Un accord de principe a été signé afin de refondre le dispositif de contrôle des banques, des assureurs et des marchés
Bruxelles Bureau européen
A leur tour, avec un temps de retard sur les Etats-Unis, les Européens progressent en matière de supervision des activités financières. Un accord de principe a été trouvé, jeudi 2 septembre à Bruxelles, entre les Etats, la Commission et le Parlement européen, afin de refondre le dispositif de contrôle des banques, des assurances et des marchés.
L'objectif, à partir du 1er janvier 2011 : réduire la fragmentation très nationale de la supervision en Europe, en créant de véritables instances européennes. " Nous mettons en place les fondations d'une nouvelle supervision : une tour de contrôle et des écrans radars pour éviter de nouveaux naufrages ", s'est réjoui Michel Barnier, le commissaire chargé des services financiers.
Le dispositif, négocié de haute lutte depuis février 2009, prévoit la mise en place d'un double niveau de surveillance. Tout d'abord, la création d'un Conseil du risque systémique, composé pour l'essentiel de banquiers centraux, et adossé à la Banque centrale européenne (BCE). Cet organe sera présidé par le président de la BCE, au moins pendant les cinq premières années. Il sera chargé d'alerter les gouvernements et les autorités européennes, en cas de déséquilibres macroéconomiques de nature à mettre en danger la stabilité financière. Ses avis ne seront pas contraignants. L'idée est par exemple de prévenir la formation de bulles immobilières, telles que celles qui sont à l'origine des difficultés des banques irlandaises et espagnoles.
Aux côtés de ce comité seront créées trois agences européennes, chargées respectivement du contrôle sectoriel des banques (depuis Londres), des marchés financiers (depuis Paris) et des compagnies d'assurance (depuis Francfort). Ces trois autorités, où se côtoieront superviseurs nationaux et fonctionnaires européens, seront dotées de pouvoirs contraignants afin de faire appliquer la législation européenne de la même façon partout - ce qui n'est pas le cas à ce jour - et de pouvoirs d'arbitrage entre les superviseurs nationaux. Elles devraient aussi être, dans un avenir proche, en position de contrôler les agences de notation. Les eurodéputés ont obtenu qu'en période de crise, l'agence chargée des marchés puisse interdire temporairement les activités et les produits financiers les plus dangereux, comme certaines ventes à découvert.
Cependant, les Européens ne sont pas en train de mettre sur pied l'équivalent de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine. Les Etats se sont opposés à la demande des eurodéputés de doter ces organes de pouvoirs de supervision directe des grandes banques transfrontalières, celles qui représentent le plus grand risque systémique. Les superviseurs nationaux garderont la première main, à moins d'une situation d'urgence, identifiée par le conseil des ministres des finances, sur proposition du Comité du risque et de la Commission européenne. Le Parlement a aussi réclamé en vain d'implanter les trois entités au même endroit, à Francfort, où siège déjà la BCE.
Les négociations duraient depuis près d'un an et demi. Dans un premier temps, elles ont opposé les Etats membres entre eux, le Royaume-Uni étant très soucieux de ne pas donner trop de pouvoir aux nouvelles autorités et à la BCE. Pour rassurer Londres et Berlin, il a notamment été convenu que les Etats pourraient s'opposer aux décisions des superviseurs européens si celles-ci avaient un impact trop lourd sur les budgets nationaux. Dans la dernière ligne droite, c'est le Parlement européen qui a cherché à renforcer les prérogatives des trois nouvelles agences. L'accord négocié doit encore être approuvé dans les prochaines semaines par les eurodéputés et par tous les gouvernements.
Cette architecture permettra-t-elle d'éviter la répétition d'une crise comme celle survenue en 2008 dans le secteur bancaire ? " L'idée est de créer une nouvelle culture, avec la mise en place d'une équipe de superviseurs européens et nationaux ", estime Sylvie Goulard (Modem), l'une des rapporteurs du paquet supervision au Parlement européen.
Didier Reynders, le ministre des finances belge, dont le pays assure la présidence tournante des Vingt-Sept ce semestre, s'est gardé de promettre la fin des frictions entre les autorités nationales : " C'est un premier pas, le système évoluera petit à petit ", dit-il. " Le premier objectif de cette structure est de générer de la législation, et de l'appliquer partout de la même façon. La gestion des crises viendra dans un second temps ", dit-on dans l'entourage de Michel Barnier.
Philippe Ricard
Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), a révisé à la hausse, jeudi 2 septembre, les prévisions de croissance de la zone euro en 2010 et 2011, rejetant le spectre d'un " double dip ", d'une double récession. Selon la BCE, la croissance du produit intérieur brut (PIB) des Seize sera comprise, en 2010, entre 1,4 % et 1,8 %, contre 0,7 % à 1,3 % prévus auparavant. Pour 2011, la prévision est également revue en hausse, entre 0,5 % et 2,3 % contre 0,2 % à 2,2 %.
Ce sont de " bonnes nouvelles, mais restons prudents. Je ne crie pas victoire ", a commenté Jean-Claude Trichet, qui s'exprimait à l'issue de la réunion de son comité de politique monétaire. Selon la BCE, l'environnement macroéconomique reste " incertain ". L'autorité a prolongé son dispositif exceptionnel anticrise en maintenant les taux directeurs à 1 %.