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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Mensonges

Mensonges

La tragi-comédie qui s'est jouée le mois dernier entre Carlos Ghosn, le patron de Renault, et Nicolas Sarkozy mérite qu'on s'y arrête. Reprenons le scénario. Tout commence par une information qui, sur le plan industriel, n'est pas un scoop: la Clio 4, comme son homologue actuelle la Clio 3, va être produite en Turquie, à Bursa, en concurrence avec le site de Flins, qui pourrait perdre quelques milliers d'emplois.

Nicolas Sarkozy veut aussitôt montrer qu'il agit. Qu'il défend l'emploi, les usines, les ouvriers. Il convoque donc Carlos Ghosn à l'Elysée, comme un vulgaire préfet. Et Christian Estrosi, le ministre de l'Industrie, annonce sans rire que l'Etat pourrait remonter au capital de Renault. Pourquoi ne pas renationaliser Renault et rouvrir Billancourt pendant qu'il y est? Fin du spectacle: l'Elysée indique qu'une partie des futures Clio seront produites à Flins, ce qui était plus ou moins prévu.

Tout cela a un petit goût de Gandrange: convoquer les patrons à l'Elysée ne les a jamais fait renoncer aux décisions qu'ils jugent nécessaires à la survie de leur entreprise. Renault est positionné sur les véhicules d'entrée et de moyenne gammes. Des segments hyperconcurrentiels, où les marges sont faibles, où le salut ne peut venir que de la maîtrise des coûts de production et de la maximisation des volumes. D'où la stratégie d'internationalisation à marche forcée menée par les dirigeants de la firme au losange. Une stratégie qui lui a permis de connaître un certain succès et de maintenir en France, pour l'essentiel, les emplois de conception et d'industrialisation, ainsi que les fonctions tertiaires liées au pilotage du groupe. Et cela dans un contexte où, dès avant la crise, les capacités de production étaient, en Europe, très supérieures au marché. D'où les difficultés d'Opel, la disparition annoncée de Saab, la mise en vente de Volvo, les restructurations en cours chez Fiat...

Deux leçons peuvent être tirées de cette histoire. La première est que convoquer les patrons à l'Elysée ou faire le VRP pour nos avions de chasse et nos centrales nucléaires - sans grand succès - ne peut tenir lieu de politique industrielle. Le rôle des responsables politiques est surtout de créer un environnement favorable à l'activité: investir dans l'éducation, la recherche, les infrastructures, garantir la stabilité du cadre juridique et fiscal.

Au-delà, Renault va demain être victime d'un autre choc, plus important encore, lié à l'inévitable raréfaction du pétrole. Face à cela, la fuite en avant dans le tout-électrique défendue par le gouvernement et, avec lui, par une large partie de l'opposition, n'est pas la solution. Il faut surtout repenser les formes de la mobilité dans notre société, réduire la place de la voiture, avec des conséquences inévitables sur l'emploi.

Dans ce contexte, exiger des patrons de l'automobile, comme Nicolas Sarkozy fait mine de le faire, qu'ils maintiennent l'emploi dans leur entreprise n'a pas de sens. L'urgence est plutôt d'imaginer les politiques qui rendront bénéfique pour tous la conversion écologique de notre société.

Philippe Frémeaux

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