Avec le retour de la croissance, les entreprises vont embaucher. Mais les Etats-Unis n'ont pas réglé ce qui les a poussé dans la crise des subprimes.
L'économie américaine se redresse plus vite que prévu. Le FMI prévoit maintenant un taux de croissance de 3,1% en 2010 mais certains sont encore plus optimistes: les économistes de Barclays Capital tablent sur 3,6%. Le moteur du rebond est la bonne tenue de la consommation privée, facteur central qui représente 70% de l'expansion américaine. Pourquoi ce mieux? A cause du sentiment que l'avenir s'éclaircit: les entrepreneurs sont rassurés de voir que leurs bénéfices opérationnels, en hausse depuis fin 2008, sont désormais devenus solides; les ménages commencent à épargner moins, ce qui les poussent vers la consommation.
Cette arrivée du printemps de la reprise s'observe également dans les importations qui ont gonflé de plus belle: le déficit commercial des Etats-Unis se creuse à nouveau. Ce qui pourrait, notons-le au passage, faire fléchir le dollar et raviver les tensions avec la Chine pour qu'elle réévalue le yuan; ce qui pourrait aussi, seconde conséquence plus importante pour les Européens, arrêter la chute de l'euro.
Pour l'emploi, la conséquence est positive: en mai, plus de 430.000 emplois nets ont été créés et le taux de chômage américain est redescendu à 9,7%. Depuis le début de l'année, la question se posait de savoir si la reprise américaine était «sans emplois». Elle semble trouver une réponse négative. L'optimisme revenu des entreprises les pousse à recruter. Tant mieux car l'enjeu est de taille. L'économie américaine a perdu 7,8 millions d'emplois depuis décembre 2008: la population au travail hors-agriculture est descendue de 138 millions à 130 millions. Une chute brutale et un déficit considérable qu'il faut maintenant combler.
En combien de temps peut-il l'être? Assez rapidement, si l'économie américaine développe un «rattrapage»: les effectifs qui ont été sortis à cause de la récession seront réintégrés dans les 3-4 ans qui viennent, voire plus vite, maintenant que la croissance est repartie. Tout laisse penser, à l'heure actuelle, que ce scénario est plausible. Les Etats-Unis vont se remettre à créer des emplois.
L'ennui est que, ce faisant, l'Amérique ne résout pas le problème qui l'a conduite à la crise des subprimes. Ce problème est maintenant bien connu: celui des salaires dont le niveau médian n'a cessé de reculer depuis 10 ans. Les ménages ont dû s'endetter pour maintenir leur niveau de vie et pour acheter un logement. Les financiers ont inventé les subprimes qui permettaient à des Américains sans moyens d'accéder à la propriété, jusqu'au moment où la réalité s'est imposée et cette illusion s'est dissipée provoquant le krach. Le regain de vigueur qu'on observe aujourd'hui dans l'économie américaine peut être qualifié de «retour de l'économie au point de départ». Le salaire horaire moyen continue d'être compressé et les taux d'épargne, un moment grossis par la crise, redescendent. L'Amérique revient à son mode de croissance d'avant crise avec des salaires bloqués qui forcent les ménages à s'appuyer de façon excessive sur une consommation à crédit.
La compression des salaires peut aboutir à un «rattrapage» et à de fortes créations d'emplois. Moins coûteuses pour les entreprises, les embauches devraient être plus nombreuses. Le renouveau de l'exportation, souhaité par le président Obama, milite aussi pour une rigueur salariale synonyme de compétitivité. Mais dans le même temps, elle n'augure rien de bon pour l'avenir, puisque l'Amérique ne corrige pas son mode de croissance axé sur l'endettement. Pour Robert Reich, ancien ministre du travail de Bill Clinton:
Le problème n'était pas que les ménages vivaient au-dessus de leurs moyens. Il était que leurs moyens ne suivaient pas la croissance de l'économie. Or l'économie est repartie dans cette (mauvaise) direction, la situation continue d'être lugubre.
Emplois ou salaires? Il est trop tôt pour dire que l'Amérique a définitivement choisi. Le dilemme ne sera vraiment tranché que dans les mois à venir et il le sera par les entreprises. Mais pour Barack Obama qui veut structurellement transformer la croissance américaine, l'alternative est douloureuse. Il ne peut pas redonner à la fois les 8 millions de jobs et de meilleurs revenus à la classe moyenne, il ne peut pas dans le même temps revenir à la croissance d'avant et construire celle, plus durable, de demain. Il y a contradiction entre les objectifs de court terme et les objectifs de long terme.
Eric Le Boucher
Photo: REUTERS/Mike Segar
Ce vendredi la croissance américaine pour le premier trimestre à était revu en baisse à 2.7% annualisée.
Pour la fin d’année elle était prévue plus faible. Ces chiffres devraient tempérer largement, l’argument de la croissance revenue des Etats-Unis. D’autant que le FMI prévoyait pour 2011 que 2.5%