Cette semaine, pas de chronique d'actualité. Pas de Grèce, qui va mieux financièrement - elle a pu emprunter 5 milliards d'euros sur les marchés au lendemain de l'annonce d'une cure d'austérité sans précédent -, mais beaucoup moins bien socialement : le pays a été paralysé vendredi 5 mars par une série de grèves dans les transports. Avec une interrogation : le malade va-t-il mourir en bonne santé ?
Pas de livre sterling, non plus, qui dégringole à cause de l'incertitude électorale et de l'ampleur des déficits. Le Royaume-Uni sera-t-il la nouvelle Grèce ? A la différence près, notable, qu'il ne pourra guère compter sur l'aide de ses partenaires européens, trop contents, au fond, que Londres paye au prix fort son isolement monétaire et son rejet de l'euro. Trop contents de voir Gordon Brown, présenté comme le grand sauveur du système bancaire à l'automne 2008, aller quémander l'assistance du Fonds monétaire international (FMI).
Non, cette semaine, rien de tout cela. Place aux femmes. L'idée, il faut l'avouer, ne nous est pas venue spontanément à l'esprit, mais d'une suggestion de Sylvie Kauffmann, directrice de la rédaction du Monde : " Ta chronique paraît dans l'édition spéciale Journée des femmes. Qu'est-ce que tu penses du thème : si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters, serions-nous dans le même pétrin ? "
On n'en pense pas grand-chose en vérité, mais on sait en revanche très bien qu'une suggestion de " La Kauf " équivaut à une commande ferme. Le Monde sisters.
Donc, les subprimes ont-ils un sexe ? Masculin, cela ne fait aucun doute, en ce qui concerne leurs victimes, ceux à qui la crise a fait prioritairement perdre leur emploi. A savoir des hommes travaillant dans l'industrie. Les femmes, aux jobs souvent plus précaires mais employées dans les services, ont un peu moins souffert. C'est vrai en France, où pour la première fois le taux de chômage masculin, traditionnellement inférieur, a rejoint celui des femmes. Aux Etats-Unis aussi, où depuis le début de la récession la main-d'oeuvre employée masculine a chuté de 8,2 %, celle des femmes de 3,9 %.
Surtout, la crise des subprimes serait celle d'un capitalisme macho, où la soif d'argent et de pouvoir conduit des mâles dominants, ou aspirant à le devenir, à prendre des risques insensés. Pour épater la galerie et les filles.
Les femmes, c'est bien connu, ont une attitude financière autrement plus responsable et sage que les hommes. Les organismes de microcrédit le savent bien, qui, dans les pays émergents, confient l'essentiel de leurs prêts à des femmes, parce qu'elles se montrent plus respectueuses des échéances.
Des sondages confirment d'ailleurs ce caractère sexué du comportement financier. Comme celui réalisé, il y a quelques années, pour le compte des caisses d'épargne qui indiquait que, pour les femmes, 81 % des hommes sont " joueurs " avec l'argent, tandis que 58 % des hommes jugent les femmes " prévoyantes ".
Tout cela, nous disent les scientifiques, est affaire de testostérone. C'est la conclusion d'une enquête conduite par des chercheurs de l'université de Cambridge sur l'influence des hormones mâles dans la prise de risque, conduite auprès de dix-sept traders de la City auxquels on a régulièrement prélevé des échantillons de salive matin et soir. Résultat : les gains les plus élevés, mais aussi les prises de risque les plus importantes, étaient le fait des traders présentant le taux de testostérone les plus hauts (on a observé le même phénomène chez des judokas en compétition).
Une autre étude, menée à l'université de Chicago auprès de 500 étudiants et étudiantes de MBA par les professeurs Luigi Zingales et Paola Sapienza, est arrivée au même constat. L'expérience consistait à offrir le choix entre un gain financier fixe et certain et une récompense supérieure et croissante mais avec prise de risque. Les femmes - qui produisent aussi de la testostérone, mais en bien moindre quantité - présentant des taux d'hormone masculine anormalement élevés prenaient sept fois plus de risques financiers que les étudiantes ayant un taux normal.
A quoi bon, dans ces conditions, se casser la tête à inventer des régulations strictes pour les marchés ? Alors qu'il suffirait, pour éviter de nouvelles crises et empêcher la formation de bulles spéculatives, de n'embaucher dans les salles de marché que des femmes ou des hommes mûrs (après tests hormonaux, par sécurité). De ne recruter que des " tradeuses " et surtout de se débarrasser sur le champ de jeunes " tradeurs " hypertestostéronés.
La règle d'une sagesse financière féminine supérieure apparaît d'autant plus juste et vraie qu'elle souffre quelques exceptions qui viennent la confirmer. C'est une jeune femme, Antigone Loudiadis, Addy pour les intimes, qui, chez Goldman Sachs, au début des années 2000, a conçu l'ingénieux montage ayant permis à son pays natal de maquiller sa dette.
Erin Callan était, quant à elle, directrice financière de Lehman Brothers au moment où la banque courait à sa perte en raison de risques démentiels pris sur les marchés dérivés de crédit. Elle fut débarquée trois mois avant la faillite fatale. Ce qui brisa le rêve de la belle Erin, au look d'héroïne de Sex and the City : l'achat d'un appartement de 220 m2 au 15 Central Park West, dans un des immeubles les plus huppés de New York, habité par la rock star Sting, Sanford Weill, le légendaire président de Citigroup, et Lloyd Blankfein, le patron... de Goldman Sachs ! Pas assez de testostérone pour Miss Callan.
Pierre-Antoine Delhommais