Les sociaux-démocrates veulent plus de flexibilité, les économistes sont pour un départ à 70 ans
Berlin Correspondance
Dans le débat sur l'âge légal de départ à la retraite, actuellement fixé à 67 ans, rien ne va plus en Allemagne. Alors que le Parti social-démocrate (SPD) se dispute sur le maintien de l'âge de 65 ans, contre la réforme de 2007 qu'il a lui-même contribué à faire adopter, les instituts économiques sont formels : si l'Allemagne veut continuer à maintenir son système social intact, ses habitants devront à terme travailler jusqu'à... 70 ans.
C'est Sigmar Gabriel, le président du SPD, qui a réveillé la polémique. Dans un entretien télévisé du 9 août, il s'est prononcé pour la remise en question de la loi de 2007, très controversée, qui prévoit une augmentation progressive de l'âge de départ à la retraite à 67 ans à partir de 2012. Le texte laisse une brèche dans laquelle M. Gabriel s'est engouffré : l'entrée en vigueur de la loi est conditionnée par le niveau l'emploi des seniors. Si la part des plus de 60 ans en activité est trop faible, la loi ne pourra entrer en application.
Or seuls 9,9 % des 60-64 ans exercent actuellement une activité professionnelle en Allemagne, selon Sigmar Gabriel. Dans certains métiers pénibles, comme les couvreurs, le taux n'est que de 1,6 %. Il estime nécessaire de retarder de cinq ans l'entrée en vigueur de la réforme. " On ne peut pas punir ceux qui ne peuvent plus travailler au-delà de 65 ans en réduisant de facto leur pension, il faut trouver des moyens d'introduire de la flexibilité entre le travail et la retraite, par exemple par des mesures de temps partiel ", a-t-il déclaré.
M. Gabriel a reçu un large soutien de la part des syndicats, des Verts et du parti de la gauche radicale Die Linke, qui font pression sur les sociaux-démocrates pour qu'ils se prononcent en faveur de l'abrogation de la loi de 2007. Les sociaux-démocrates, qui penchent plutôt pour un aménagement, doivent trancher la question le 22 août.
Mais pour le gouvernement et certains membres du SPD eux-mêmes, dont l'ancien chancelier Gerhard Schroeder, la démarche de Sigmar Gabriel est hasardeuse et purement politique. La réalité est là : la population allemande vieillit. Le faible taux de natalité et l'augmentation de l'espérance de vie creusent sans cesse l'écart entre les cotisants et les retraités. Si, aujourd'hui, 33 retraités se partagent les cotisations de 100 actifs, dans cinquante ans, ils seront deux fois plus nombreux.
Du côté des économistes, on s'inquiète des conséquences d'un débat considéré comme déjà dépassé. Les directeurs de deux grands instituts économiques de renom se sont carrément prononcés pour la mise en place progressive d'une retraite à 70 ans, appuyant les recommandations de la Commission européenne. Pour Michael Hüther, directeur de l'institut économique de Cologne, " il faut être aveugle pour ne pas voir les conséquences du vieillissement de la population ". Il plaide pour plus de flexibilité et estime que de nombreux secteur de l'économie, qui souffrent déjà d'un manque de personnel qualifié, ne pourront à terme se passer des travailleurs très expérimentés.
En raison de la loi sur les retraites, qui prévoit que les pensions ne soient pas indexées sur la croissance, l'Etat fédéral contribue largement au financement d'un système déjà déficitaire. En 2010, cette subvention atteindra le niveau record de 80,8 milliards d'euros.
A terme, les experts estiment inévitable une augmentation des cotisations. Les jeunes Allemands semblent avoir déjà intégré cette donnée : selon une étude récente, les 15-25 ans épargnent significativement plus que la moyenne de la population - y compris pour leur retraite.
Cécile Boutelet