Le plan associerait des établissements privés et publics des deux Etats pour acheter ou garantir la dette du pays
Bruxelles Bureau européen
Angela Merkel a assuré, dimanche 28 février, qu'" aucune décision n'était encore prise ". Il n'empêche : les préparatifs s'accélèrent pour porter secours à la Grèce en cas d'absolue nécessité. Olli Rehn, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, devait se rendre lundi à Athènes pour examiner avec les dirigeants grecs de nouvelles mesures d'assainissement.
La chancelière allemande doit, de son côté, recevoir le premier ministre socialiste grec, Georges Papandréou, vendredi 5 mars à Berlin. Allemagne en tête, les pays de la zone euro n'entendent pas bouger sans être certains que le gouvernement mette tout en oeuvre pour réduire le déficit de 4 points de produit intérieur brut (PIB) en 2010.
" La Grèce doit faire ses devoirs ", a martelé Mme Merkel, dimanche soir, sur la chaîne publique allemande ARD. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances de la zone euro, est sur la même ligne. " La Grèce doit intensifier ses efforts pour limiter son déficit public ", a-t-il affirmé, samedi, au journal grec Eleftherotypia.
" La Grèce doit comprendre que les contribuables allemands, belges, ou luxembourgeois ne sont pas prêts à faire les frais des mauvaises politiques budgétaires grecques ", a-t-il ajouté.
Une façon d'accentuer encore la pression sur le gouvernement grec, au moment où celui-ci s'apprête à durcir son plan d'assainissement : une hausse de la TVA, et des taxes sur les produits de luxe et l'énergie sont à l'étude, ainsi que de nouvelles coupes dans le traitement des fonctionnaires. Après avoir traîné les pieds, la Grèce entend agir d'ici à la prochaine réunion des ministres des finances européens, les 15 et 16 mars.
En attendant, les Etats de la zone euro veulent redoubler d'efforts afin de se tenir prêts en cas de besoin. Tous les pays de l'euro seraient peu ou prou disposés à décliner financièrement la solidarité de principe affichée lors du dernier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, le 11 février à Bruxelles.
Les prochaines semaines sont considérées comme cruciales, Athènes espérant procéder à plusieurs émissions obligataires d'ici à la fin du mois d'avril. Une telle opération de refinancement serait même, selon des rumeurs de marchés non confirmées par les autorités grecques, probable dans les prochains jours. " On se rapproche du moment où il sera peut-être nécessaire de passer à l'action ", observe un expert financier.
Ni le montant - de l'ordre de 20 milliards à 25 milliards d'euros - ni les modalités précises d'un éventuel plan d'aide ne sont encore arrêtés. Mais plusieurs options sont à l'étude. Le dispositif de soutien pourrait prendre la forme de prêts bilatéraux accordés par les Etats membres volontaires au sein de la zone euro.
La Caisse des dépôts française et son équivalent allemand, la KfW, seraient par ailleurs sollicitées pour accorder des prêts, ou garantir les achats de bons du Trésor grecs par des banques privées, voire pour en acheter elles-mêmes.
La ministre de l'économie et des finances, Christine Lagarde, a suggéré dimanche sur Europe 1 que le plan d'aide pourrait impliquer " soit des partenaires privés, soit des partenaires publics, soit parfois les deux ". Les deux grandes banques européennes les plus actives sur les marchés de la zone euro, l'allemande Deutsche Bank et la française BNP Paribas, sont vues par les pouvoirs publics comme des partenaires naturels pour restructurer la dette de la Grèce.
Les tractations demeurent très délicates en raison des réticences allemandes. " Nous avons un traité dont les termes ne permettent pas de payer pour dépanner des Etats en difficulté ", a répété Mme Merkel, dimanche soir.
La chancelière allemande doit faire face à une opinion publique hostile à l'idée d'une intervention en faveur d'un pays qui a longtemps maquillé ses statistiques officielles. Elle considère qu'il ne faut agir qu'en dernier recours, dans l'hypothèse où le gouvernement grec n'arriverait plus à convaincre les investisseurs.
Quelle que soit la voie choisie pour aider la Grèce, Mme Merkel sait qu'elle risque une plainte devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe. En 1998, cette haute juridiction, amenée à se prononcer sur la monnaie européenne à la suite d'une plainte, avait donné une interprétation très restrictive de la clause de " no-bailout ", qui interdit, dans le traité de Maastricht, le sauvetage d'un Etat de la zone euro.
" Même des garanties octroyées par la banque publique KfW engagent les finances de l'Etat ", souligne un haut fonctionnaire allemand. En outre, de nombreuses questions politiques restent à clarifier aux yeux des responsables allemands : comment éviter qu'une telle crise se répète ? Qui garantit que la Grèce ne recommencera pas dans un an ? Qui surveille le programme d'économies d'Athènes ? " Il n'y a que le Fonds monétaire international - FMI - qui ait de l'expérience dans ce genre de situation ", observe-t-on à Berlin.
Un député chrétien démocrate a expliqué que l'Allemagne devra, en cas d'aide, " contrôler elle-même " l'efficacité du programme de restructurations grec. Mais une telle condition risque de se heurter à des résistances politiques à Athènes. " Vu les tensions actuelles entre les opinions publiques de nos deux pays, est-il vraiment astucieux d'envoyer des inspecteurs allemands à Athènes ? ", remarque un haut fonctionnaire.
La crise grecque et ses éventuelles conséquences sur la stabilité du système financier mondial inquiètent bien au-delà du Vieux Continent. La Maison Blanche a fait savoir vendredi que le président, Barack Obama, recevrait, le 9 mars, Georges Papandréou.
Cécile Calla (à Berlin), Anne Michel et Philippe Ricard (à Bruxelles)