Cinq pistes pour relancer l'activité
Nous sommes en pleine confusion de mots : crise et récession, dettes excessives ou faillite. Or jamais nous n'avons eu autant besoin d'une politique économique lucide, surtout consciente de la hiérarchie des problèmes et de la chronologie nécessaire dans les actions. Cette année, tous les pays développés auront des profils de croissance symétriques à ceux de 2009 ; c'est-à-dire un premier semestre à croissance rapide et une stabilisation à un niveau faible au second semestre.
Ce diagnostic, partagé par un très grand nombre d'économistes, conduit à cinq réflexions et à cinq propositions :
1. La crise, qui est certes pour partie une crise financière, est surtout une crise de surcapacité de production à l'échelle mondiale, ce qui a deux conséquences majeures : une concurrence acharnée sur les prix et une accélération des mécanismes de délocalisation. C'est la raison pour laquelle les difficultés sont largement devant nous.
2. La crise financière proprement dite a été endiguée, notamment grâce à l'action des gouvernements et des banques centrales, mais demeure une difficulté majeure : les facilités offertes par les banques centrales n'ont pas entraîné la remise en marche du système bancaire dans sa fonction de crédit. C'est la principale limite à une véritable reprise. Cela se conjuguera à un ralentissement de l'évolution du pouvoir d'achat global. Cela explique que, sitôt passés les effets positifs des programmes publics de soutien d'activités - second semestre 2010 pour l'Europe, fin de l'année pour les Etats-Unis -, la croissance va ralentir.
3. Le problème de la dette publique est majeur, mais l'économiste Paul Krugman a raison de souligner qu'il n'a pas le caractère dramatique qu'on lui prête. A de nombreuses périodes des histoires britannique, française, américaine, les ratios des dettes publiques sur PIB ont été plus importants. Ce n'est en rien une justification. Mais cela permet juste de hiérarchiser les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Rappelons aussi que les actions publiques furent remarquables lors des deux dernières années et qu'il est normal que lorsque tous les agents économiques privés se désendettent, les pouvoirs publics soutiennent l'activité économique en s'endettant. Ce n'est donc pas le principal problème pour les grands pays, sauf que, bien évidemment, il faut rassurer les marchés sur la volonté de traiter les problèmes avec vigueur à partir de 2011, ou lorsque la croissance aura repris.
4. La création du G20 a été l'événement majeur de 2009. Il ne pourra cependant pas régler en quelques réunions le caractère volatil de l'économie mondiale, tant pour ce qui concerne les taux de change que les prix des matières premières. Là également, l'annonce d'un agenda sur ces sujets favoriserait sûrement la stabilisation de l'économie mondiale.
5. La masse des liquidités à l'échelle mondiale est telle qu'il n'y aura pas de hausse des taux d'intérêt à long terme à horizon des douze mois à venir, ce qui représenterait dans le cas contraire un énorme risque pour la dette. En revanche, il est probable que l'on constatera des bulles sur des actifs spécifiques, vraisemblablement les matières premières, peut-être l'immobilier dans des pays émergents. D'où l'importance d'essayer de réguler la croissance des liquidités à l'échelle mondiale.
Par rapport à ces cinq constats, il faut ajouter celui d'une politique conjoncturelle française bien menée en 2009. Mais il existe un risque, celui de voir le discours sur la dette s'imposer par rapport aux problèmes de l'activité et du chômage. Or la hiérarchie des sujets est bien de privilégier le second point et de préparer dès à présent les mesures pour le second semestre afin d'éviter tout risque de ralentissement, même léger. Tout cela suppose de rassurer simultanément les marchés sur notre volonté de maîtriser nos déficits publics. Pour cela, il faut organiser cinq types de mesures, de manière coordonnée :
A. Les marchés doivent êtres convaincus de la volonté d'améliorer nos finances publiques. Ils ne peuvent se contenter de " rabotage " des dépenses. Pourquoi ne pas reparler de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et l'étendre aux collectivités locales et aux administrations sociales, tout simplement parce que LOLF signifie réorganisation de l'Etat, vraie responsabilisation des gestionnaires publics, seul moyen de baisser nos dépenses ; et puis, ne l'oublions pas, la LOLF a fait l'objet d'un consensus politique.
Dans ce cadre-là, pour ne pas limiter l'impact de la réduction du nombre de fonctionnaires à de simples arguments quantitatifs, on devrait surtout accélérer et amplifier le chantier des doubles carrières dans la fonction publique, c'est-à-dire de la possibilité de passer d'une administration à l'autre, d'un corps de fonction à un autre. C'est la seule manière de réussir cette attrition tout en augmentant le nombre de fonctionnaires et agents publics là où il y en a besoin.
B. L'augmentation du nombre de chômeurs en fin de droits est pour une grande partie liée non pas à l'augmentation du chômage, mais à l'amélioration de l'accès aux droits - avant il fallait cotiser 182 jours pendant les 22 derniers mois, et, maintenant, 122 jours dans les 28 derniers mois. Il n'empêche, une partie non négligeable des " fins de droits " ne bénéficieront même pas du revenu de solidarité active (RSA). Il faut donc trouver, comme cela était évoqué lors du sommet social, une solution à cette difficulté douloureuse.
C. Les principales victimes de l'année seront les nouveaux arrivés sur le marché du travail, ce qui aura un effet désastreux. Lorsque l'on regarde la répartition des jeunes en alternance, on s'aperçoit que les PME sont beaucoup plus actives, en dépit des difficultés qu'elles connaissent, que ne le sont les grandes entreprises. Une partie de la solution du chômage des jeunes se trouve dans une mobilisation du secteur des grandes entreprises pour insérer ces jeunes à temps partiel dans le cadre d'une formation professionnelle.
D. Le secteur le plus significatif du maintien de l'activité forte sur tout le territoire est celui de la construction. L'amendement Sellier a permis de stabiliser la situation, mais 50 000 emplois ont néanmoins été détruits en 2009. L'évidence s'impose, pousser les mesures dans le secteur de la construction de logements, en utilisant une partie des crédits de la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA), dédiés à ce secteur. C'est vraisemblablement là que l'efficacité coût-emploi est la plus forte.
E. Comme on l'a vu, le système bancaire ne prendra pas dans les années qui viennent le relais du crédit, d'autant plus que toutes les exigences prudentielles à venir vont la renforcer dans des politiques très restrictives. Or le dernier semestre risque d'être très difficile pour les PME. Oséo est un bon élément d'une politique de soutien conjoncturel, mais il est un peu sous-dimensionné et ne dispose pas d'un réseau suffisant. Une idée serait d'associer son expertise au plus beau réseau commercial disponible en France, celui de La Banque postale, avec vocation pour cet ensemble d'être vraiment la banque des PME.
Ces cinq pistes doivent couvrir à la fois les problèmes des marchés internationaux de capitaux, l'impact des ralentissements de l'activité sans pour autant que l'Etat n'approfondisse ses déficits. Après le grand emprunt, très tourné vers l'avenir, il s'agit ici de traverser sans drame l'année 2010 et peut-être 2011.
Jean-Hervé Lorenzi
Président du Cercle des économistes
Que du conventionnel et rien de nouveau sous le soleil. Les véritables problèmes de fonds que cette crise nous a montré ne sont pas aborder.
Nous voulons refaire le « monde » avec les mêmes erreurs que hier. Nous savons ou cela nous a menés. Le pouvoir actionnarial celui la faut pas le toucher, faut pas en parler.