Jean-Luc Gaffard, professeur des universités, Sciences Po
Le poids de l'industrie en recherche et développement (R & D) et dans les exportations justifie une politique dédiée. D'autant que le contexte de croissance faible est susceptible d'accélérer la désindustrialisation.
Il paraît judicieux, dans cette perspective, de promouvoir la coopération entre grands groupes et petites et moyennes entreprises (PME) comme cela a été engagé avec les pôles de compétitivité. Les partenaires doivent avoir un horizon décisionnel relativement long au lieu de s'en tenir à la rentabilité immédiate. Il faut aussi réviser certains dispositifs légaux et réglementaires pour favoriser la dissémination du progrès technique et aider au financement des PME, ce qui implique une forme de segmentation du système de financement. Les mesures envisagées par le gouvernement semblent aller dans ce sens. Pour être efficaces, elles doivent favoriser la coordination entre les acteurs et être subordonnées à des engagements de coopération, sans nécessairement cibler des secteurs particuliers, ou en conservant une définition large des filières qualifiées de stratégiques.
Des mesures d'aide individuelle aux entreprises resteraient inopérantes en raison, notamment, de la prégnance de comportements opportunistes. "
Elie Cohen, directeur de recherches au CNRS
Le gouvernement a l'air de prendre la mesure des difficultés mais ses propositions ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Il est illusoire de croire que l'Etat peut désigner les secteurs, les entreprises ou les technologies stratégiques. Rien de décisif, par contre, n'est proposé pour développer des écosystèmes innovants et faciliter l'émergence d'un tissu dense de PME exportatrices. Le gouvernement veut baisser les charges, bien. Mais c'est aujourd'hui que les entreprises industrielles ont besoin de restaurer leur compétitivité-coût. Réorienter vers les PME le crédit d'impôt recherche est une bonne idée, sauf que cela va décourager les grandes entreprises qui relocalisent en France des centres de recherches. La question du financement de l'industrie est sérieuse à cause de la crise financière et du désinvestissement du secteur par les assureurs et les institutionnels. A cela deux solutions : combattre les nouvelles normes prudentielles et créer des circuits spécifiques de financement. M. Sarkozy hésite entre un interventionnisme déclamatoire, un impératif industriel gaullo-pompidolien incompatible avec la mondialisation et une entrée franche dans l'économie de la connaissance qui suppose une tout autre vision de l'industrie. "
Propos recueillis par Yves Mamou