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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

L'industrie française reste entravée par le poids des charges sociales

L'industrie française reste entravée par le poids des charges sociales

            LA FRANCE peut-elle rester une puissance industrielle ? Dans une économie mondialisée, l'Etat français a-t-il encore les moyens de conduire une politique industrielle ambitieuse sans nourrir immédiatement le soupçon, que la droite a souvent adressé à la gauche, du retour de l'économie administrée ? A ces questions, le président de la République a répondu par l'affirmative en présentant, jeudi 4 mars, chez Eurocopter à Marignane (Bouches-du-Rhône), tout un arsenal de mesures pour tenter d'enrayer le déclin industriel français. Mais le volontarisme politique risque fort de ne pas suffire pas pour gagner ce combat, tant les positions de l'industrie française se sont affaiblies.

1. Le déclin est-il inéluctable ? Les Etats généraux de l'industrie organisés à la demande des partenaires sociaux - CGT en tête - ont mobilisé, depuis l'été 2009, quelque 5 000 personnes et débouché sur plus de 1 100 contributions écrites. Mais dans un pays qui aime revenir sur ses faits d'armes et ses grands projets (l'épopée du nucléaire, Airbus, Arianespace...), l'exercice a abouti à un constat sans complaisance et plutôt sombre : depuis l'an 2000, la France a perdu 500 000 emplois dans l'industrie, le déficit de la balance commerciale industrielle se creuse, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée globale est tombée à 16 % contre 30 % en Allemagne, les investissements sont en chute et sous l'effet de la crise, la production industrielle s'est effondrée.

En matière d'innovation, enfin, un sujet-clé pour l'avenir et pour la croissance, auquel le grand emprunt est censé apporter des réponses, la France n'a pas comblé son retard par rapport aux meilleurs élèves européens (Allemagne, Suède, Finlande).

2. Pourquoi l'écart se creuse-t-il avec l'Allemagne ? Depuis quelques années, la France a décroché par rapport à son principal partenaire de l'Union européenne. Ce décrochage se lit dans les statistiques du commerce extérieur des deux pays (excédentaire en Allemagne, lourdement déficitaire en France). Les économistes avancent régulièrement plusieurs explications : la très forte baisse des coûts salariaux unitaires en Allemagne à partir des années 1990 et inversement leur progression sensible en France sous l'effet des 35 heures ; l'existence outre-Rhin d'un réseau dense de grosses PME industrielles dont la France ne parvient pas à se doter ; la capacité des entreprises allemandes à tirer profit de la reprise dans les pays émergents du fait d'une offre plus diversifiée et mieux positionnée ; l'intensification de la concurrence internationale jusques et y compris en Europe de l'Est, devenue une terre de délocalisations.

Le décrochage franco-allemand le montre en creux : le redressement de l'industrie française suppose de jouer sur une large palette d'instruments et de tenir, dans la durée, un certain nombre d'objectifs : la maîtrise du coût du travail (et son corollaire pour le gouvernement, l'absence de coup de pouce au smic et la non-augmentation des cotisations sociales), la baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises illustrée, entre autres, par la réforme de la taxe professionnelle (12 milliards d'euros de perte sèche de recettes pour l'Etat en 2010), l'amélioration du financement des entreprises.

Mais pour l'heure Nicolas Sarkozy reconnaît qu'il bute sur une grosse difficulté : le financement de la protection sociale joue contre l'emploi industriel. Au début du quinquennat, il avait tenté d'ouvrir le chantier de la TVA sociale qui consiste à asseoir le financement de la protection sociale sur la TVA et non plus sur les salaires. Il a vite refermé le dossier par crainte d'une reprise de l'inflation et ne le rouvrira pas avant 2012.

3. Le salut viendra-t-il des filières stratégiques ? Les Etats généraux de l'industrie ont identifié sept grands domaines dans lesquels la France dispose d'un avantage compétitif de départ, de positions fortes ou à reconquérir. Y figurent le numérique, l'énergie, les transports, les matériaux innovants, la pharmacie, le luxe et l'agroalimentaire. Prenant exemple sur les pays qui réussissent mieux à défendre leur industrie, l'Etat veut encourager les industriels de ces secteurs à se structurer en véritables filières. Il espère ainsi favoriser des relations plus équilibrées entre grands groupes et sous-traitants, renforcer les passerelles entre l'industrie et la recherche, créer des liens plus forts avec l'appareil de formation.

Pourra-t-il aller au-delà de ce qui a été fait avec les pôles de compétitivité ? Et quels arguments utilisera-t-il pour amener les grandes entreprises à se soucier davantage de leur environnement. Les relations traditionnellement très tendues entre les grands groupes et les sous traitants incitent à la prudence.

4. Jusqu'où l'Etat doit-il intervenir ? La récession a réhabilité l'idée de l'intervention de l'Etat dans l'économie. Dans ce domaine où la France a une longue histoire, Nicolas Sarkozy n'a pas d'états d'âme. " L'Etat ne peut pas avoir sur les entreprises dont il est actionnaire un regard exclusivement financier. Il ne peut pas être seulement celui que l'on sollicite en cas de risque majeur ", pointe l'Elysée. D'où la volonté d'instaurer un dialogue de nature industrielle et stratégique entre l'Etat, représenté au premier chef par les ministres mais aussi par des administrateurs de plus haut niveau, et les patrons des entreprises dont il est actionnaire : Renault, Air France, Thalès, GDF, Areva, EDF, etc.

La question reste ouverte toutefois de savoir comment arbitrera l'Etat entre ses objectifs en matière d'emploi et son souci de la compétitivité des entreprises. Ses récentes interventions chez Renault, Total ou encore Heuliez ont révélé de fortes tensions entre ces deux objectifs.

5. Quid de l'Europe ? Dans ce domaine décisif pour l'économie française, l'action du gouvernement est nécessairement limitée par la nécessité d'emporter la conviction de 26 partenaires. La France souhaite un changement d'état d'esprit dans les négociations commerciales, exige plus de réciprocité dans les accords sur les marchés publics, défend l'idée d'une taxe carbone aux frontières européennes et veut une Commission plus proactive. Mais jusqu'à présent, Nicolas Sarkozy n'a guère été entendu.

C. Gu.

Voir :Cout unitaire de la main-d'oeuvre

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