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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

L’été de toutes les difficultés

L’été de toutes les difficultés

Michael Boskin

 

 

PALO ALTO – L’administration Obama a essuyé une série de revers budgétaires cet été mais en a-t-elle tiré les conséquences ?

Lors du sommet du G20 au Canada tout d’abord, le président Barack Obama a été justement rabroué par le Premier ministre canadien Stephen Harper, le nouveau Premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Chancellor Angela Merkel entre autres pour avoir réclamé plus de lest quantitatif (soit plus de dépenses gouvernementales). Ses homologues cherchent au contraire à consolider leur budget, après l’explosion massive de la dette et du déficit publics dû à la récession 2008-09. Ils prônent une baisse de moitié des déficits d’ici à 2013 et une stabilisation du ratio dette-PIB pour 2016. 

Lors de ce sommet, Obama a annoncé qu’il avancerait des mesures strictes pour réduire le déficit l’année prochaine. Mais parler coûte moins que d’agir. Jusqu’à présent, son administration a suivi la stratégie inverse, elle a dépensé plus, espérant que le problème de la dette et des déficits ajouterait à la pression fiscale, allant jusqu’à fournir l’occasion de créer une taxe à la valeur ajoutée de style européen.

Premier souci en vue : l’électorat américain n’est pas coopératif. A la surprise de la gauche et des observateurs politiques, la rumeur de l’augmentation colossale des dépenses gouvernementales ne s’est pas concrétisée. La déferlante de dépenses, gonflant le déficit et la dette du gouvernement fédéral, a au contraire généré de violentes réactions.

Pour cette raison, la plupart des commentateurs prévoient une défaite des Démocrates aux élections législatives en novembre. Les électeurs veulent moins de dépenses et non plus d’impôts. Ils pensent que si l’économie américaine a dépassé les économies d’Europe occidentale, c’est surtout grâce à un gouvernement moins dépensier.

Ensuite, dans le cadre du Processus d’évaluation mutuelle établi au G20, le Fonds monétaire international a suggéré que les Etats-Unis réduisent leur déficit budgétaire de 3 % du PIB de plus que prévu – soit plus de 400 milliards de dollars de moins par an. Le FMI croit que le programme de relance fiscale actuelle ralentira la croissance américaine.

Il y a peu, la Banque centrale européenne a renouvelé sa position selon laquelle une consolidation fiscale sérieuse génèrerait un climat de confiance suffisant dans le secteur privé pour que le gain sur les dépenses des foyers et des sociétés compense amplement des dépenses gouvernementales plus basses. L’OCDE en revanche met le gouvernement en garde contre une consolidation trop rapide au risque de connaître une reprise mondiale encore plus lente.

Les partenaires commerciaux des Etats-Unis leur souhaitent une belle croissance pour qu’ils importent plus. A mesure que leurs économies à eux se rétablissent, les emprunts massifs du gouvernement américain finissent par supplanter leurs emprunteurs gouvernementaux et privés. Le déficit américain de 2010 se monte environ à 1 300 milliards de dollars. Un chiffre supérieur à l’emprunt colossal de tous les autres pays du G7 confondus (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Japon et Canada) plus celui des pays dépensiers que sont la Grèce et le Portugal. En bref, le reste du monde veut que les Etats-Unis remettre de l’ordre dans son budget le plus rapidement possible.

Troisièmement, la révision du budget pour le second semestre prévoit toujours, à vue de nez, de terribles déficit. Pour y remédier, l’administration propose de créer une commission qui proposerait une voie pour équilibrer le déficit primaire (le déficit sans le paiement des intérêts) en 2015.  

Une approche présidentielle pour équilibrer le budget n’a rien de nouveau. Mais, cette-fois, Obama transfère les responsabilités à une commission indépendante composée de Démocrates et de Républicains.

En outre, avoir pour objectif d’équilibrer le budget primaire en 2015 est à peine encourageant. D’ici là, Obama aura presque doublé le ratio dette-PIB (il a transformé un 40 % bénin reçu en héritage en un 80 % dangereux – du jamais vu depuis les conséquences immédiates de la seconde guerre mondiale). Bien évidemment, le déficit à long terme alimenté par la retraite des baby-boomers et le coût plus marqué des frais de santé et de pension par tête se creusera davantage (mais la commission fera aussi des recommandations sur la manière de juguler le déficit à long terme).

Quatrièmement, la Chambre des Représentants a décidé de ne même pas essayer de faire valider son budget cette année. Ce refus extraordinaire est une première dans l’histoire de la procédure depuis sa révision il y a 35 ans et la création d’un comité budgétaire au Congrès et de règles sensées être respectées par les législateurs pour maîtriser les déficits.

Cinquièmement, Obama a proposé une série de mesures à quelques semaines seulement des élections législatives. Ses adversaires en ont vite déduit que cela revenait à admettre que son plan de relance était un échec. Une déduction d’impôts immédiate pour tout investissement de capital est une mesure qui devrait compter de manière permanente parmi la réforme d’imposition des sociétés (qui aurait dû avoir lieu il y a bien longtemps). Pourtant, Obama propose que cette mesure ne dure qu’un an. Ainsi, les sociétés se retrouveront contraintes de placer plus de capitaux au plus vite en 2011.

Sixièmement, le directeur du budget Peter Orszag, excellent contrôleur des déficits – tout du moins avant de rejoindre cette administration – a quitté ses fonctions (pour être remplacé par Jack Lew, directeur du budget sous Bill Clinton).

Qui va désormais pouvoir dire à Obama qu’accumuler toujours plus de dettes pour financer un vaste plan de relance n’est pas une bonne solution, que le jeu n’en vaut pas la chandelle et qu’augmenter les taxes cause des dégâts permanents pour l’économie future ?

Sûrement pas les fans démonstratifs de la facture de la relance inefficace et coûteuse de févier 2009, pour une palette d’avantages sociaux et publics inadaptés au fort recul de l’emploi dans le privé durant la récession. Sûrement pas les hommes et femmes d’affaires du Cabinet, s’appuyant sur leur expérience du monde ; il n’y en a aucun.

Espérons que la conversion tardive à des déficits rigoureux l’emporte. Mais les électeurs ont pour habitude de tenir les dirigeants élus responsables de leurs déclarations. Sans quoi, ces derniers n’auraient pas besoin de se montrer courageux. Heureusement, il semblerait que les électeurs américains aient une longueur d’avance sur leurs politiciens.

Professeur d’économie à l’université de Stanford et membre de l’Institution Hoover, Michael Boskin a présidé le Conseil économique du président George H. W. Bush de 1989 à 1993.

Copyright: Project Syndicate, 2010.
www.project-syndicate.org


 

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