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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

La BCE à nu

La BCE à nu

Howard Davies

LONDRES – La crise dans la zone euro est loin d’être résolue. Les inquiétudes des investisseurs se concentrent désormais sur la santé des banques européennes, dont un grand nombre est largement exposé à la Grèce et aux autres pays européens du sud confrontés à de sévères problèmes budgétaires.

Les dirigeants européens se sont limités jusqu’à présent à des emplâtres sur les blessures. Un fond de stabilisation a été établi, mais uniquement de façon temporaire. De nouveaux arrangements pour surveiller les équilibres budgétaires des pays membres ont été introduits, mais ils ne peuvent rien contre l’ampleur des dettes. Et la Banque Centrale Européenne a commencé a acheté des obligations d’états, dont ceux de la Grèce, à des prix bien plus élevés que ceux des marchés libres.

La dernière décision de la BCE a mis en lumière le nombre de questions irrésolues quant à la structure de la Banque et à son processus décisionnel. Certaines des questions que les décisionnaires européens voulaient laisser de côté ont été exposées grossièrement.

La décision d’acquérir des obligations grecques directement n’a pas été unanime. On sait maintenant qu’Axel Weber, président de la Bundesbank, a voté contre. 22 voix se sont exprimées dans le même sens, soit 27% du PIB de la zone euro. On ne peut donc pas dire que ce chiffre soit insignifiant. Ce fut la première fois que le président de la BCE dut révéler que la décision n’avait pas été prise à l’unanimité.

En théorie, nous avons toujours su que la BCE allait, si nécessaire, prendre des décisions à la majorité. Mais le cas ne s’est jamais présenté jusqu’à présent et aucune procédure ne prévoit la révélation des votes. Cette situation est très différente de celle de la Réserve Fédérale américaine, ou de la Banque d’Angleterre, où les votes individuels du Comité de politique économique sont traditionnellement révélés.

L’argument contre la transparence était que, dans les circonstances habituelles de la BCE, publier les votes des membres individuels du Conseil de gouvernance constituerait une pression sur eux en tant que représentants des états membres. Le gouverneur d’un pays en récession pourrait se sentir presque obligé de voter contre une augmentation des taux d’intérêt, ou pour une baisse, sans considérer les conditions d’ensemble de la zone euro.

Mais l’absence de clarté dans les procédures de vote de la BCE peut-elle durer indéfiniment ? Nout Wellink de la Banque Centrale des Pays-Bas a déclaré de manière explicite qu’il faudra à terme aller dans le sens de la clarté au fur et à mesure que la BCE arrivera à maturité. La position dissidente de Weber sur les achats d’obligations grecques pourrait accélérer le processus.

Elle révèle aussi un problème plus fondamental. Le système de vote de la BCE est biaisé. Dans un système fédéral, un équilibre doit être trouvé entre ceux qui ont la responsabilité d’évaluer les conditions économiques dans l’ensemble du domaine monétaire et ceux qui représentent les intérêts de régions particulières.

Ce problème a déjà été étudié précédemment, à la fois à la Réserve Fédérale et à la Bundesbank. Dans le cas de la Fed, sept membres du bureau à Washington ont des attributions fédérales et 12 présidents de réserves régionales votent en rotation ; seul le président de New York a une voix permanente. Le ratio entre les votes centraux et les votes régionaux sont de 1 à 0,7. La Bundesbank avait des dispositions similaires avec un ratio central/régional de 1 sur 1,1.  

Les choses sont différentes à la BCE, et pour de bonnes raisons. Elle est l’autorité monétaire d’une fédération d’états souverains. Le poids des membres nationaux individuels du Conseil de Gouvernance est bien plus important. En fait, le ratio entre les votes fédéraux et les votes nationaux à la BCE est de 1 sur 2,5. Et comme chaque état membre a une voix, il y a un déséquilibre conséquent entre le poids des votes et celui du PIB des pays individuels. L’Allemagne a le même poids que Malte.

La BCE a réfléchi au problème mais la seule chose qui en est sorti (dans le Traité de Nice) est une rotation modeste des adhérents votant compte tenu de l’élargissement de la fédération. Cela ne corrigera pas les déséquilibres actuels.

Jusqu’à présent, ce problème n’a donc pas été vraiment considéré comme prioritaire. Mais la contestation de Weber permet d’envisager que les petits pays pourraient mettre en minorité le centre et les membres majeurs. Il est théoriquement possible que les six membres du Bureau exécutif plus la France, l’Allemagne et l’Italie, représentant 65% du PIB de la zone euro, soient mis en minorité par les petits pays.

Cela pourrait avoir son importance en terme des décisions sur les taux d’intérêt. C’est aussi important pour les rachats de dette des états membres en difficulté. Il est plus que probable que la dette grecque rachetée par la BCE ne vaut pas ce qu’elle a payé. Si la Grèce était forcée de restructurer sa dette et d’imposer une ‘coupe’ aux détenteurs de ses obligations, la BCE essuiera une perte conséquente. Cette perte serait assumée par les membres de la zone euro en proportion de leur part dans le PIB de la zone euro, même chaque pays ne possède qu’un vote.

Cet arrangement particulier représente un risque majeur pour l’union économique et monétaire qui vient se rajouter à celui induit par des politiques budgétaires désordonnées et au manque d’équivalent européen du Fond Monétaire International. Toute incertitude sur le fait que les décisions de la zone euro pourraient ne pas prendre en considération les intérêts de l’ensemble de la zone euro, ou pourraient infliger de lourdes pertes aux pays les plus importants, pourrait être en soi déstabilisante, surtout dans un contexte où les marchés sont fébriles, comme c’est le cas aujourd’hui.

Cela montre le besoin évident de revisiter les termes du Traité de Nice. Ce sera difficile pour des raisons politiques. Mais il est de plus en plus clair que la zone euro a besoin d’un réel remaniement si elle veut survivre. Et une réforme du système de vote de la BCE en fait partie.

Howard Davies, former Chairman of Britain’s Financial Services Authority and a former Deputy Governor of the Bank of England, is currently Director of the London School of Economics. His latest book, Banking on the Future: The Fall and Rise of Central Banking, was published this spring.

Copyright: Project Syndicate, 2010.
www.project-syndicate.org

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