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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Les énergies vertes étranglées par la rigueur

Les énergies vertes étranglées par la rigueur

Plusieurs gouvernements européens revoient  à la baisse leurs subventions au photovoltaïque. Au grand dam des investisseurs.

Bernd Radowitz, Jan Hromadko, Liam Moloney | The Wall Street Journal

Salvador Guerra i Salamo n’en dort plus la nuit. “J’ai peur de ne pas pouvoir rembourser mon emprunt bancaire. Alors que toute ma vie j’ai toujours honoré mes dettes”, se lamente-t-il en parcourant à pied le parc solaire Riudarenes II, situé près de Gérone, en Catalogne. Sa famille a investi 7 millions d’euros dans plusieurs sites photovoltaïques, dont celui-là, qui a une capacité de 2,1 mégawatts (MW). Mais, maintenant que les caisses de l’Etat sont vides, Madrid envisage de réduire considérablement les subventions aux énergies renouvelables, même pour les centrales déjà en service.

Dans les années qui ont précédé la crise financière de 2008, de nombreux Etats européens ont généreusement subventionné le secteur balbutiant des énergies renouvelables en vue d’atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais, maintenant, ils sont obligés de faire machine arrière, mettant ainsi en grande difficulté les investisseurs et le secteur tout entier.

M. Guerra a commencé à s’intéresser au solaire il y a huit ans. Après avoir vendu sa participation dans une société de distribution de boissons, il cherchait un domaine peu risqué où réinvestir ses capitaux. Son fils Pere, qui venait d’étudier le photovoltaïque au lycée, l’a alors persuadé de mettre de l’argent dans des installations solaires et de profiter ainsi des largesses de l’Etat. Salvador Guerra i Salamo est l’un de ces dizaines de milliers de petits entrepreneurs qui, depuis dix ans, ont créé l’essentiel de la capacité de production électrique d’origine solaire espagnole, qui représente 3,8 gigawatts (GW). Mais il n’en tire aucun revenu : jusqu’en 2017, toutes les recettes serviront à rembourser ses emprunts, qui ont financé 70 % de l’investissement.

Madrid veut revoir le système tarifaire de l’électricité

Le photovoltaïque a explosé en Espagne à partir de 2007, jusqu’à ce qu’un changement dans la réglementation, en septembre 2008, ne réduise les aides ac­cordées aux futurs sites. Les capacités opérationnelles avant cette date bénéficient toujours d’un tarif de rachat garanti fortement subventionné, pouvant at­teindre 440 euros par MGh, soit dix fois plus que le prix payé par les ­distributeurs pour l’énergie provenant de sources traditionnelles (gaz naturel, charbon, nucléaire, hydraulique). Depuis 1997, la loi garantit en outre aux fournisseurs d’électricité que leurs coûts de production seront couverts tant que les prix resteront réglementés. L’Etat est donc tenu de leur rembourser le manque à gagner, qui s’élève actuellement à 16 milliards d’euros, mais il n’a pas encore précisé comment il comptait procéder.

Madrid a engagé des négociations avec l’opposition sur une vaste réforme du secteur énergétique, qui comprendrait la remise à plat de l’ensemble du système tarifaire de l’électricité. Et, le 1er août, il a annoncé son intention de procéder à une baisse – pouvant aller jusqu’à 45 % – des subventions aux futures centrales photovoltaïques. Mais les associations du secteur l’accusent de vouloir également réduire de 30 % la plupart des aides existantes, très probablement en limitant le nombre d’heures de production subventionnées que les centrales solaires peuvent vendre au réseau.

Etant donné que les autorités s’étaient engagées à ne pas fixer de plafond pendant vingt-cinq ans, l’industrie du solaire et les investisseurs dénoncent le caractère “rétroactif” de la mesure envisagée. Si les subventions diminuent, “je ferai inévitablement faillite”, prévient Pere Guerra, aujourd’hui âgé de 24 ans et associé dans une entreprise d’énergie solaire.

Berlin va réduire les subventions au photovoltaïque

Mais il faudra bien que quelqu’un paie la facture. L’Etat devra sans doute prendre à sa charge le coût du déficit tarifaire – alors qu’il peine déjà à combler un déficit budgétaire abyssal. Sinon, il devra laisser monter les prix de l’électricité pour compenser les déficits tarifaires accumulés, tout en réduisant les subventions aux énergies renouvelables, afin que l’électricité reste abordable.

La perspective de devoir assumer la plupart de ces aides pendant encore vingt-deux ans préoccupe le ministre de l’Industrie, Miguel Sebastia. Ces subventions, explique-t-il, ont été “définies en période de vaches grasses, sans tenir compte du fait que plus le soleil brille, plus elles sont importantes”. Le prix de l’énergie renouvelable doit demeurer supportable et ne pas mettre en péril la compétitivité des industries espagnoles, souligne-t-il.

Même si l’Espagne est le pays qui envisage les solutions les plus radicales, d’autres Etats européens estiment eux aussi que leurs régimes de subventions deviennent intenables. En Allemagne, le consommateur subventionne directement l’énergie verte via ses factures d’électricité – lesquelles devraient augmenter de 10 %, a prévenu en juillet le ministre de l’Economie, Rainer Brüderle, à cause de l’accroissement des capacités de production d’énergie renouvelable. Le pays soutient financièrement les panneaux photovoltaïques – pour la plupart installés sur les toits – en garantissant des prix minima pour l’électricité qu’ils produisent.

Selon les projections réalisées l’année dernière par l’institut de recherche économique RWI, les aides à l’énergie solaire atteindraient 77 milliards d’euros en montants cumulés à l’horizon 2013, soit 11 milliards de plus que prévu. En juillet, le gouvernement fédéral a décidé de réduire, en deux étapes et à hauteur de 16 % au maximum, les subventions aux nouvelles capacités solaires, afin d’enrayer leur croissance et d’empêcher un dérapage des coûts.

Le renchérissement de l’électricité est également un sujet de préoccupation en Italie, car il entraîne une contraction des autres dépenses de consommation, considérées comme vitales pour la reprise économique. Le gouvernement envisage donc de modifier le système des “certificats verts”, dans le cadre duquel les fournisseurs d’électricité doivent générer une certaine quantité d’énergie à ­partir de sources renouvelables.

Les Etats membres ont certes le droit d’amender leurs mécanismes de soutien, reconnaît Marlene Holzner, porte-parole du commissaire européen à l’Energie, Günter Oettinger, mais il n’est pas bon pour les marchés d’être “soumis à des à-coups”.

Les grands fonds d’investissement se battent eux aussi contre toute réduction importante des subventions à l’énergie verte. “Une baisse rétroactive des tarifs [comme l’envisage Madrid] serait une véritable escroquerie”, proteste Nektarios Kessidis, coresponsable, chez DWS à Francfort, de la gestion de 1,2 milliard d’euros pour le compte de trois fonds spécialisés dans les nouvelles ressources. “Et aucune banque, qu’elle soit locale ou étrangère, ne voudrait plus financer des projets espagnols dans les énergies renouvelables”, prévient-il.

En outre, il est fort probable que des entreprises traîneraient le gouvernement devant la Cour européenne de justice. Comme l’explique Antonio Vazquez-Guillen, du cabinet d’avocats Allen & Overy à Madrid, la Cons­titution espagnole garantit la non-rétroactivité des mesures limitant les subventions. “Il faudrait donc s’attendre à une vague de procès.”

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