Depuis le début de la crise économique, et la baisse des recettes qu'elle a engendrée du fait de la réduction de la masse salariale, la question de l'augmentation des prélèvements obligatoires pour financer l'assurance-maladie est vivement débattue. Beaucoup s'y disent favorables ou ne voient plus très bien comment cette perspective pourrait être évitée.
Certes, tous les ans, il est économisé autour de 2 milliards d'euros, par des baisses de remboursement de médicaments ou de tarifs de spécialistes, ou encore par des hausses de forfaits.
D'autres économies sont encore possibles : le gouvernement a annoncé, le 30 mai, des mesures supplémentaires pour éviter un nouveau dérapage des dépenses en 2010. Mais, vu le déficit de l'assurance-maladie, le " trou " ne pourra être comblé dans les prochaines années uniquement par la hausse de la croissance économique et la maîtrise des dépenses de santé.
Passé de 11,1 milliards d'euros en 2003 à 4,4 en 2008, le déficit de la branche maladie s'est à nouveau creusé, en 2009, à 10,5 milliards, et il devrait approcher 15 milliards cette année. Quant au déficit global de la Sécurité sociale (santé, vieillesse, famille, accidents du travail), il s'est élevé à 20,3 milliards en 2009, et pourrait atteindre 27 milliards en 2010, selon les dernières estimations du gouvernement révélées par Les Echos, mercredi 2 juin (contre près de 30 milliards prévus initialement).
En 2009, la Cour des comptes avait jugé inévitable une hausse des prélèvements obligatoires. L'idée la plus répandue est l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG). Elle est défendue à gauche, mais aussi par certains à droite. Mais l'Elysée privilégie la poursuite des économies.
Une hausse des prélèvements obligatoires comporterait un risque : retarder de futurs efforts d'efficience, alors qu'il reste des marges de manoeuvre, notamment à l'hôpital, en pleine restructuration. Mais ne rien faire en génère un autre, pointent les défenseurs d'une hausse des recettes : la mise en danger du pacte de solidarité issu de la création de la " Sécu ", qui consiste à cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins.
Clivage générationnel
Sans hausse des prélèvements, la prise en charge par l'assurance-maladie risque de devoir se concentrer sur les affections de longue durée et délaisser les soins courants en renvoyant davantage leur remboursement vers les complémentaires de santé (mutuelles, assurances privées). L'essor de ces dernières est préconisé par l'Institut Montaigne, un think-tank proche de la droite, qui veut distinguer à l'avenir " ce qui relève de la solidarité nationale, et ce qui relève d'une logique plus assurantielle ".
" Nous nous enfonçons dans la pensée unique : M. Sarkozy fait de la non-augmentation des recettes un impératif, alors que la question du niveau de prestation devrait faire l'objet d'un débat démocratique ", estime Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris. Il n'est pas le seul à réclamer ce débat. Ainsi, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui représente les usagers, a lancé cet hiver une consultation intitulée " La santé solidaire en danger ? ".
Si les études d'opinion sur l'avenir du système de santé sont nombreuses, il est difficile d'y voir clair sur la volonté des Français entre la voie collective ou individuelle. Un clivage générationnel pourrait se faire jour : dans un sondage réalisé fin 2009 pour le CISS, l'institut L2H avait observé que les actifs de 25 à 34 ans penchent à 42 % pour une prise en charge individuelle, contre 28 % des 50 à 64 ans.
Laetitia Clavreul