Encore à un stade de développement embryonnaire en France, le prêt entre particuliers (« peer to peer ») mérite pourtant que l'on s'y intéresse. Le succès d'acteurs comme Prosper aux États-Unis (créé en 2005) ou Zopa au Royaume-Uni (2006) a entraîné l'apparition d'une trentaine d'acteurs en 2007 et 2008. Selon le cabinet de conseil Ineum Consulting, à l'échelle internationale, le poids du marché du « peer to peer lending » pourrait passer de 38 milliards de dollars en 2008 à 159 milliards en 2013. En France, les prêts entre particuliers pesaient fin 2009 « seulement 3 milliards d'euros d'encours environ, mais on estime que ce mode de financement représentera 5 milliards d'encours en 2015 », avancent les consultants d'Ineum.
À en juger par le développement des sociétés de prêt entre particuliers dans les pays anglo-saxons et par les taux de défaut affichés ? entre 0,5 % et 3 % seulement, alors qu'ils sont de 5 % à 6 % sur le marché du crédit à la consommation classique ?, le modèle est viable. Reste à savoir si les nouveaux entrants pourront résister à la pression des établissements en place. Les banques s'intéressent de près au sujet et un certain nombre d'entre elles ont déjà lancé des études d'opportunité. « Le P2P lending peut constituer aujourd'hui une opportunité majeure de différenciation et de modernisation pour les acteurs traditionnels bancaires », confirme Aurélie Brugere chez Ineum Consulting.
Un modèle crédible
FriendsClear (crédit à la consommation et crédit aux entreprises d'au maximum 25.000 euros sur 3 ans) s'est ainsi adossé au Crédit Agricolegricole. Une façon de renforcer sa crédibilité tout en continuant à se positionner comme un acteur alternatif.
De son côté, Prêt d'Union (crédit à la consommation en P2P) pourrait lancer sa plate-forme au premier trimestre 2011. Ses promoteurs doivent encore mener à bien une augmentation de capital d'environ 3 millions d'euros et, maintenant que l'instruction technique de leur dossier est terminée à la Banque de France, obtenir l'agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP). La start-up a déjà levé 1 million d'euros et peut se prévaloir du soutien du fonds d'investissement de Xavier Niel, Kima Ventures.
« La directive sur les services de paiement permet une activité de crédit, du moment que le délai reste inférieur à un an. Il est donc fort probable que certains acteurs se positionneront sur le créneau du peer to peer lending sans la participation d'une banque ou d'un organisme de crédit », explique Marwan Farah chez Ineum Consulting.
Le système permet aux emprunteurs de bénéficier d'un taux intéressant, tout en assurant un bon rendement aux prêteurs, défendent les promoteurs du prêt entre particuliers. Sur son site Internet, FriendsClear déclare prêter aux entrepreneurs à 5,53 % et rémunérer les prêteurs 4,50 %.
Babyloan et plus récemment Xetic (lire ci-dessous) jouent quant à eux sur le registre solidaire. Les prêts des internautes ne sont pas rémunérés mais ils permettent de financer des microcrédits dans des pays du Sud, et bientôt du Nord.
Les développements du P2P à l'étranger n'ont pas fini d'être une source d'inspiration. En Irlande, un site permet de changer des devises de particulier à particulier. Aux États-Unis, une plate-forme permet même d'investir sur le potentiel d'une personne contre la promesse de recevoir un certain pourcentage de ses revenus futurs.
Par Sophie Rolland -
Lancé en octobre 2010, Xetic propose aux internautes de prêter de petites sommes d'argent ? à partir de 20 euros ? afin de financer des projets de micro-entrepreneurs du Sud qui n'ont pas accès au crédit classique. Comme son grand frère Babyloan, Xetic s'inspire de Kiva, le célèbre site communautaire de San Francisco.
Pour sélectionner ses projets, il s'appuie sur des institutions de microcrédit locales déjà soutenues par des acteurs expérimentés, comme la fondation Mérieux, l'ONG Entrepreneurs du Monde ou encore la région Rhône-Alpes et la ville de Lyon. Actuellement, le site propose de financer une quarantaine de projets au Burkina Faso, au Bénin et au Sénégal.
1 million d'euros de prêts
« Les besoins sont immenses et l'ambition de Xetic est de financer 1 million d'euros de prêts solidaires d'ici à 2012 », explique le président de Xetic, Jérémy Camus, qui insiste sur la « valeur ajoutée humaine du projet au-delà de la valeur ajoutée économique ».
L'association à but non lucratif cherche aussi à nouer des partenariats avec des entreprises. « L'idée, pour une agence de voyage par exemple, pourrait être de proposer à ses clients d'accompagner des projets dans des pays où ils sont partis », explique Jérémy Camus. S. R.