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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

" Le coût du travail est plus élevé au Royaume-Uni ou en Allemagne qu'en France "

" Le coût du travail est plus élevé au Royaume-Uni ou en Allemagne qu'en France "

Mathilde Lemoine, directrice des études économiques de la banque HSBC France



Prévoyez-vous un rebond de l'emploi industriel dans les secteurs où la France est traditionnellement forte, comme l'automobile ou l'aéronautique ?

L'ajustement a déjà été très brutal dans l'industrie, en particulier dans le secteur automobile, qui a commencé à détruire des emplois avant même la crise. Il est toutefois peu probable que l'industrie se remette à créer des emplois rapidement. D'une part, le taux d'utilisation des capacités de production reste très bas, en particulier dans l'automobile, malgré les primes à la casse. Il est en effet de 65 % seulement, alors qu'il devrait être de 82 % - sa moyenne de long terme -, preuve que cette industrie est toujours en surcapacités.

De plus, la crise accélère les fermetures d'entreprises et les personnes licenciées n'ont pas toujours les moyens de reprendre un autre type de poste, ou le même poste dans un autre secteur.

Enfin, si la consommation des ménages faiblit une fois les plans de relance terminés, les personnes maintenues jusqu'ici en chômage partiel seront licenciées. Il est donc urgent de mettre en place des dispositifs d'accompagnement des chômeurs en vue de l'évolution sectorielle qui se prépare.



Le coût du travail est fréquemment désigné comme un handicap pour le développement de l'emploi industriel en France. Est-ce aussi votre point de vue ?

La hausse - plus importante depuis 2000 - du coût du travail français par rapport au coût du travail allemand est systématiquement mise en avant. Mais en réalité, le coût du travail français reste inférieur à celui du travail allemand. En effet, si, en France, les cotisations patronales versées pour une heure de travail sont supérieures à ce qu'elles sont en Allemagne, le salaire y est inférieur. Au total, le coût d'une heure de travail est donc plus bas en France qu'en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et bien entendu au Danemark, en Suède ou au Luxembourg.

Par ailleurs, il ne faut pas limiter la question de la désindustrialisation à celle du coût du travail. La compétitivité passe aussi par l'innovation et le service, qui sont autant d'éléments permettant de rester compétitif sans forcément réduire les avancées sociales. C'est la " compétitivité par le haut ".



Que manque-t-il aux entreprises pour développer l'emploi industriel en France ?

De l'investissement productif, de l'investissement en innovation et de l'investissement en capital humain ! La France se caractérise par un faible investissement privé, notamment en innovation puisqu'il représente seulement 1,3 % du produit intérieur brut (PIB), contre 1,8 % en Allemagne. Il est de surcroît en recul. Par ailleurs, les salariés sont souvent seuls face aux évolutions professionnelles rendues nécessaires par les changements technologiques ou sectoriels. Il ne s'agit pas de faire en sorte que tout le monde soit ultraqualifié, mais de donner les moyens aux salariés de faire évoluer leurs compétences et de changer d'entreprise ou de secteur en temps utile. De ce point de vue, la France est très en retard, et rien n'est prévu pour améliorer cela.



Quelles seraient les mesures appropriées ?

Il ne faut surtout pas de mesures sectorielles mais des incitations transversales à l'investissement sous toutes ses formes. Il faut aussi " désinciter " les comportements court-termistes. Je pense par exemple à une baisse de l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis, et à un plafonnement de la déduction d'impôt sur les sociétés pour intérêt d'emprunt. Mais aussi à des obligations réglementaires en matière de formations diplômantes et certifiantes dispensées en amont, c'est-à-dire avant que l'entreprise ne ferme ou ne licencie. Il est faux de croire que l'industrie de demain n'a pas besoin d'une main-d'oeuvre de qualité et payée à la hauteur de sa productivité. La flexibilité de la main-d'oeuvre du secteur privé ne peut être un objectif.

Ainsi, l'industrie pourrait se renouveler et mieux répondre aux nouvelles demandes et aux nouveaux types de consommation. Les évolutions sectorielles ne seraient plus synonymes de désindustrialisation inéluctable, puisque d'autres entreprises industrielles émergeraient, même si leurs caractéristiques différeront forcément de celles de l'industrie du XXe siècle.

Propos recueillis par Adrien de Tricornot

 

Oui, on ne l'entend pas assez en France, ou on croit l'inverse.

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