C’est un déchaînement. De toutes parts, les juges, les procureurs généraux, les élus, font barrage aux banques, qui ont enchaîné les demandes de saisie à la pelle, sans toujours vérifier les informations ni respecter les procédures. La chute du marché immobilier et un chômage persistant ont acculé beaucoup de propriétaires, qui ont cessé de payer leurs mensualités. Les banques, qui veulent débarrasser leurs bilans de ces crédits im mobiliers de mauvaise qualité, demandent des saisies à tour de bras.Selon les derniers chiffres disponibles de RealtyTrac, un peu plus de 95.000 maisons ont été saisies en août dernier tandis que 338.836 nouvelles demandes ont été déposées. En 2005, 100.000 maisons avaient été saisies, contre un million l’an passé. Au rythme actuel, on peut s’attendre à 1,2 million de saisies sur l’année. Ces maisons ont représenté 24 % des ventes au deuxième trimestre 2010, selon RealtyTrac, à un prix inférieur de 26 % pour un produit identique ne faisant pas l’objet d’une procédure judiciaire.A quelques semaines des élections, les élus se précipitent sur ce dossier d’autant que les banques sont à nouveau mises en cause. Après avoir émis des prêts immobiliers à tort et à travers, voilà qu’elles se débarrassent des crédits douteux de façon cavalière (voir ci-dessous). Le speaker de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, est intervenue cette semaine auprès du Trésor, de la Réserve fédérale et du département de la Justice. Eric Holder, le ministre de la Justice, a déclaré mercredi qu’il allait ouvrir une information sur le sujet.
Actuellement, sept Etats (Ohio, Connecticut, Floride, Texas, Caroline du Nord, Iowa et Illinois) ont ouvert des enquêtes sur les pratiques des banques et certains passent à l’offensive. Le procureur de l’Ohio attaque en justice GMAC Mortage et sa maison mère Ally Financial pour avoir violé les lois de l’Etat sur la protection des consommateurs tandis que les procureurs généraux du Colorado, de la Californie et du Massachusetts ont demandé à ce que cet établissement financier (et parfois d’autres) suspende les procédures.Les banques ont commencé à faire machine arrière. GMAC Mort gage, JPMorgan Chase et Bank of America ont décidé de faire une pause dans 23 Etats afin de régulariser des procédures qui ont été beaucoup trop expéditives. Dans une autre affaire portant sur des crédits à option de paiement variable, Wells Fargo a déjà transigé avec huit Etats et prévoit de modifier des crédits pour un total de 772 millions de dollars.C’est une véritable tempête juridique qui menace les banques. Les amendes peuvent varier, pour chaque document frauduleux, entre 25.000 à 40.000 dollars selon les Etats. Et les personnes qui les ont signés peuvent être poursuivies au pénal. Il pourrait même y avoir des actions en nom collectif. La question est de savoir comment les banques vont parvenir à transiger. La plupart des saisies sont justifiées, c’est la façon de les demander qui ne l’est pas.En attendant, les propriétaires en difficulté trouvent un peu de répit dans les délais que leur accorde la justice.Ils peuvent espérer que leurs dossiers seront revus avec équité et peut-être même avec à l’esprit la recherche de solutions alterna tives. Mais il va falloir des mois pour réviser les crédits au cas par cas.
En août 2010, un peu plus de 95.000 maisons ont été saisies et 338.836 nouvelles demandes ont été déposées.BLOOMBERG NEWS
On les surnomme les « robots signataires ». Ces centainesd’employés de banque signent à la chaîne des documents qu’ils n’ont jamais ouverts alors que leur signature est l’élément indispensable pour obtenir la saisie d’une maison devant un tribunal. Les premiers à réagir ont été les juges, frappés par la variété et le nombre de fautes de procédure, et qui ont exigé que les établissements financiers changent leur façon de faire. Lundi dernier, le « New York Times » reproduisait en « Une » trois documents signés du nom de la même personne mais dont la signature variait de façon si évidente qu’il ne pouvait s’agir du même individu.Les problèmes sont multiples. Certains documents sont certifiés à une date qui précède leur préparation. D’autres sont signés sans que jamais le dossier n’ait été consulté pour vérifier les faits. Au cours d’une déposition devant un tribunal, un employé a avoué avoir signé plus de 10.000 documents par mois sans même regarder les dossiers.Une partie du problème vient de la titrisation à outrance des crédits immobiliers pendant la bulle : il devient parfois très difficile de retrouver les papiers qui identifient la banque à l’origine du prêt, explique le « New York Times ». Du coup, les banques signent des attestations pour certifier leur droit de propriété et procéder à la saisie. Et ces attestations ont une nature légale souvent douteuse. Ce problème s’explique en partie par la hausse abrupte du volume des crédits impayés et par le manque d’effectifs des banques qui n’ont pas hésité à aller au plus vite pour se débarrasser de crédits impayés. La hausse des défauts de paiement sur une période de plus de 90 jours représentait 9,5 % des crédits sur les trois premiers mois de l’année, selon la Mortgage Bankers Association, alors qu’elle n’atteignait que 4 % au premier trimestre 2008.