Une boîte à outils bien remplie
Déjà, en 2009, le PTZ classique avait profité d’un lifting qui en avait doublé le montant. Et compte tenu des nouveaux plafonds qui avaient été établis pour le prêt à l’accession sociale (PAS), le Crédit foncier, spécialiste de ces modes de financement, considérait que 60% de la population française était devenue éligible à ces prêts subventionnés.
En fait, les foyers primo-accédants à la propriété (ceux qui réalisent leur premier achat de résidence principale) ne manquent pas d’outils pour les accompagner dans leur investissement. Car en plus des deux types de prêts déjà mentionnés et qui peuvent être couplés, de nombreuses collectivités locales – et notamment de grandes villes – proposent des prêts complémentaires calés sur les caractéristiques du PTZ, qu’elles destinent aux jeunes foyers pour faciliter leur installation dans leur périmètre.
Par ailleurs, dès l’instant où un PAS est consenti, le bénéficiaire peut percevoir l’aide personnalisée au logement (APL). Elle est prise en compte dans les capacités de remboursement d’un emprunt, et donc dans la capacité d’endettement d’un ménage.
Puis, dans la loi Tepa de 2007, le gouvernement a introduit la déductibilité des intérêts d’emprunts, neutre pour les banques mais qui impacte les comptes publics. Le dispositif correspond plus ou moins à une réduction de 0,5 point du taux d’emprunt. Enfin, il existe d’autres outils comme le Pass foncier (qui va disparaître), le Plan épargne logement (PEL, qui va subsister)…
Les prix tiennent en échec «la France de propriétaires»
Mais il y a le marché de l’immobilier, et les prix qui ont recommencé à grimper. La bulle ne s’est d’ailleurs guère dégonflée avec la crise. En 2008, sur une décennie, les prix avaient doublé en France. L’indice Insee qui mesure les prix de l’immobilier avait alors atteint le pic de 180. En pleine crise à la mi-2009, l’indice est certes descendu à 160, mais il a vite rebondi sous l’effet de la pénurie entretenue par les promoteurs pour revenir à 168 au premier trimestre 2010… et même à 198 pour le seul marché parisien!
Dans ces conditions, les foyers à revenus modestes éprouvent les plus grandes difficultés à devenir propriétaires, non pas parce que les aides font défaut mais parce que les prix du marché deviennent inaccessibles. La «France de propriétaires» tant souhaitée par Nicolas Sarkozy à son accession à la présidence de la République, et pour laquelle l’ensemble du dispositif d’aide à l’accession avait été renforcé, n’est pas au rendez-vous: 57% de foyers seulement possèdent leur résidence principale, contre une moyenne de 66% en Europe. Déjà, en 2006, on estimait à 56% le nombre de propriétaires dans l’Hexagone. En trois ans, on n’a donc pas noté de véritable progression.
Pourtant, les taux d’intérêt se sont révélés particulièrement bas: 4% début 2007, 5% mi-2008 et à nouveau 4% mi-2009, avant de descendre encore à 3,4% en août 2010, selon l’Observatoire du crédit logement. Malgré cela et la déductibilité des intérêts d’emprunt (moins pertinente du fait du coût peu élevé des crédits), les logements sont restés hors de portée des primo-accédants potentiels répondant aux critères des plafonds de ressources : trop chers. Pour les 70% des locataires qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement selon un sondage Ipsos de 2009, les aides publiques sont devenues de moins en moins efficaces.
Nouvelle cible, la classe moyenne
Alors, on fait sauter le plafond de ressources. Cela ne signifie pas que les foyers modestes pourront mieux accéder au marché de l’immobilier : leurs ressources ne vont pas s’en trouver augmentées, et les problèmes de solvabilité continueront de se poser pour eux. En revanche, les foyers dont les revenus se situent aujourd’hui au-dessus du plafond de ressources, pourront profiter des avantages du prêt à taux zéro à partir de 2011.
Autrement dit, ce n’est pas à la même France de propriétaires que va servir le PTZ+. Priorité à la classe moyenne supérieure, qui devrait profiter de l’augmentation des crédits alloués à ce nouveau prêt: de 1,2 à 2,6 milliards d’euros par an, pour 380.000 bénéficiaires contre 200.000 à 250.000 actuellement, estime le Crédit foncier.
Certes, des multiples critères vont déterminer le montant du prêt auquel un souscripteur pourra prétendre. Le prix d’achat du logement, la composition du foyer, le revenu fiscal, la localisation de la propriété… seront pris en considération. Cette équation complexe permet au gouvernement d’affirmer que même si les ménages aisés pourront prétendre au PTZ+, l’aide consentie leur sera comptée. Certes, mais elle sera malgré tout distribuée sans justification économique ou sociale puisque ces foyers ont de toute façon les moyens d’accéder à la propriété sans aide.
Le risque de favoriser une hausse des prix de l’immobilier
Ainsi, il n’est pas certain que le PTZ+ se révèle d’une efficacité plus grande que les formules actuelles pour favoriser «une France de propriétaires». Non seulement parce qu’il va en partie se porter sur des primo-accédants qui auraient investi même sans cette aide. Mais aussi parce que ce coup de pouce qui améliore les ratios de solvabilité va exercer une pression des prix de l’immobilier à la hausse et entretenir la bulle immobilière.
Dans cette hypothèse, les foyers aux revenus modestes se trouveront un peu plus exclus du marché de l’immobilier et de cette France de propriétaires qu’on leur a fait miroiter. Et si la hausse des prix devait se confirmer, les familles des classes moyennes les moins aisées auraient juste un peu plus de mal à accéder à la propriété. Ainsi le PTZ+ passerait-il totalement à côté de l’objectif initial du prêt à taux zéro en soutenant indirectement l’offre (promoteurs et vendeurs) plutôt qu’en fluidifiant la demande (les acheteurs primo-accédants).
Gilles Bridier