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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

L'Europe ne sera pas un terrain de jeu pour les OGM

L'Europe ne sera pas un terrain de jeu pour les OGM "

 

ENTRETIEN

Quelle mouche a piqué le commissaire européen à l'environnement, Janez Potocnik ? En six mois de mandat, le Slovène a déjà menacé de sanctions et de poursuites judiciaires pas moins de quinze Etats membres, pour non-respect de règles communautaires. Dernière en date, la Belgique s'est vue assignée devant la Cour de justice de l'Union européenne le 24 juin pour ne pas avoir mis aux normes son système de traitement des eaux usées.

Le signe d'un durcissement de la politique de l'environnement dans l'Union ? Pas sûr. Des associations s'inquiètent de l'attentisme de M. Potocnik, en matière de pollution de l'air notamment. Et l'ancien commissaire à la science et à la recherche se montre ouvert à la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM), à propos desquels la Commission doit présenter une proposition le 13 juillet. M. Potocnik appelle en revanche de ses voeux l'instauration d'une taxe carbone européenne, instrument, selon lui, d'une " refonte de l'économie ".


Pourquoi tant de zèle à sanctionner les Etats membres ?
La qualité de l'environnement ne découle pas seulement de la qualité de la législation, mais de la façon dont elle est mise en oeuvre. Et s'il y a bien quelque chose qui ne manque pas en Europe, ce sont les législations sur l'environnement.

Depuis le début de mon mandat, veiller à la bonne application des lois est une de mes priorités. Cela dit, je ne cherche pas à tout prix à traîner des pays en justice. Le démarrage d'une procédure de sanction doit être vu comme un rappel de ce qui n'a pas été fait ; la plupart du temps, en quelques mois les choses se règlent et on interrompt la procédure. Seuls 10 % des cas aboutissent à une action en justice.

Les questions d'environnement sont-elles encore audibles en Europe, alors que la crise financière monopolise l'attention ?
Oui, tout à fait. Il est important de ne pas perdre de vue les sujets dont nous parlions avant la crise : le changement climatique, la sécurité énergétique, la biodiversité, la raréfaction des ressources...

Aucune de ces questions n'a disparu et la plupart ne seront pas réglées par les injections financières dans le système économique. Toutes les mesures que nous prenons pour résoudre la crise doivent garder un oeil sur le long terme.

Sur quels leviers agir ?
L'économie va être réorganisée, qu'on le veuille ou non, du fait de la crise. C'est une opportunité. A nous de la restructurer dans un sens favorable à l'environnement, de " verdir " la croissance et les emplois. Je ne pense pas que le souci de l'environnement entre en conflit avec l'économie de marché. Les ministres de l'environnement doivent commencer à parler de sujets économiques et les ministres de l'économie parler sérieusement d'environnement.

Je crois que nous devons passer de la logique d'interdiction qui sous-tend souvent la législation européenne, à une logique d'incitation. Il faut faire évoluer la structure des prix et des taxes de manière à imposer moins le travail et davantage la consommation de ressources naturelles. Cela permettra d'afficher les vrais prix et de créer de véritables incitations économiques.

Etes-vous favorable à une taxe carbone européenne ?
Oui, je suis convaincu qu'une taxe carbone s'inscrirait parfaitement dans cette logique. De nombreux pays cherchent à accroître les prélèvements. Il est de notre responsabilité de leur dire que la taxe carbone est une bonne piste, car elle permet de donner un juste prix aux ressources, ce qui a fait défaut dans le modèle économique qui a mené à la crise. Seul ce prix incitera les acteurs économiques à prendre les bonnes décisions.

Au sein de la Commission, l'action pour le climat a été séparée de l'environnement. C'est une bonne chose ?
Après six mois d'exercice, je peux vous assurer que c'était une bonne décision ! Je n'imagine pas comment j'aurais pu me consacrer aussi à l'action climatique. Le climat est un enjeu majeur mais je veux ramener sur le devant de la scène des sujets comme la biodiversité, les déchets, la qualité de l'air ou de l'eau, qui, ces dernières années, n'ont pas été traités avec suffisamment de sérieux.

Vous allez donc revoir rapidement la directive sur les plafonds nationaux d'émissions (NEC) de polluants atmosphériques, attendue depuis 2005 ?
Rapidement, non. La qualité de l'air est un enjeu majeur, qui nécessite l'adoption de normes plus contraignantes. Je ne fuis aucune responsabilité en la matière. Mais ce sont des politiques coûteuses, pour lesquelles nous avons de gros problème de mise en oeuvre. D'autres législations sur l'air doivent être revues en 2013, nous pourrons alors tout traiter ensemble, y compris la directive NEC.

Vous semblez plus favorable aux cultures d'OGM que votre prédécesseur, Stavros Dimas...
La question des OGM est désormais entre les mains du commissaire à la santé, John Dalli. Son projet de proposition est que nous fondions l'autorisation des cultures d'OGM sur les analyses scientifiques fournies par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), pour garantir que ces organismes n'ont aucune influence sur la santé et sur l'environnement. L'Europe ne sera pas un libre terrain de jeu pour les OGM.

D'un point de vue scientifique, aucun pays européen ne sera exposé au moindre risque. Cela dit, nous comprenons qu'il existe des considérations socio-économiques et des réactions émotionnelles propres à certains Etats membres. C'est pourquoi nous proposons qu'ils puissent décider de ne pas autoriser les cultures d'OGM sur leur territoire malgré l'avis de la Commission.

La France, avec d'autres pays, exige au préalable une réforme de l'EFSA. Qu'en pensez-vous ?
Nous n'avons aucune raison de ne pas faire confiance à l'institution que nous avons, tous ensemble en Europe, chargé de cette mission. Bien sûr, en tant qu'ancien commissaire à la science et à la recherche, je ne peux qu'être favorable au renforcement des capacités de recherche de l'EFSA.

L'Europe n'a pas réussi à enrayer la perte de biodiversité pour 2010. Que faut-il changer ?
Le Conseil européen a adopté, en mars, de nouveaux objectifs pour 2020 et nous allons finaliser cette année une stratégie détaillée pour éviter un nouvel échec dans dix ans. Un des enjeux importants sera de prendre en compte la biodiversité dans la politique agricole. La moitié de l'Europe est entre les mains des agriculteurs. Nous devons réveiller en eux le souci de la biodiversité, quitte à les indemniser pour ce travail de service public.

Propos recueillis par Grégoire Allix

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