Les Allemands ont toujours émis des réserves sur les " cueilleurs d'olives "
ECLAIRAGE
Il leur aura fallu attendre dix ans, mais les économistes anglo-saxons eurosceptiques tiennent leur revanche. Ils avaient émis des doutes sur la capacité de l'Union monétaire à résister à un gros choc récessif. On y est.
La Grèce, le maillon faible de la zone, est en train de craquer. Victime de la défiance des investisseurs internationaux après l'annonce d'un dérapage record de son déficit, Athènes a de plus en plus de mal à se financer. Le défaut de paiement la menace, comme l'Argentine il y a quelques années.
La Grèce cherche désespérément une aide extérieure, qui tarde à venir. Le Fonds monétaire international (FMI) se contente d'une assistance technique et les Chinois ne semblent guère décidés à acquérir des emprunts qui ressemblent un peu plus chaque jour à des junk bonds (obligations pourries).
Quant aux autres pays de la zone euro, ils rechignent aussi. L'information, révélée dans nos colonnes, selon laquelle les Européens plancheraient sur une aide destinée à la Grèce, a été immédiatement démentie à Paris et à Berlin.
Il y a bien sûr du poker menteu r dans tout cela. Les partenaires de la Grèce, exaspérés par le trucage des comptes auquel s'est livré Athènes depuis des années, souhaitent exercer une pression maximale sur le gouvernement de M. Papandréou pour qu'il fasse enfin le ménage.
Cependant, ils savent qu'une défaillance de la Grèce mettrait à mal tout l'édifice. Sa sortie de la zone euro - au-delà des énormes problèmes techniques qu'elle poserait - placerait aussitôt d'autres pays, comme le Portugal et l'Espagne, en position intenable.
Monnaie surévaluée
Mais il y a aussi dans l'attitude intransigeante de l'Allemagne une vraie conviction économique, résumée sèchement par Axel Weber, le patron de la Bundesbank : " Il est impossible de justifier auprès des électeurs qu'on aide un autre pays afin que ce dernier puisse s'épargner les douloureux efforts d'adaptation qu'on a soi-même endurés. "
Les dirigeants allemands avaient accueilli, on s'en souvient, avec beaucoup de réserve l'idée de faire entrer dans l'euro des pays d'Europe du Sud, " les pays du Club Med ", " les cueilleurs d'olives ". Ils avaient fini par accepter mais, précisément, en obtenant l'ajout d'une clause de no bail out, de non-assistance financière à pays en danger.
La Bundesbank, notamment, considérait que ces pays n'étaient pas assez solides et vertueux pour partager la même monnaie qu'eux. Et que, une fois privés de leur drogue préférée, la dévaluation, ils seraient dans l'incapacité de maintenir leur compétitivité et donc se procurer de la croissance. Force est de constater aujourd'hui que ces arguments économiquement très incorrects n'étaient pas entièrement dépourvus de sens.
On avait longtemps jugé que les pays d'Europe du Sud étaient les grands gagnants de la monnaie unique. Il faut au contraire maintenant se demander s'ils n'ont pas beaucoup perdu à posséder une monnaie surévaluée.
Mais, aujourd'hui, la réponse à la crise grecque n'est pas monétaire ou économique. Elle est essentiellement politique, tant une sortie de la Grèce de la zone euro serait un coup terrible (fatal ?) porté au projet historique de créer une monnaie commune à tous les pays du Vieux Continent.
Pierre-Antoine Delhommais