du moins, par les mesures d'économies que veut faire l'Etat. Mesures dont certains économistes considèrent, au demeurant, qu'elles ne sont pas à la hauteur de la situation. Sauf à ne pas tenir la date de 2013 - ce que quelques experts n'écartent pas, arguant que les marchés pourraient " se calmer " -, il faudra donc au gouvernement trouver d'autres sources pour boucher le trou en trois ans. C'est là qu'entre en jeu la hausse de la fiscalité.

Le taux de prélèvements obligatoires est au plus bas depuis dix-huit ans Les experts sont divisés sur ce sujet. " La réduction de certaines dépenses publiques, qui sont un vecteur de redistribution, toucherait les moins favorisés. L'augmentation des impôts est le seul moyen qui permet de réduire les déficits et de compenser en partie les inégalités ouvertes par la crise ", indique Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). " Il faut récupérer deux points de prélèvements obligatoires, soit 40 milliards d'euros, c'est évident ", renchérit Karine Berger, directrice des études économiques chez Eurler Hermes. " Ce serait, poursuit-elle, un retour à la normale, car le taux de prélèvements obligatoires est au plus bas - 40,7 % du PIB en 2009 - depuis dix-huit ans. "

Le poids des impôts en France parmi les plus élevés de l'OCDE " Une hausse d'impôts, surtout pas ! ", lance Natacha Valla, directrice des recherches économiques chez Goldman Sachs, qui note que " les consolidations budgétaires par le biais d'augmentation des recettes ne sont pas bonnes pour la croissance ". " C'est évitable, à éviter, en tout cas à limiter. On a déjà en France le poids des impôts dans le PIB parmi les plus élevés de l'OCDE, il faut s'intéresser d'abord aux dépenses ", appuie Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital. " Les pays, qui ont réduit fortement leurs déficits, ont porté leurs efforts aux deux tiers sur une réduction des dépenses et un tiers sur une augmentation des impôts ", poursuit-elle, ajoutant toutefois que " les ajustements couronnés de succès ont duré cinq à dix ans ".

Thomas Piketty, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l'Ecole d'économie de Paris, considère, quant à lui, qu'il faut déplacer le problème au niveau européen. " La Banque centrale européenne doit faire avec les Etats ce qu'elle a fait avec les banques : prêter à 0 % ou 1 % pour que les Etats se débarrassent du surplus de dette créé par la récession ", avance-t-il.

Jouer sur l'assiette de l'impôt et les niches fiscales A écouter les économistes, le gouvernement n'aurait pas besoin d'augmenter au sens strict les impôts. En tout cas pas l'impôt sur le revenu (IR), le plus " médiatique ", qui n'est pourtant payé que par 55 % des Français et qui ne représente guère plus de 6 % des prélèvements obligatoires.

Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, considère qu'il serait malgré tout souhaitable de " redonner à l'IR de la progressivité ". " Passer le taux marginal de 40 % à 45 % ", ajoute Mme Berger. Il y a vingt ans, le taux le plus élevé du barème était de 57 %, il est aujourd'hui de 40 %. " On a une assiette des impôts qui est étroite. Plutôt qu'augmenter les taux, pourquoi ne pas élargir l'assiette ? ", suggère Mme Boone.

Mais c'est d'abord dans les niches fiscales et sociales (75 milliards d'euros de manque à gagner en 2009) qu'il faudrait piocher, selon les économistes. Le gouvernement a dit vouloir regagner 6 milliards en trois ans sur ce poste. " On peut récupérer 15 milliards par plafonnement de tous les allégements ", considère Mme Berger. " On peut aussi revenir sur les allégements fiscaux sur les heures supplémentaires, contre-productives en temps de crise ; ou revenir sur la baisse de la TVA sur la restauration ", avance M. Plane. Est également citée une taxation de la participation, de l'intéressement, des stock-options ou des revenus du capital - à travers une harmonisation avec l'imposition du travail.

Rehausser l'impôt sur les sociétés ? Piste " inopportune alors que l'investissement est en berne ", répond Mme Valla. " Il a joué un rôle d'amortisseur dans la crise. Il aura un rendement plus fort en sortie de crise. Ponctionner en plus ne serait pas forcément bienvenu à ce moment-là ", explique M. Plane. " Essayons déjà de faire en sorte que les paiements fiscaux et sociaux soient effectués par toutes les entreprises ", ajoute Mme Berger, qui note qu'" avec la crise, le gouvernement a levé le pied sur ce sujet ". Selon elle, ce sont 10 milliards à 20 milliards d'euros qui sont en jeu.

Philippe Le Coeur

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